La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot – Les Ballets de Monte-Carlo
Même si le premier spectacle de janvier n’est pas révélateur de ce qui va vous attendre durant les douze prochains mois, il y a des ballets avec qui il est plus agréable de démarrer l’année que d’autres. En reprenant pour les Fêtes La Mégère apprivoisée pour sa propre troupe, les Ballets de Monte-Carlo, Jean-Christophe Maillot a eu une judicieuse idée. Créé en 2014 pour le Bolchoï, le ballet est vite devenu l’une des valeurs sûres de la compagnie dans son nouveau répertoire. Truculente, drôle, truffée d’idées dans la danse comme dans la mise en scène ou l’attitude des personnages, et portée par un magnifique travail autour de la musique Chostakovitch, cette Mégère apprivoisée se savoure aussi bien à Moscou qu’à Monaco.
Le terme « Tube » est très vite connoté en France. Qu’y a-t-il pourtant de mal à créer une œuvre qui sait plaire au plus grand nombre du premier coup d’oeil, du.de la simple néophyte à l’amateur et amatrice averti.e ? La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot fait d’emblée partie de cette catégorie de « Tube » ou de « feel-good ballet » comme le veut l’expression du moment, avec tous les côtés positifs que cela inclut. D’emblée, quelque chose marche en scène, quelque chose attire l’oeil pour ne plus le lâcher. Peut-êtreb, omniprésent et assumé dès le début. Ou cette façon de mettre joliment en scène des personnages truculents. Condenser les chemins détournés de l’oeuvre de William Shakespeare n’est pas forcément chose évidente. Jean-Christophe Maillot y arrive par une pirouette, où l’on comprend à la fois qui est qui tout en se perdant dans les multiples nouveaux visages et rebondissements, partie intégrante du délice de ce genre de trame.
La Mégère apprivoisée, on y plonge donc facilement. Et l’on y reste tout autant. Car derrière une forme pétillante, le ballet brille par son inventivité, aussi bien chorégraphique que scénique. Il y a sans cesse quelque chose qui surprend encore, qui étonne, qui fait rire, qui fait qu’il y a tout autant de charme à découvrir ce ballet qu’à y replonger. C’est un ensemble enlevé (ils ont été retravaillés pour la troupe monégasque), un long pas de deux riche de sentiments au début du deuxième acte. Un vrai talent, surtout, pour raconter une histoire. Et le tout emballé par un formidable travail musical de Jean-Christophe Maillot, l’un des gros points forts de ce ballet. Comme John Cranko pour Onéguine, le chorégraphe a fait un petit patchwork dans l’oeuvre de Chostakovitch pour se concocter une partition sur-mesure. Le tout est magistral, la musique portant toujours avec justesse l’intensité dramatique, sans l’écraser ou trop l’amplifier (il est si facile dans ce genre d’exercice de tomber dans la caricature).
La Mégère apprivoisée adoucit son caractère misogyne avec ce ballet. Voilà surtout l’histoire de Katharina, une fille au caractère bien trempée, un peu trop pour un mon de de strictes conventions. Elle aime un garçons, qui aime plutôt sa sœur Bianca, qui elle-même ne le regarde pas vraiment alors qu’ils seraient tellement craquants au bras l’un de l’autre. C’est du côté d’un autre caractère volcanique que Katharina trouve chaussure à son pied, pour le plus improbable des happy ends. Pour danser avec justesse La Mégère apprivoisée, il faut savoir jouer des regards et de la dérision. Les Ballets de Monte-Carlo se montrent plutôt rares dans ce genre de répertoire. Mais la distribution de ce soir fut un petit bijou de théâtralité. Alessandra Tognoloni propose d’emblée une Katharina attachante sous son caractère insupportable, attachante car étouffé dans un monde engoncé sous ses tenues chatoyantes. Francesco Mariottini joue un Petrouchio plus ambivalent. Vraiment violent en début de spectacle, il glace le sang à la fin du premier acte, emportant de force Katharina au regard suppliant vers son père, et fait craindre le pire quant à la morale de l’histoire. Mais le deuxième acte est tout autre. Francesco Mariottini apparaît non pas ivre de domination, mais un homme ressemblant femme : déstabilisé par son propre caractère volcanique. Ici, il n’y a pas de soumission de Katharina, mais deux fortes têtes qui s’apprivoisent, se posent mutuellement, trouvent comme un certain calme dans les bras l’un des l’autre. Et c’est en couple modèle, mais sans perdre leur grain de folie, qu’ils retrouvent les autres protagonistes, qui n’ont pas forcément aussi bien trouvé chaussure à leurs pieds.
Face à Alessandra Tognoloni, la révélation de cette distribution reste l’irrésistible Katrin Schrader dans le rôle de Bianca. La jeune danseuse de 19 ans, sortie il n’y a pas deux ans de l’Académie Princesse Grace, illumine la scène par son tempérament. Elle fait de son personnage une adorable peste, pas si romantique que cela et parfois presque aussi impétueuse que sa grande sœur, et forme un duo de choc et de charme adolescent avec Jaeyong An en Lucentio. Une belle façon, décidément, de commencer l’année. Pour les danseurs et danseurs aussi, qui s’approprient avec cette Mégère apprivoisée une œuvre qui leur va comme un gant. Et qui ne demande déjà qu’à être reprise et partir en tournée.
La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot par les Ballets de Monte-Carlo, au Grimaldi Forum. Avec Alessandra Tognoloni (Katharina), Francesco Mariottini (Petrouchio), Katrin Schrader (Bianca), Jaeyong An (Lucentio), Simone Tribuna (Hortensio), George Oliveira (Gremio), Victoria Ananyan (la Gouvernanteà), Christian Tworzyanski (Baptista), April Ball (la Veuve) et Asier Edeso (Grumio). Mercredi 3 janvier 2018.
Les Ballets de Monte-Carlo sont en tournée cet hiver en France et en Suisse avec plusieurs spectacle.
Lola
dans les extraits que j’ai pus voir, la musique me plait beaucoup. J’aimerais savoir de quels morceaux de Chostakovitch il s’agit. Pour l’instant Shazam et Google n’ont pas su m’aider… En savez-vous plus ? Merci