Rencontre avec Jonathan Chmelensky, danseur français nouveau Principal du Ballet Royal du Danemark
Formé au CNSMDP puis à l’école du Ballet de Cuba, Jonathan Chmelensky fait partie de ces danseurs français qui font de brillante carrière à l’étranger. Le 10 février dernier, il a ainsi été nommé Principal du Ballet Royal du Danemark, la compagnie historique d’Auguste Bournonville, où il est danseur depuis 2007. Rencontre quelques jours après cette promotion, et retour sur un parcours riche de découvertes.
Vous avez été nommé Principal Dancer (l’équivalent de Danseur Étoile) du Ballet Royal du Danemark il y a quelques jours. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je me suis réveillé chaque jour avec le sourire sur les lèvres… C’est vraiment incroyable. J’ai bien sûr toujours voulu réussir, j’ai beaucoup travaillé pour. Cette nomination est une véritable reconnaissance de mon travail, bien que cela ne va pas nécessairement changer mon quotidien, parce que je faisais déjà beaucoup de premiers rôles. C’est une sorte d’aboutissement.
Comment s’est passé cette nomination ?
Les nominations de Principal se font toujours sur scène au Ballet Royal du Danemark, après un spectacle. Ce soir-là, je dansais la première du Lac des Cygnes, où je faisais ma prise de rôle en Siegfried. Pendant les saluts, j’ai vu beaucoup de gens de la compagnie en coulisse, même ceux qui ne dansaient pas. Puis je me suis rendu compte que d’autres Principals étaient là aussi… Mais je terminais deux longs actes, j’étais encore dans le ballet. J’étais content de ce que j’avais fait, le public semblait content aussi. Les saluts ont duré un petit peu plus longtemps que prévu. Puis je vois ma partenaire Holly Jean Dorger, qui est Principal, me serrer la main et commencer à me faire des clins d’oeil. Sur le moment, je n’ai pas vraiment percuté. J’entends le public qui commence à applaudir plus fort… Et je vois mon directeur Nikolaj Hübbe monter sur scène. Il parle du ballet, du personnage de Siegfried. « Ce personnage est dansé ce soir par un danseur qui est parmi nous depuis quelques années, qui a prouvé son travail, son amour pour la danse et pour notre Théâtre royal, et qui en plus danse très bien. C’est pour cela que j’ai le plaisir de nommer ce soir Jonathan Chmelensky Principal« .
À l’Opéra de Paris, il y a souvent des rumeurs avant une nomination. C’était le cas pour vous aussi ?
Je faisais ma prise de rôle en Siegfried dans Le lac des cygnes, voilà des petites choses qui indiquent que cela peut arriver. Mais rien n’est sûr. J’avais dansé Don Quichotte l’année dernière, ou Thème et variations de George Balanchine, de grosses prises de rôles qui auraient pu aussi amener à une nomination. Je ne voulais pas me concentrer sur l’idée d’être nommé ou non, j’étais plus fixé sur l’objectif de faire une belle représentation, de réussir une belle première, une bonne prise de rôle.
Votre famille était-elle dans la salle ?
Hélas non ! J’aime beaucoup ma famille, mais lors d’une première, il y a toujours beaucoup de pression. J’ai voulu me concentrer sur moi et ne pas changer ma routine et mon entrainement, ces petites choses que l’on ne peut pas forcément faire avec des invité.e.s. Je voulais rester zen et concentré sur le spectacle.
Être Principal, cela change beaucoup par rapport à Soliste (le grade du dessous) dans votre compagnie ?
Depuis quelques années, je dansais essentiellement des premiers rôles. Mon emploi du temps ne va donc pas nécessairement changer. ll n’y a que trois grades chez nous, il y a donc beaucoup d’attente. Mais le grade n’empêche pas l’opportunité d’avoir des rôles. C’est ainsi plus une reconnaissance du travail.
Vous avez été nommé sur votre prise de rôle de Siegfried. Quelle est votre vision du personnage ?
La version du Lac des cygnes que nous dansons est traditionnel,, avec des solos chorégraphiés par notre directeur Nikolaj Hübbe et une production un peu plus abstraite. J’y vois un Siegfried mélancolique. Malgré la joie de son anniversaire, il se retrouve seul. C’est là-dessus que je me suis basé pour oublier la technique et l’aborder comme un rôle qui raconte une histoire, avec un fil conducteur. Dans notre version, un peu comme dans celle de Rudolf Noureev, il y a un long solo d’adage solitaire pour Siegfried, qui est vraiment l’apogée de cette sorte de mélancolie et de tristesse. Rothbart met en place ce piège autour du prince. Il le pousse à chercher l’aventure, c’est là qu’il va rencontrer le cygne.
