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Le Songe d’une nuit d’été de George Balanchine par le New York City Ballet

C’est une tradition pour le New York City Ballet : achever sa saison de printemps par une série de représentations du Songe d’une nuit d’été, le ballet de George Balanchine. Cette reprise 2016 ne pouvait tomber mieux alors que l’on célèbre cette année le 400ème anniversaire de la mort de William Shakespeare, auteur de la comédie qui a inspiré le livret. Marius Petipa fut le premier à s’emparer de la partition de Felix MendelssohnMichel Fokine et Frederick Ashton ont aussi livré leur version. George Balanchine a chorégraphié ce ballet en 1962. L’idée était d’en faire un pendant estival de son Casse-Noisette. Il décida donc d’aller puiser dans d’autres partitions du compositeur allemand pour construire un ballet narratif en 2 actes et 6 tableaux. Le succès fut immédiat et il ne se dément pas aujourd’hui.

Sara Mearns-Songe d'Une Nuit d'Eté- Acte1.

Le Songe d’Une nuit d’été – Acte1 (Sara Mearns)

Fidèle à son habitude, le NYCB ne lésine guère sur les moyens pour mettre sur scène ce chef-d’œuvre du chorégraphe fondateur. Pas moins de neuf Principals sont en scène, dont cette année Taylor Stanley qui étrennait son tout nouveau titre, et évidemment les jeunes élèves de l’école du NYCB, la School of American Ballet. George Balanchine tenait à inclure autant que possible les jeunes apprenti.e.s danseur.se.s dans ses productions, convaincu à juste titre que rien n’est plus formateur que la scène. Le nouveau directeur musical Andrew Litton dirigeait  l’excellent orchestre du New York City Ballet. Que le NYCB comme la plupart des compagnies américaines dispose d’un orchestre dédié est un atout de poids : les partitions – et elles sont diverses et nombreuses – sont toujours exécutées avec le plus grand soin et beaucoup de talent.

Ce fut encore le cas pour cette première du Songe d’une nuit d’été qui , 55 ans après sa création, fera son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en mars 2017. Benjamin Millepied a demandé à Christian Lacroix de créer de nouveaux décors et costumes et on ne peut que saluer cette initiative. Certes, le NYCB a un devoir de fidélité à David Hays qui créât les décors et plus encore à l’immense Karinska qui dessina quasiment tous les costumes des ballets de George Balanchine. Mais cette esthétique a parfois vieilli, c’est le cas dans le Songe d’une nuit d’été, que ce soit le carton peint de la forêt du 1er acte ou les tuniques, chapeaux et perruques des protagonistes qui ne mettent guère en valeur les artistes.

Savannah Lowery-Songe d'Une Nuit d'Eté.

Le Songe d’une nuit d’été – Acte1 (Savannah Lowery)

Il ne faut qu’un acte à George Balanchine pour régler son compte à l’intrigue de la pièce : il la resserre autour du de la Reine des Fées (Sara Mearns) et le Roi des Elfes (Andrew Veyette) en pleine scène de jalousie et de deux couples d’amoureux transis. Errant dans la forêt en pleine nuit, ils sont la cible du facétieux Puck (Antonio Carmena) qui dispose d’un philtre qu’il appose sur les yeux et qui a pour vertu d’endormir instantanément celui ou celle qui en est victime, et qui tombera amoureux de la première personne aperçue à son réveil.

George Balanchine a considérablement simplifié la pièce de Shakespeare, en gommant bien des personnages et des péripéties. Le Songe d’une nuit d’été n’atteint ainsi jamais la profondeur de Roméo et Juliette, mais c’est un divertissement comique délicieux  qui montre cet aspect moins connu du chorégraphe, qui n’a produit que peu de ballets narratifs. Pour raconter l’histoire, il use de la classique pantomime. Sara Mearns (Titiana) et Andrew Veyette (Oberon) sont irrésistibles dans leur scène de ménage initiale. Ils racontent l’histoire à merveille, avec ce qu’il faut d’humour et de distance. George Balanchine commet l’exploit de ne jamais les faire danser ensemble mais propose de longs solos. Sara Mearns, la plus lyrique des danseuses du NYCB, s’y révèle comme toujours d’une extrême délicatesse. Elle est aussi la ballerine la plus singulière de la compagnie, imprimant à chaque chorégraphie sa touche personnelle. Andrew Veyette excelle lui aussi, délivrant sa danse athlétique et techniquement irréprochable. Les deux couples d’amoureux  (Rebecca Krohn, Jared Angle, Abi Stafford, Amar Ramasar) sont à la portion congrue du côté de la danse et la chorégraphie fait davantage appel à leurs talents dramatiques – en l’occurrence comiques.

Tiler Peck et Tyler Angle- Songe d'Une Nuit d'Eté- Divertissement.

Le songe d’une nuit d’Eté – Divertissement (Tiler Peck et Tyler Angle)

Il faut mentionner l’excellente Savannah Lowery dans le rôle d’Hippolyte, la Reine des Amazones. Elle est un pur produit du NYCB avec une danse ciselée techniquement, explosive dont on retient une série de fouettés éblouissants et des grand jetés superlatifs. Quelle présence scénique ! Mais le personnage central, sinon principal, est l’incorrigible Puck qui tire les ficelles de ces faux drames amoureux. Ce rôle de comédie pure exige aussi beaucoup de virtuosité. Daniel Ulbricht fut un Puck colossal et inégalé mais la maturité venant, il s’est tourné vers le rôle d’Oberon. Il n’a pas encore de remplaçant qui atteigne son niveau. Antonio Carmena, soliste du NYCB, relève malgré tout le défi avec cran. Il a tout le talent nécessaire pour occuper la scène et se mettre le public dans la poche.

Le Songe d’une nuit d’été, c’est en fait deux ballets. Sans doute sevré de pure danse, George Balanchine a conçu le 2ème acte comme un grand divertissement dont il conserve aujourd’hui encore le secret avec 38 artistes du corps de ballet enserrés dans des symétries abyssales. C’est une Ode à l’amour dont le point cardinal est un long pas de deux interprété avec brio par Tiler Peck et Tyler Angle. L’une et l’autre sont des artistes chevronné.e.s dont la musicalité n’est jamais prise en défaut. C’est d’une infinie beauté et sans conteste l’apogée chorégraphique du ballet. Le Songe d’une nuit d’été se referme habituellement sur une image qui bluffe toujours le public où Puck dans une ultime facétie s’envole vers les Cieux. Mais un problème technique a laissé Antonio Carmena cloué au sol. C’est aussi cela le spectacle vivant : rien n’est jamais acquis car la danse est un art terrestre !

 

A Midsummer Night’s Dream (Le Songe d’une nuit d’été) de George Balanchine par le New York City Ballet, au David H.Koch Theater New York. Avec Sara Mearns (Titiana), Andrew Veyette (Oberon), Antonio Carmena (Puck), Rebecca Krohn (Helena), Abi Stafford (Hermia), Jared Angle (Lysander), Amar Ramasar (Demetrius), Savannah Lowery (Hippolyta), Taylor Stanley (Bottom), Tiler Peck et Tyler Angle (Divertissment). Mardi 24 Mai 2016. 

 

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