Napoli par le Ballet Royal du Danemark
Lundi 9 janvier 2012. Napolid’August Bournonville, deuxième acte de Sorella Englund et Nikolaj Hübbe, par le Ballet Royal du Danemark, au Palais Garnier. Avec Alban Lendorf (Gennaro), Amy Watson (Teresina), Lis Jeppesen (Veronica), Thomas Lund (Giacomo), Jean-Lucien Massot (Golfo) et Morten Eggert (Peppo).
Cette chronique est écrite alors que 11 suppressions de poste son annoncées dans le ballet danois, trois départs à la retraite non remplacés et huit licenciements. Une pensée à la compagnie qui a donné le meilleur d’elle-même sur la scène de Garnier, alors que les menaces planaient déjà.
Comment revisiter une œuvre de 200 ans qui tient toujours le coup ? C’est la question que se posent tous les jours les chorégraphes. Il y a des ballets où ça ne fait pas un doute, il y a bien besoin d’un coup de balai. Et puis d’autres qui se portent très bien, merci pour eux, mais est-ce une raison pour ne pas y toucher ? La tentation doit être grande parfois de s’attaquer à un mythe pour y mettre sa vision personnelle.C’est ce qui est arrivé à ce Napoli de Bournonville. Best-seller duBallet Royal du Danemark, il a été transformé en 2009 par Nikolaj Hübbe, le directeur actuel de la compagnie, et Sorella Englund. C’est cette version qui a été présentée à Paris.
Je ne ferais pas de comparatif détaillé entre les deux versions, ne connaissant pas la première. Les points forts et les points faibles n’en paraissent toutefois pas moins évidents.
Transposer l’histoire dans les années 1950 ne change pas forcément grand-chose. La forme est bien sûr différente, décors et costumes sont adaptés en conséquence. Mais pour le fond, la chorégraphie et pantomime de Bournonville sont intactes, et se révèlent dans toute leur saveur.
L’ouverture de rideau sur le premier acte est ainsi tout à fait charmant. Entre les costumes 50’s, les maisons en carton-pâte et le sourire festif des danseur-se-s, le public n’est on ne peut mieux disposer à passer une bonne soirée.
Mais cet acte est un peu déroutant. Une grande partie des 36 minutes est ainsi composé de pantomime. Et même au premier rang, même avec des jumelles, la pantomime peut être un art complexe, parfois difficilement compréhensible. Les petits quiproquos habituels des ballets (il dragouille la voisine, elle est jalouse, un gros lourd lui fait les yeux doux, tout le monde se réconcilient) passent ainsi presque inaperçus pour celui ou celle qui n’a pas lu le programme, et provoquent irrémédiablement un sentiment de longueur, voir d’ennui.
La danse finit néanmoins par arriver, et elle est absolument exquise. Mais elle représente finalement peu de chose dans ce premier acte, tout adorable qu’il est. La relecture n’est ici pas vraiment en cause, il s’agirait plutôt de la construction de Bournonville de cet acte auquel le public parisien n’est pas vraiment habitué.
Le deuxième acte, lui, souffre beaucoup plus de cette transformation. Sorella Englund et Nikolaj Hübbe n’ont pas voulu copier Bournonville, sage décision. Mais leur sens chorégraphique n’est pas forcément des plus époustouflants. Ce deuxième acte est ainsi composé d’une danse néo-classique, pas gênante ni traumatisante, mais pas vraiment novatrice non plus. On y cherche la sensualité annoncée dans les diverses conférences sans vraiment la trouver.
La forme choisie ne fonctionne pas forcément non plus. On valide les costumes, chatoyants et finalement réussis. Ok aussi pour les lumières vertes de côté, il faut bien évoquer le fond des mers. La musique laisse beaucoup plus circonspecte. Voilà quelque chose d’assez planant, avec de drôles de bruits façon sirènes sorties tout droit des Pirates des Caraïbes. La partition a au moins le mérite de ne pas écorcher les oreilles, et de se laisser assez vite publier. Mais pour les décors-vidéo de vagues avec bruitages intégrés, là vraiment, il faut parfois savoir dire non.
Ce deuxième acte ne convainc donc pas ainsi intrinsèquement, et gâche en plus l’ensemble du ballet. La différence de style chorégraphique et musical empêche à l’œuvre de trouver une unité, une cohésion.Est-ce un ballet ou une soirée mixte ? L’ensemble ne fonctionne décidément pas, si ce n’est pour mettre le valeur Jean-Lucien Massot, le Français de la troupe et interprète du méchant Golfo, qui s’est taillé la part du lion dans les applaudissements (pour ma part, le coup de coeur est allé à Alban Lendorf, jeune Gennaro bondissant totalement irrésistible).
Heureusement, le troisième acte, un petit bijou chorégraphique, rattrape le tout. Lui-seul mériterait le déplacement, dommage pour ceux et celles qui se sont découragé-e-s au bout de deux actes.
Les deux tourtereaux se sont retrouvés, ils s’aiment toujours autant, et vont se marier. Place à la danse ! Pendant 1/2 heure, cela n’arrête pas de virevolter, et c’est un régal. C’est aussi une véritable petite leçon du style Bournonville. Le travail du bas de jambes est admirable, complété par ces sortes de “jetés-attitudes” si représentatifs du chorégraphe. Mais ce sont pour moi l’utilisation des bras qui font surtout la différence avec le style français. La première position (bras en bas – très en bas) est beaucoup plus utilisée, tout comme le combo “Un-bras-en-couronne-l’autre-en-première”, qu’on voit peu dans les autres ballets. Le travail du buste m’a aussi semblé différent, sans que j’arrive exactement à pointer quoi.
Mais essayer de trop analyser gâcherait presque le plaisir. Voilà une danse irrésistible, interprétée avec beaucoup d’enthousiasme et de fraîcheur, et terminée par une tarentelle qui ne semble jamais vouloir s’arrêter.
Alice
Napoli est un petit bijou. Le 3eme acte est virtuose. Je n’ai vu qu’une fois la nouvelle version de Hubbe. J’ai vu je ne sais combien de fois la version d’origine et je préfère celle-ci notamment à cause du 2eme acte. Ceci dit, ce Napoli est pas mal non plus et j’aurais bien aimé venir le revoir.
Le Ballet Royal du Danemark a de l’or à son Répertoire. Combien de ballets de Bournonville sont réellement connus hors du Danemark? Napoli, la Sylphide, le Conservatoire mais tous les autres? Et il y en a pourtant à foison. Bouh, mon joli Kongelige Teater me manque.
elendae
Alors moi j’ai passé une très mauvaise soirée ! ce n’était pas la même distrib’, et la plongée depuis l’amphithéâtre n’arrange sans doute rien, mais entre la lourdeur du 1er acte, les délires new-age du 2nd et ce 3ème acte complément détaché du reste…en plus je n’ai pas apprécié la façon de danser, ces bras pointés vers le bas me semblaient incroyablement raides, les réceptions lors des sauts faisaient des grands « boums », et je n’apprécie sans doute pas le style Burnonville qui saute partout dans tous les sens. Je m’y ferais peut-être…ou pas !
Amélie
@Alice:Mais c’est vrai que tu connais bien cette compagnie ! C’est un peu le dilemme des compagnies invitées : présenter leur « tube » pour un public le plus large possible, ou varier les plaisirs au fur et à mesure des années pour les plus habitué-e-s.