Conseil pratique – Spectacles, examens : comment gérer son stress
Remontez dans vos souvenirs… Une main à la barre, vous observez les personnes autour de vous. L’odeur de la résine de pin se mêle à la transpiration. Vous avez chaud. Votre corps travaille de façon répétitive la chorégraphie imposée. Vous êtes excitée à l’idée de la prochaine échéance sur scène pour convertir ces heures de travail en reconnaissance. Sauf que le jour J, si votre public est conquis, pas vous. Votre danse s’est convertie en pas de deux le temps du spectacle car Monsieur trac s’est présenté sans que vous ne l’ayez invité.
Le trac, le stress, l’anxiété sont des mots courants dans notre société. Le quotidien ainsi que l’obligation de résultat sont des facteurs susceptibles d’engendrer une hyperactivité et une hyperémotivité avec des répercussions plus ou moins graves. Pourtant cette émotion fait partie intégrante de la vie d’artiste comme un vieux compagnon dont la présence devient systématique. Le trac permet un état émotionnel qui facilite la relation avec le public. Les émotions sont ainsi extériorisées et rendent l’interprétation unique.
En plus de maîtriser leur corps, les danseur-se-s doivent maîtriser leur mental, ajuster leur comportement. À travers un exemple de gestion du trac, je vous propose de relativiser votre stress et d’en faire un meilleur usage.
La Pré-générale
Une veille de dernière répétition, il faut avoir accumulé un temps de travail conséquent.
Un bon entraînement et une gestion de l’effort
L’entraînement régulier et quotidien sont de rigueur. Les mouvements sont travaillés par étapes puis dans leur ensemble. La technique et l’endurance ont ainsi été renforcées. Cependant, le temps de travail imparti doit être dosé avec un temps de récupération pour respecter la nature du corps et du cerveau. Pour cela, structurez les phases de travail en élaborant un temps pour le mime ou l’aspect artistique de la danse.
Ce temps de travail long et intense ne doit en aucun cas entraver la réalisation finale avec public. Toutes les interrogations techniques ou artistiques de votre variation ont trouvé une réponse. Ainsi, l’éveil et la conscience que vous avez de votre corps permettent un jeu fluide et homogène .
Adieu le miroir !
Le miroir et le professeur ne vous servent plus de repères. Dans le cas contraire, réalisez votre danse dos au miroir avec le simple son de la musique.
Un bon équipement et un bon costume
Le costume et les chaussons ont été testés et approuvés par vous-même. Rien ne gêne votre évolution et vos prises d’élan. Choisissez plusieurs chaussons pour vous accompagner dans cette aventure scénique et répétez constamment avec une tenue approchante à votre costume si besoin est.
En dehors des heures de travail, les danseur-se-s font face également à de nombreuses contraintes.
La première est la mauvaise répétition. Les lésions musculaires et le claquage ou la déchirure sont très fréquentes. Un échauffement au préalable et une récupération après l’entraînement sont indispensables.
De plus, les salles de répétition ne sont pas toujours optimums : le sol trop dur ou glissant, la température trop basse, l’aération inexistante. N’hésitez pas à garder avec vous de quoi vous couvrir ainsi que différents chaussons selon votre ressenti au sol.
Soigner son hygiène de vie
Enfin, pour que le corps reste efficace, la santé doit être optimale. Des règles d’hygiène de vie sont à respecter. L’alimentation doit être équilibrée et adaptée à vos besoins. Hydratez-vous régulièrement tout au long de la journée. Durant les temps de répétition, votre sac de danse doit regorger de quelques en-cas et d’une bouteille d’eau. Enfin la récupération passe par le sommeil avec des heures régulières et appropriées. Certaines répétitions se font en soirée mais le travail reprend tôt le lendemain. Soyez rigoureux avec votre planning. De plus, si vous avez la chance de voyager, attention au décalage horaire. Tentez de faire au moins une barre en arrivant.
La répétition générale
Cette fois, la répétition se passe sur le lieu du spectacle. La découverte de la scène est excitante mais pleine d’imprévus. Premier constat, elle est bien différente de votre salle de répétition : trop grande, glissante, parfois en extérieur… Quelques signes de stress se font sentir.
