[Prix de Lausanne 2019] Rencontre avec le candidat Alexandre Joaquim
Le Prix de Lausanne, le portugais Alexandre Joaquim le connaît bien. En 2016, il y était candidat et y avait décroché une bourse d’étude pour le Centre International de Danse Rosella Hightower. Trois ans plus tard, il finit sa scolarité dans cette même école et se présente à nouveau au Prix de Lausanne, pour espérer cette fois-ci y décrocher un contrat. Le jeune danseur était aussi venu l’année dernière pour participer au Projet Chorégraphique présenté lors de la finale. Rencontre avec Alexandre Joaquim juste après sa première journée au Prix de Lausanne, avec l’accueil des candidats et candidates et le premier cours de danse.
Pour avoir voulu revenir au Prix de Lausanne ?
En 2016, je cherchais une école professionnelle parce que je voulais faire de la danse mon métier. En 2019, je suis à l’étape du dessus : je suis dans une école professionnelle et je cherche un contrat dans une compagnie. Le Prix de Lausanne est une opportunité géniale pour ça. Et c’est toujours un rêve de venir ici.
Au bout de la troisième fois, on se sent un peu chez soi dans le Théâtre de Beaulieu ?
C’est un peu vrai ! (rires). La première fois, on arrive avec cette image prestigieuse du Prix de Lausanne, quelque chose qui met beaucoup de pression. Quand on y revient pour la troisième fois, on prend les choses beaucoup mieux, avec bien moins de stress, même s’il y en a quand même. Cela rassure, on en profite mieux grâce à l’expérience. Et c’est intéressant de voir les candidats qui découvrent tout, même si chacun est très indépendant, les souvenirs remontent.
Quels étaient vos souvenirs justement de 2016 ?
C’était surréaliste, jamais je ne m’étais imaginé pouvoir aller au Prix de Lausanne. C’était un rêve pour moi et quelque chose d’assez irréel. Cela n’a d’ailleurs toujours pas changé ! Je ne m’imaginais jamais être pris quand je me suis présenté. Je me sens très bien, mais c’est toujours un rêve qui se réalise.
Il y a la même ambiance qu’il y a trois ans ?
C’est difficile de répondre à cette question, car ce qui a le plus changé, c’est surtout moi.
Comment avez-vous changé ?
La première fois que je suis venu, je ne connaissais rien au monde de la danse professionnelle. Maintenant que j’essaye de me lancer en tant que danseur pro, je sens une différence, dans ma danse, dans mon calme intérieur, dans ma maturité de danseur.
Le Prix de Lausanne 2016 vous a permis d’entrer au Centre International de Danse Rosella Hightower. Qu’avez-vous appris pendant ces trois ans dans cette école ?
À travailler de façon professionnelle, même s’il y a toujours des progrès techniques à faire, pour devenir plus fort et plus juste. J’ai compris ce que c’est que de travailler, d’avoir ces journées où l’on commence par s’échauffer, puis on prend son cours à 9h, puis on prépare les spectacles. J’ai beaucoup appris aussi sur la façon dont on interprète les pièces, comment répondre aux demandes d’un chorégraphe et non plus à juste savoir danser et connaître le vocabulaire classique des pas. J’ai appris à devenir artistes et interprète.
Et que retenez-vous de l’expérience du Projet Chorégraphique à laquelle vous avez participé lors du Prix de Lausanne 2018 ?
C’était très intense ! Mais j’ai appris énormément. Rien que le fait de prendre son cours le matin avec 50 personnes qu’on apprend juste à connaître, qui viennent des quatre coins du monde, qui dansent de manière différente, ça fait apprendre tellement de choses ! C’était très intense mais on en profite tellement qu’on oublie tout ça, ça n’a été que du plaisir. Et puis c’est différent de la compétition : on doit travailler ensemble et non pas les uns contre les autres, on cherche vraiment à connaître les gens. Cet échange a été génial.
Retour à 2019. Comment s’est passé ce premier jour, dimanche 3 février ?
Très bien ! Et comme un premier jour à Lausanne, avec la présentation du Prix, découvrir ce que c’est que ce concours, la compétition. On a eu pas mal de conseils et d’astuces pour bien réussir cette semaine, surtout des conseils en nutrition et hydratation, des petites notions car tout le monde ne les a pas. On est des artistes, on doit faire attention, surtout dans des moments intenses comme cette semaine-là.