Cette nomination est une reconnaissance du travail.
En dehors de cette nomination, c’est une première qui vous a satisfait ?
J’étais assez content, j’avais réussi à trouver cette sorte de calme grâce à ce fil conducteur. Comparé à d’autres rôles, Siegfried est très lyrique. Il y a des éléments techniques mais ce n’est pas la finalité. Quand j’ai dansé Don Quichotte, ce qui était très difficile était de terminer par une grosse coda après 2h30 de spectacle. Alors qu’avec Siegfried, après la grande coda, il y a un quatrième acte qui permet vraiment de continuer l’histoire. Je n’avais pas de stress d’un point de vue technique et j’ai réussi à me reposer sur la narration. Avec ma partenaire Holly Jean Dorger, on a beaucoup dansé ensemble, on se connaît bien et on se fait confiance. Elle est très forte techniquement. Je voulais aussi faire une belle première pour elle, même s’il y a toujours des petits ratés et des choses à corriger. C’est en tout cas un bon début pour continuer à faire aboutir le personnage pour les représentations suivantes.
Revenons un peu en arrière. Comment avez-vous commencé la danse ?
J’ai commencé la danse au conservatoire du 10e, puis du 11e à Paris, quand j’étais très jeune. Ma grand-mère Margarita Medina y était professeure de danse. Ma mère travaillait beaucoup, elle n’avait pas envie que je reste seul le mercredi après-midi. Elle m’a donc inscrit au conservatoire pour que ma grand-mère puisse jeter un coup d’oeil sur moi (sourire). J’avais un planning chargé : solfège, chorale, piano et danse.
Et comment l’envie d’en faire son métier est venue ?
Cette décision s’est faite par étapes. Mon grand-père Antonio Alvarado était professeur de danse à l’école Stanlowa, qui était encore Salle Pleyel. Janine Stanlowa, qui était vivante à l’époque, m’a vu, j’allais y prendre quelques cours. Je crois qu’elle était contente de récupérer un garçon pour ses spectacles (rire). En 6e, j’étais dans un collège très strict, où je n’étais pas heureux même si les notes n’étaient pas mauvaises. Mes parents, sentant que je n’y étais pas bien, ont cherché quelque chose. C’est là que je suis rentré chez Stanlowa en sport-étude, en 5e. À cette époque, j’avais commencé à faire des spectacles et à découvrir l’aboutissement du travail que l’on fait en cours de danse classique, cela m’a stimulé. La vocation est venue chez Stanlowa. On faisait énormément de spectacles. C’est là que j’ai vraiment découvert ce monde de la scène et cette émulation.
Comment s’est passé votre scolarité chez Stanlowa ?
Je n’étais pas particulièrement doué au départ, mais j’ai eu des professeurs qui m’ont poussé et qui peu à peu ont découvert des choses en moi. « Finalement, Jonathan, il est flexible, il arrive à tourner, il a du punch, il peut porter les filles…« . J’ai commencé à faire des petits rôles importants. Au bout de trois ans, je me suis rendu compte que, si je voulais vraiment aboutir dans ce monde de la danse, je devais changer d’école. Je devenais le seul garçon au fur et à mesure des années, je sentais que j’allais arriver à un certain niveau et qu’il fallait que je me trouve un nouveau challenge. Ça a de toute façon toujours été comme ça dans ma carrière.
Et comment êtes-vous arrivé au CNSMDP ?
Daniel Agésilas dirigeait les classes de danse du CNSMDP. Il m’a fait passer l’audition. J’étais en 3e au collège et c’était mon challenge : soit j’arrive à rentrer au CNSMDP en seconde, soit je retourne dans un lycée normal. J’ai présenté le concours en espérant rentrer en première année, et je suis rentré en deuxième année. J’ai eu beaucoup de chance, je suis tombé sur une génération très forte. Il y avait une bonne émulation.
Comment s’est passé votre scolarité au CNSMDP ?