Jusqu’à maintenant, le trac était peu présent. Le travail de répétitions nous satisfaisait par une bonne préparation et une aptitude à affronter le regard du public. Entre en jeu l’appropriation de la scène. Ce travail est important et pallie à la montée du stress.
Appréhender la scène
Une fois sur scène, une visualisation mentale de votre danse est requise. Marquez ou réalisez approximativement votre variation dans l’espace donnée afin de ne pas être gêné-e par l’environnement. Placez votre regard, surtout si vous réalisez des pirouettes et aussi pour tout autre déplacement. Vos repères peuvent être situés par rapport à l’avant-scène, aux coulisses, ou aux marquages au sol. Réalisez ces mêmes repères avec les éclairages.
Mentalement, vous devez créer sur le lieu de votre représentation un espace de sécurité qui génère une sensation de confort. Votre présence scénique est consciente et constante même dans les moments où vous ne dansez pas.
Enfin votre sac de danse reste non loin de vous avec le nécessaire cité ci-dessus.
Le retour aux loges
Votre dernière répétition est terminée. Le doute vous assaille : la générale s’est mal passée et vous ne voulez pas que cela se reproduise. Autre option, ça s’est très bien passée mais allez vous pouvoir le refaire à l’identique…
Rester concentré-e
Votre esprit commence à être occupé par des pensées stressantes qui n’ont parfois aucun rapport avec ce que nous faisons et/ou qui sont exagérées. Elles génèrent des sensations de malaise et d’inconfort. Elles n’aident pas à faire face à l’échéance de votre représentation. D’où la nécessité d’apprendre à identifier ses émotions, les comprendre, les réguler pour mieux les maîtriser et même en faire des atouts.
Votre mental doit se fortifier et rester centrer. L’objectif est d’agir et réagir avec une « positive attitude » : si le travail cité en « pré-générale » et « en répétition générale » est réalisé et maitrisé, vous êtes prêt-e-s à plus de 80% !
Faites mémoire de vos réussites, et de votre état corporel à ce moment-là. Gardez et ancrez ces émotions dans lesquelles vous étiez. Dans le livre d’Ariane Dollfus, Noureev l’insoumis, Mickael Birkmeyer, danseur viennois cite : « Rudolf nous disait toujours de ne jamais aller sur scène sans avoir une histoire à raconter« .
Gérer son temps de préparation
Cependant ce temps préalable à la levée du rideau est souvent consacré à votre préparation. Maquillage, costumes, ou autres courses dans les couloirs favorisent malheureusement la perte de concentration, tant mentale que corporelle. Gardez l’attention sur votre corps mais aussi sur votre environnement.
La perception que vous aurez du temps imparti à votre préparation doit permettre de déterminer une stratégie de gestion de votre stress.
Par exemple, vous aurez sans doute la nécessité de chauffer votre corps. Prenez un temps pour faire votre barre. Vous souhaiterez peut-être aller sur la scène retrouver vos repères ou prendre un temps pour vous et vous isolez. Pensez aussi à sortir de l’établissement pour prendre un bol d’air ou faites une sieste.
Tous ces moments vous sont propres mais doivent être bien organisés. Vous devez en maîtriser le temps.
L’ouverture de la salle au public
Le public ou le jury s’installe dans la salle. Vous êtes aux portes de votre représentation ou de votre examen. Votre travail a été conséquent et régulier jusqu’ici. Vous avez vos repères dans ce nouvel espace. Votre corps est chaud, toutes les articulations ont été réveillées et travaillées. Malgré tout, quelques sueurs froides se font sentir. Soudain une envie d’aller aux toilettes vous semble irrésistible. Oui, vous avez le trac !
Votre intelligence émotionnelle doit reprendre le dessus. C’est la capacité d’identifier et de comprendre ses émotions. Le retour en loges vous a permis de méditer sur les moments passés et futurs. Cependant vous sentez que vous êtes assaillis de pensées négatives. Mentalement, répétez-vous des phrases positives : « Je suis prêt-e, j’ai confiance en moi, je suis le/la meilleur-e« .
