Kibbutz Contemporary Dance Company – Mother’s Milk de Rami Be’er
Le Théâtre de Paris a décidé d’élargir sa programmation avec un rendez-vous annuel de la danse en fin de saison, qui comprendra également la master-class d’Eleonore Abagnato. Pour inaugurer cette initiative bienvenue, Richard Caillat et Stéphane Hillel qui dirigent la salle ont convié la Kibbutz Contemporary Dance Company, menée depuis 1996 par Rami Be’er. Il vient avec une des ses dernières chorégraphies, Mother’s Milk, pièce flamboyante sur-vitaminée pour 19 danseuses et danseurs.
D’Israël, on connait évidemment la Batsheva Dance Company qui fait escale en France quasiment chaque année. On a moins l’occasion de voir la Kibbutz Contemporary Dance Company, l’autre grande troupe israélienne de danse contemporaine trop peu programmée chez nous. C’est pourtant une troupe de niveau international dont l’histoire est intimement liée à celle de la fondation d’Israël. On doit sa création à Yehudit Arnon, née en Tchécoslovaquie, rescapée d’Auschwitz et qui fonda en 1948 un Kibboutz, un village collectiviste où la danse comme forme artistique et moyen d’éducation prit une place fondamentale. Installé sur les collines de l’ouest de la Galilée, le kibboutz existe encore. Le KCDC est devenu depuis sa création en 1973 un lieu de création et d’enseignement où se retrouve des artistes venus du monde entier. Rami Be’er a lui-même été formé par Yehudit Arnon, avant de devenir le directeur du KCDC en 1996. Depuis, il a créé plus d’une cinquantaine de chorégraphies et installé le KCDC sur la scène mondiale.
Pour ce retour à Paris après une trop longue absence, Rami Be’er a choisi une pièce très personnelle : Mother’s Milk. L’oeuvre se veut en effet être un hymne à ses parents, tous deux survivants de l’Holocauste décédés il y a deux ans, et en même temps un hommage à son père architecte qui fut l’un des concepteurs de l’idée même de Kibboutz, cette volonté de vie collective. Cette toile de fond qui servit de catalyseur à la création de Mother’s Milk se transcrit dans la chorégraphie de manière subreptice. Tout commence par une série de solos dans une scénographie minimaliste avec pour seul élément de décor un grand lustre accroché au plafond. Les danseuses et les danseurs évoluent toutes et tous en noir, pieds nus ou en chaussettes pour certains, produisant une danse athlétique qui combine des séquences au sol et d’amples mouvements de bras. Mais il semble au début qu’il n’y ait aucune interaction. Puis petit à petit, le groupe va se construire, les corps se retrouver et s’enlacer. C’est là que la chorégraphie de Rami Be’er dégage toute sa puissance. C’est un maitre lorsqu’il s’agit de faire bouger les 19 danseuses et danseurs sur une scène qui de surcroit est un peu étroite. Il dessine avec les corps des compositions qui font écho aux constructions architecturales imaginée par son père. Cet idéal du kibboutz se construit dans un mouvement qui met progressivement les interprètes à l’unisson. Ils sont ainsi 19 sur scène, toutes et tous d’horizons différents, avec en commun une solide technique.
Il serait vain d’essayer de comparer les compagnies israéliennes pour trouver un modèle. Chaque chorégraphe, chaque troupe a son identité. Mais il y a une richesse incroyable venue d’Israël qui compte une multitude de chorégraphes, aujourd’hui sont présents sur les scènes occidentales. Comme chez Ohad Naharin ou Hofesh Shechter, on ressent dans le travail de Rami Be’er une énergie décuplée, presque survoltée qui laisse un sentiment d’urgence. La troupe est à son image : puissante,virtuose, sensible.
Mother’s Milk de Rami Be’er par la Kibbutz Contemporary Dance Company au Théâtre de Paris. Avec Asor May, David Ben Shimon, Lea Bessoudo, Tristan Carter, Shani Cohen, Salome Cynamon, Arianna Di Francesco, Megan Doheny, Niv Elbaz, Ivillegas Galindo, Martin Harriague, Jung Jungwoon, Kim Su Jeong, Nathaly Kramer, Shelly Lemel, Ilya Nikurov, Yarden Oz, Seok Jinhwan, Nathaniel Wilson. Mercredi 13 juin. À voir jusqu’au 17 juin.
Izkinian Jean-Paul
Bonjour,
Merci pour cette critique.
Je souhaiterai savoir qui est l’auteur de cet article ?
Savez-vous, pour avoir côtoyer certains danseurs, que 90% des mouvements, solos et duos, sont créés par les danseurs eux mêmes? Ce serait à préciser…