Sergei Soloviev était professeur des premières années. Je ne l’ai donc pas eu mais il était très attaché à mon groupe. Il a continué à nous suivre, il nous a donné des cours de répertoire. Il a été une sorte de guide pendant ces années, un fil conducteur. En 4e année, j’ai eu Cyril Atanassoff, et ça c’était inoubliable ! C’était quelqu’un d’incroyable, assez difficile à décrire. Il était toujours très technique, mais il amenait aussi à une sorte de philosophie derrière la danse. Avec lui, il fallait se lancer, il fallait apprendre en faisant. Il montrait beaucoup lui-même alors qu’il partait à la retraite, on était sa dernière classe. C’était un rêve d’avoir un professeur comme lui, cela reste quelque chose d’inoubliable.
Avoir Cyril Atanassoff comme professeur, c’était inoubliable !
Pourquoi alors être parti en cours d’année, sans passer votre Prix ?
Je sentais que, à nouveau, les challenges se terminaient. Les Portes ouvertes étaient passées, on venait de prendre connaissance du répertoire que l’on aurait au Junior Ballet l’année suivante, qui était très moderne et ce n’était pas ce que je voulais faire. Je voulais apprendre quelque chose d’autre plutôt que de préparer le Prix. J’ai fait quelques concours, entre autres un concours d’étudiants à La Havane, à Cuba. La directrice de l’école du Ballet de Cuba était dans le jury. Elle m’a vu et m’a proposé une bourse d’étude pour aller étudier en dernière année.
L’école cubaine est très différente de l’école française. Pourquoi ce choix ?
La technique cubaine, c’est une grande histoire. J’ai toujours vu des vidéos de Carlos Acosta, des danseurs qui se lançaient dans les airs, qui tournaient à n’en plus finir. C’est quelque chose ! Je me disais que Cuba, ça devait être incroyable. Et c’est incroyable. Je suis tombé là aussi sur une très belle génération, j’ai eu beaucoup de chance. C’était un énorme challenge de partir, je ne vais pas mentir (sourire). On est projeté dans un autre univers. L’école de danse de Cuba, c’est d’abord une leçon de vie. La vie est très difficile à Cuba, le ballet est un moyen de s’élever socialement. C’est un certain statut, une meilleure paye, donc la possibilité de ramener plus d’argent à sa famille, et l’occasion de partir en tournée et de sortir du territoire. Il y a une très grosse sélection pour entrer et il y a vraiment une lutte pour devenir le meilleur. Quand j’ai découvert cette école, je me suis dit que c’est là que je devais aller pour me donner un maximum de chances. J’y suis allé pour ma technique et ma carrière.
Comment expliquer le gros niveau technique de l’école cubaine ?
Il y a un dévouement à la danse et à l’art que l’on ne pourrait pas avoir dans un milieu occidental traditionnel. À Cuba, c’est tout pour la danse, toute la journée, la scolarité n’est pas la priorité. Il y a un coaching quotidien d’1h30 avec un professeur particulier, puis le cours, et des cours d’adage, de préparation physique, de répertoire, de corps de ballet. Tout est fait pour le classique et pour lancer les gamins au plus haut niveau.
Que vous a apporté cette école ?
Je louais une chambre dans une famille, à l’extérieur de l’école. J’étais le seul élève étranger. J’y suis resté un an et-demi, en passant mon bac au milieu, la condition sine qua non de ma mère. C’était un emploi du temps très chargé et un mode de vie difficile. J’ai pris ça un peu comme un service militaire : maintenant, c’est tout pour la danse. Je voulais me donner un maximum de chances. J’ai aussi appris ce que c’est qu’un vrai mode de vie autour de la danse, avec vraie rigueur de travail et de préparation physique. Au CNSMDP, on apprend peu à peu, chaque chose en son temps, alors qu’à Cuba, c’est maintenant ou jamais. J’avais 6 heures de danse classique par jour, contre 1h30 à 3h au CNSMDP, ça n’a presque rien à voir. Il y a vraiment une pratique quotidienne de la technique classique.
Comment le Ballet Royal du Danemark est-il arrivé dans votre parcours ?
Rester au Ballet de Cuba était une option, mais je voulais être un petit peu plus proche de ma famille. Pendant ma formation à Cuba, le directeur du Ballet Royal du Danemark est venu pour remonter Napoli d’Auguste Bournonville pour la compagnie. Et quand un.e directeur.rice vient, voir l’école est un passage obligé. Tout le monde est curieux de savoir comment une école fournit autant de danseurs masculins dans le monde. Ils veulent voir l’école, ils veulent voir les gamins qui ont 12 ans et qui font sept pirouettes et trois tours en l’air. Et puis le bâtiment est grandiose, surtout dans l’état dans lequel est La Havane, et l’école fait vraiment figure d’une énorme institution. J’étais en dernière année et la directrice a donc organisé une sorte de démonstration pour ce directeur. J’étais donc là, un peu plus grand que les autres, les Cubains ont tendance à être un peu plus petit. Le directeur est venu me voir, m’a dit qu’il a besoin de garçons Ballet Royal du Danemark. Il me propose de le contacter quand je termine ma scolarité. C’est ce que j’ai fait et j’ai été invité à passer une audition.