Le trac est inconfortable mais doit rester adapté à la situation. Relativisez ! C’est ce qui va vous pousser à passer à l’action. Le trac doit devenir un stimulant qui vous donne l’envie, renforce votre confiance et vous permet de vous surpasser. Avec l’expérience, le trac va se manifester différemment au point de donner l’impression qu’il est maîtrisé.
Le corps exprime aussi le trac : tremblements, envie de bouger ou raideurs musculaires. En amont, vous avez réalisé un échauffement, une barre, voir un extrait de votre variation. Ce travail doit rester en mémoire dans votre corps. Il ne doit pas y avoir de rupture entre ce temps et le lever de rideau. Parfois, on est tenté de rester en coulisse pour regarder par le trou de la serrure afin de savoir si les participant-e-s sont meilleur-e-s. De son côté, le corps reste statique et se refroidit, le mental se disperse.
Restez centrer sur vous et détendez votre corps. Vous pouvez réaliser les étirements appris en cours, ceux qui vous sont propres et pertinents. Faites une prise de conscience des différentes parties du corps. Réalisez des pliés qui sont par exemple les premiers exercices que vous faites systématiquement en cours. Vos bras et votre cou profiteront aussi d’une détente. Etirez-vous progressivement en régulant votre respiration.
Le lever du rideau
Les lumières sont en pleins feux, le rideau est levé et la musique se fait entendre. Mentalement vous êtes centré-e sur vous-même, aucune pensée négative ne vous assaille. Physiquement vous êtes prêt-e-s, vous vous étirez et exercez vos pieds.
Maintenant votre concentration régule votre respiration. Avec le trac, votre souffle est court et le rythme cardiaque s’accélère, relaxez-le. Respirez profondément sur un mode abdominal et prolongez l’expiration. Avec ce contrôle respiratoire vous optimiserez la fréquence. Toujours dans le livre d’Ariane Dollfus, Noureev l’insoumis, Charles Jude, danseur français cite : « Rudolf nous apprenait à maîtriser notre souffle avec une technique consistant à adopter en coulisse le même rythme cardiaque que sur scène, pour ne pas se fatiguer « .
Le baisser du rideau
Votre représentation est terminée, votre trac a disparu. Ce stress est celui d’un évènement ponctuel. Cependant un stress même minime qui se répète peut devenir chronique. Il y aura des répercussions sur votre corps qui peuvent déclencher des pathologies.
Pour pallier l’influence du stress, des spécialistes proposent différentes méthodes. En voici quelques-unes que vous pourrez développer pour assainir votre quotidien ou parfaire votre gestion du trac.
– La méthode Feldenkrais : le but est d’arriver à travers des exercices et des étirements à prendre conscience du mouvement dans l’espace et l’environnement à travers les sensations kinesthésiques.
– La technique F.M. Alexander : l’objectif est d’apprendre à se défaire des mauvaises habitudes corporelles interférant avec le fonctionnement naturel de l’organisme dans les activités professionnelles ou quotidiennes.
– La sophrologie : une technique de développement personnel qui vise à équilibrer les émotions, les comportements et les cognitions de chacun-e.
– Le yoga : propose une méthode de relaxation pour limiter les tensions et favoriser la décontraction.
Beaucoup d’autres techniques existent, de même que des produits soient dits miracles. Mais rien n’y fait, le trac de la scène dû au regard d’autrui ne passe pas. Et tant mieux ! Les doutes favorisent les remises en question et les progrès. Comme dit Sarah Bernhardt : « Le trac, cela vient avec le talent » .
Le conseil perso de Léonore Baulac, Sujet du Ballet de l’Opéra de Paris
« Pour gérer son stress, il faut accepter d’en ressentir un peu, faire confiance à tout le travail fourni et essayer de le restituer… ni plus ni moins ! Ce n’est pas facile mais je m’interdis fermement de me laisser aller à un mauvais stress, celui qui fait perdre sa lucidité. Il faut apprendre à se contrôler« .
runcomo
Merci pour vos conseils. Les artistes de scène ont bien du courage 🙂
Deschamps
Un peu trop long mais si non très très très très bien merci beaucoup et bonne journée