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Solo 70 – Paul-André Fortier jusqu’au bout de lui-même

Paul-André Fortier est revenu au Théâtre de Chaillot. Non pas sur l’esplanade comme lors d’une précédente visite mais sur la scène de la salle Firmin Gémier pour y présenter sa nouvelle création, Solo 70. Tout le projet est dans le titre : seul à danser. Mais accompagné par une guitariste Jackie Gallant et un acteur, Etienne Pilon. Pour le chiffre 70, c’est l’âge de Paul-André Fortier, qui livre une heure durant une performance fascinante et hypnotique sur un texte d’Etienne Lepage avec qui il co-signe la mise en scène.

Paul-André Fortier

Paul-André Fortier est déjà sur scène lorsque le public pénètre dans la salle. Indifférent au bruit des spectateurs et spectatrices qui rejoignent leurs places, il a déjà commencé son mouvement perpétuel tel un métronome. Sur une scène blanche est tracée un rectangle noir, une limite que le danseur et chorégraphe québécois ne franchira jamais. C’est dans cet espace qu’il se meut, marchant plié, courbé au pas cadencé sans jamais regarder le public, dessinant sur scène une drôle de géométrie. Les bras se balancent et donnent le rythme. Il promène ainsi sa silhouette svelte, tout vêtu de noir, le crâne rasé. Difficile de détourner le regard lorsque Paul-André Fortier arpente le plateau comme un automate, totalement hermétique au public dans un état proche de la transe.

Paul-André Fortier – Etienne Pilon, Jackie Gallant.

Pourtant, Paul-André Fortier est humain, trop humain bien qu’il soit aussi parfois un extraterrestre. Ainsi en 2012, il se dévoilait sur le parvis du Trocadéro pour un Solo – encore ! – 30 x 30 : 3o minutes de danse minimale durant 3o jours, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il a accomplit ce rituel insensé tout autour du monde, du Japon aux États Unis. Paul-André Fortier, figure tutélaire de la danse contemporaine canadienne et singulièrement québécoise, en recherche permanente, avide de confrontations avec d’autres univers que le sien, il n’a cessé depuis 50 ans de se dépasser sans cesse. Danser à 70 ans n’est pas une mince affaire même si Paul-André Fortier affiche un physique affuté.

Pour Solo 70, ce sont donc un comédien et une guitariste qui lui donnent le change. Tout d’abord silencieux sur le bord de la scène, ils s’invitent dans le monde du danseur-chorégraphe et bousculent son équilibre. Il et vrai qu’il les avaient au préalable provoquer en s’emparant d’un câble électrique de guitare, de leurs bouteilles d’eaux ou de leurs smartphones. Sur des accords d’heavy metal, ils font alors mine de le provoquer, de le chasser avant un monologue écrit par Etienne Lepage sur la déchéance physique et morale de l’homme. Comme un écho lointain  au corps diminué que mime aussi Paul-André Fortier lorsque la douleur se fait plus présente. Une confrontation entre la jeunesse et l’homme vieillissant.

Paul-André Fortier

Voilà ce dont il est question dans ce spectacle inclassable. Paul-André Fortier a 70 ans, sa curiosité du monde est intacte et il poursuit sa démarche artistique sans barguigner. Il se montre tel qu’il est, n’hésitant pas à se mettre à nu au sens propre pour livrer ce corps avec lequel il travaille depuis tant d’années. Il y a quelque chose d’infiniment bouleversant dans cette manière de se livrer sans artifices. Comme une promesse d’éternelle jeunesse…

 

Solo 70 de et par Paul-André Fortier avec la collaboration d’Etienne Lepage au Théâtre de Chaillot. Avec Jackie Gallant (chant et guitare), Etienne Pilon (comédien). Jeudi 24 mai 2018. En tournée  au Canada.

       

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