Pourquoi ce choix du Ballet Royal du Danemark ?
On m’a proposé de venir prendre une semaine de cours avec la compagnie. Au bout de deux jours, ils me disent qu’ils ont besoin de moi maintenant. Et pour danser, pas pour attendre en coulisse. Voilà donc une grande compagnie de 85 danseurs et danseuses, dans lequel j’avais l’opportunité de danser du corps de ballet tout de suite avec un contrat d’un an… La question de refuser ne s’est pas posée, surtout que je savais que la période après l’école peut être très difficile si on ne trouve pas un travail tout de suite. Un mois plus tard, je dansais le corps de ballet d’Onéguine de John Cranko.
La technique Bournonville est une fois de plus très différente. Comment s’adapter ?
C’était à nouveau un challenge. J’avais vraiment acquis une grosse technique à Cuba, je pouvais sauter et tourner, et c’est ce qui avait plu à la compagnie. Là, j’ai découvert une école qui va presque à l’opposé, qui va dans le détail. J’y ai retrouvé quelque chose de l’école française, une sorte de prolongement. L’aspect historique est aussi très fort dans ce théâtre, on voit des portraits d’Auguste Bournonville, les premiers films de La Sylphide, c’est ce qui m’a charmé.
Je n’étais pas forcément celui qui était prédestiné à réussir. Tout s’est fait petit à petit, étape par étape.
Le cours du matin est-il d’ailleurs différent, centré sur la technique Bournonville ?
Le cours de danse quotidien reste international. Nous avons ensuite des cours « open » de Bournonville. Ce ne sont pas des cours qui suivent les leçons au jour le jour (ndlr : l’école Bournonville est construite sur le « cours du lundi », le « cours du mardi », etc), le.la professeur.e prend des exercices des six différentes leçons. J’ai pris ces cours au départ pour apprendre les ports de bras en ouverture, les ports de tête, la manière de danser avec les épaulements, les battus en regardant vers le bas. Ce sont des petits détails, mais si on ne les a pas, tout devient très difficile chez Bournonville. Au bout de quelques années, on apprend aussi sur le tas en dansant des ballets comme Napoli.
Vous êtes au Ballet Royal du Danemark depuis dix ans. Comment s’est construite votre carrière ?
J’ai eu un parcours classique, pas vraiment une montée à toute allure. Je n’étais pas forcément celui qui était prédestiné à réussir. Tout s’est fait petit à petit, étape par étape, qui fait que je suis là aujourd’hui. Ça a été beaucoup de travail, beaucoup de petits challenges au fur et à mesure. J’étais dernier de la ligne pendant un an quand je suis rentré, ce qui est normal. Puis je me suis retrouvé devant, puis j’ai eu un petit solo quelque part, puis un autre. Quand je suis passé soliste en 2012 après cinq ans de corps de ballet, je dansais déjà des rôles de solistes, la promotion était logique. Idem pour le statut de Principal, je ne faisais que des grands rôles depuis deux ans.
Y a-t-il eu un rôle, un moment déclencheur ?
En 2010, j’étais encore dans le corps de ballet, Christopher Wheeldon est venu monter sa Belle au bois dormant. Deux danseurs qui faisaient l’Oiseau bleu se sont blessés. C’est moi qui me suis retrouvé à danser ce rôle, cinq jours plus tard. Il y a eu une sorte de déclic chez moi, mais aussi dans l’esprit dans la direction, qui a vu que j’étais vraiment capable de réussir sous la pression.
Que préférez-vous danser ?
C’est un peu difficile à dire. Ce que j’aimais danser n’est plus forcément ce que j’aime danser aujourd’hui, j’ai évolué. Quand j’étais jeune, j’aimais faire des choses comme Don Quichotte. Maintenant, je découvre une passion pour me perdre dans un rôle, pour raconter une histoire qui donne la chair de poule au public. J’aime aussi beaucoup danser George Balanchine, j’ai interprété Rubis récemment, le pas de deux est incroyable, c’est un jeu sur la balance, sur la base classique et sur la musicalité qui reste un formidable challenge. J’aime aussi danser Akram Khan, Jiří Kylián… En fait, j’aime le challenge et m’adapter aux styles. J’aime que le public soit surpris en me voyant et être malléable aux envies des chorégraphes.