Vous avez aussi eu votre premier cours de la semaine avec Patrick Armand. C’était agréable de retrouver ce professeur ?
J’ai affronté ce cours d’une façon complètement nouvelle. J’en ai beaucoup plus profité qu’il y a trois ans. Aujourd’hui, j’y viens en me disant : « Je suis là pour moi et pour apprendre » et non pas : « Je dois montrer aux autres ce dont je suis capable et ce que je sais danser« . Il n’y avait pas cet effort de se mettre en scène, j’ai fait ce que je savais faire.
Qu’avez-vous pensé du niveau cette année ?
Je m’étonne toujours plus du niveau qui grandit chaque année, avec encore une fois cette maturité acquise en trois ans. À chaque génération de danseurs, c’est toujours une surprise. Il y a vraiment des talents, des potentiels énormes très étonnants. Mais c’est plutôt un défi qu’un obstacle pour moi.
Quelle variation classique avez-vous choisie et pourquoi ?
J’ai pris la variation du Grand Pas de Paquita, dans la version de Pierre Lacotte. Cela a été un choix collectif entre moi, la directrice de mon école, mes coachs et mes professeurs qui me guident. C’est une variation élégante qui peut mettre en valeur mes qualités. Je ne suis pas le danseur le plus doué pour la grande technique, j’ai choisi cette variation qui peut faire passer un côté plus artistique, plus expressif. Je la travaille depuis octobre-novembre, dès que j’ai su que j’étais sélectionné, avec mes professeurs habituels. J’ai eu beaucoup de gens qui sont intervenus dans mon travail.
Y a-t-il un conseil en particulier que vous gardez en tête ?
Un conseil valable pour tout le concours : ne pas trop me stresser. C’est la seule chose qui peut nous empêcher, tous les candidats de manière générale. On est prêt, on a répété, il n’y a plus rien à craindre. Le seul truc qui peut nous arriver maintenant, c’est le stress.
Et pour la variation contemporaine ?
J’ai pris Abstract de Jean-Christophe Maillot, un choix collectif là encore. Dans mon travail, j’ai déjà abordé des pièces de ce chorégraphe, plusieurs de mes professeurs ont travaillé avec lui à Monaco. C’est un style avec lequel j’ai déjà eu beaucoup de contact, on a dansé ses pièces lors de nos spectacles. Et j’aime beaucoup sa façon de chercher une expressivité. Jean-Christophe Maillot trouve une expression des danseurs et danseuses très profonde, au-delà de la forme. Bien sûr il y a beaucoup de mouvements, de formes, d’esthétique. Mais on doit aussi faire passer des mots, des phrases qui sont très profondes. Cela nous oblige à engager différemment notre regard et notre état de corps. Et c’est quelque chose de délicieux à apprendre. J’ai beaucoup aimé son Roméo et Juliette avec Bernice Coppieters. Cette expression, cette façon de « parler » m’a beaucoup inspiré. Cette variation est cependant différente car elle est très abstraite. Mais elle nous laisse aussi beaucoup de place pour notre créativité, notre expression. On doit proposer quelque chose à nous et la rendre très personnelle, c’est une vraie liberté et c’est très intéressant.
Quel est votre objectif concret pour ce Prix de Lausanne 2019 ?
Sortir de cette semaine avec une opportunité professionnelle, un contrat.
Quelles compagnies vous font rêver ?
Il y en a beaucoup ! Personnellement, j’aime beaucoup le travail de John Neumeier au Ballet de Hambourg, de Jean-Christophe Maillot aux Ballets de Monte-Carlo, le Ballet Royal de Flandre…
Et quels sont les danseurs qui vous inspirent ?
Là encore, il y a encore beaucoup. Mais je suis plus passionné parce qu’un chorégraphe peut faire avec un danseur que le danseur en lui-même. Je m’intéresse beaucoup à différentes approches que l’on peut avoir de la danse, et pas à une seule interprétation que peut avoir un danseur. Admirer un seul artiste, ce serait dommage, tout le monde a quelque chose à donner.
Quel est votre état d’esprit pour cette semaine au Prix de Lausanne 2019 ?
J’essaye de l’aborder d’une façon moins compétitive. Je ne suis pas là pour être meilleur que n’importe qui mais pour faire passer ce que je suis. C’est la meilleure façon d’échanger le plus possible avec les professeurs, les coachs et les autres candidats. Plus je vais utiliser ma personnalité, plus je pourrais montrer ma vraie valeur, plus je pourrais échanger et vraiment apprendre.