Quel est le répertoire du Ballet Royal du Danemark ?
Lorsque j’ai rejoint la compagnie, il y avait clairement plus d’Auguste Bournonville que maintenant. Mais la compagnie avait besoin d’un renouveau. C’est là que mon directeur Nikolaj Hübbe est arrivé. Il était Principal au NYCB pendant de nombreuses années. Il a voulu remettre la compagnie au goût du jour, que l’on puisse danser Auguste Bournonville mais aussi un répertoire plus international. Il a amené beaucoup de George Balanchine, Jerome Robbins, les grands classiques de Marius Petipa, mais aussi Liam Scarlett, Wayne McGregor ou Akram Khan. Et nous dansons toujours La Sylphide, Napoli et d’autres ballets un peu moins connus comme Kermesse à Bruges ou Conservatoire. Auguste Bournonville reste notre identité, ce sont d’ailleurs en général avec ses ballets que nous partons en tournée. Le Ballet Royal du Danemark est vraiment une compagnie de 2018.
Comment se déroule une saison au Ballet Royal du Danemark ?
Nous dansons de septembre à juin. Nous avons une grosse tournée internationale par an. Cette année, je fais partie d’un groupe d’une quinzaine d’artistes qui va partir au Jacob’s Pillow, un très gros festival aux États-Unis. La saison prochaine, nous partons un mois en Chine. Nous tournons aussi au Danemark. Vu que nous sommes une institution culturelle nationale, nous avons le devoir de donner l’opportunité à tout le public danois de venir nous voir, sans aller à Copenhague.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière à 29 ans ?
Le Ballet Royal du Danemark est ma compagnie, celle qui m’a formé, qui a pris le temps de me donner les bonnes opportunités au bon moment. Pourquoi aller voir ailleurs alors que j’ai tout ce que je veux ici ? Nous avons aussi de très bonnes conditions de travail, des congés payés ce qui fait rêver les danseur.se.s américain.e.s. Nous sommes une des rares compagnies à proposer des CDI, nous sommes employés par l’État, ce qui donne une assurance de l’emploi, une cotisation-retraite, c’est impensable dans d’autres compagnies. Mais j’aimerais avoir des opportunités pour aller danser ailleurs de temps en temps, ce que j’ai fait cette année en participant à des galas ou en dansant au Ballet de Norvège.
Quel rôle que vous n’avez pas encore abordé aimeriez-vous danser ?
Le rôle de James dans La Sylphide. La direction est consciente que certain.e.s conviennent pour des rôles et pas pour d’autres. Mais j’espère pouvoir montrer qu’à travers mon développement et ma maturité en tant que danseur, je peux l’aborder. J’aimerais beaucoup danser Albrecht aussi. Pour les chorégraphes actuels, j’aime beaucoup le travail de Liam Scarlett, j’espère pouvoir retravailler avec Christopher Wheeldon ou collaborer avec Justin Peck, qui n’est pas encore venu chez nous. J’espère avoir l’opportunité de danser un maximum de répertoire, de travailler avec des chorégraphes, qu’ils aient envie de travailler avec moi et de créer des choses sur moi. J’ai hâte de trouver de nouveaux challenges.
Pensez-vous déjà à ce que vous ferez une fois votre carrière de danseur terminée ?
Au Ballet Royal du Danemark, nous prenons notre retraite de danseur.se. à 40 ans. Jusqu’à présent, je me suis concentré sur ma carrière de danseur, mais je commence à y penser. J’ai envie de rester dans la danse, je ne vais pas pouvoir être un de ces danseurs qui, une fois leur carrière terminée, disparaissent du monde du ballet. J’ai eu énormément de très bons professeurs qui m’ont donné un héritage, que je me sens dans l’obligation de transmettre à la prochaine génération. Cela sera au Danemark ? On va voir. Pour le moment, je dirais oui, mais j’irai là où se trouve la meilleure opportunité.
Vous êtes chez vous au Danemark ?
J’ai appris à parler danois. Ma vie est à Copenhague, j’y ai mes ami.e.s, dans la compagnie ou en dehors. Je considère cette ville comme mon chez-moi.