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EcoleS de Danse – Le déroulé d’un cours de danse

Habitué.e.s du cours de danse classique, il est rare de connaître l’héritage de ce rituel, pourtant issu de méthodes spécifiques et de pédagogues notoires. 
Comment s’est construit un cours de danse selon une école ou une technique particulière ? Comment ces cours ont-ils évolué ? ÉcoleS de Danse se penche ce mois-ci sur l’identité propre d’un cours de danse.

École française, méthode Cechetti ou Vaganova, style Balanchine… Les écoles et techniques de danse classique sont nombreuses. Notre dossier ÉcoleS de Danse se penche chaque mois sur un pas ou un aspect de la technique et voit comment il est exécuté à travers ces différentes écoles. Cette étude a été réalisé à partir de recherches et d’un savoir pédagogique personnel laissant la place à une éventuelle marge interprétative.

 

Les prémices d’un cours d’école française

À l’époque, le cours était dirigé par le maître à danser, en général au violon. La barre que l’on connaît ne pouvait être qu’une simple chaise fournissant à l’élève un léger appui. La leçon débutait par l’acquisition des cinq positions en flexion, le pointé s’amorçant par le travail des différentes révérences, puis quelques battements pour délier les hanches et façonner la gestuelle du corps. Le demi-coupé se travaillait dans le but d’initier au menuet.

Le milieu reflétait les danses nécessaires pour briller en société tel le pas de bourrée, la courante et autres révérences. Venaient ensuite les pas tombés, les pirouettes et autres balancés. Pour les sauts, les sissonnes, jetés et demi-cabriole continuaient l’apprentissage. Le travail de bras était indispensable et mis par écrit séparément du travail de jambes, confirmant ainsi les propos de Jean Georges Noverre où la belle danse se traduisait par une indépendance des bras et des jambes.

Des siècles plus tard, la leçon s’articule autour d’une barre et d’un milieu. Le violon du maître à danser cède la place au piano ou plus moderne, au cd. 
Un cours de base débute à la barre par des pliés dans toutes les positions avec une série de pointés pour le travail du pied. S’additionnent ensuite une série d’exercices graduant l’amplitude et alternant la dynamique des jambes. La barre se termine par la détente et l’assouplissement du corps.

Le milieu varie selon la perception de l’espace et du sol. Les dégagés laissent place à l’ancrage de l’adage puis aux demi-pointes des équilibres et pirouettes pour finir par le repoussé du sol et les sauts. 
Viennent s’ajouter les différentes techniques, de pointes, de manège, et autres virtuosités.

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La leçon sous Auguste Bournonville

Auguste Bournonville a laissé beaucoup d’écrits sous l’influence d’Auguste Vestris. Ses notes regroupaient sept exercices de développés, huit de pliés et 25 de pirouettes, le tout accompagné du violon.

Des études et des recensements ont pu montrer toute la légitimité de la technique Bournonville dévoilant des évolutions pédagogiques et sociales notoires. À l’époque, la danse était un art majeur donnant la primauté à l’éducation et à la socialisation, qui de fait, passait sous silence la pédagogie comme véritable système d’enseignement. La technique Bournonville dévoile cent-huit exercices. Les Skole Pas sont ces précieux exercices transmis au jeune danseur qu’il conserve au long de sa vie. Au début du XXème siècle, le cours intègre la technique sur une plage de six jours de classe avec du lundi au samedi un milieu qui change et trois barres différentes. Quarante-cinq minutes à une heure sont nécessaires pour venir à bout de la classe.

La barre courte est composée de huit exercices environ qui se font en croix, et qui sont le reflet de ce qui sera fait au milieu. Le travail est au service du développement de la technique et de la terminologie de la danse avec peu d’entraînement et une physionomie du corps mise de côté. Le milieu est une succession d’enchaînements chorégraphiques qui étonnerait de nos jours, permettant un apprentissage plus spontané des créations d’Auguste Bournonville. 

À ce jour, l’école danoise transmet la technique Bournonville en complément des autres classes, où les danseurs.es doivent être à même de danser les grandes oeuvres classiques comme les plus contemporaines.

 

La classe d’Enrico Cecchetti

Ses écrits témoignent d’une grande exigence et précision de connaissances. 
Les cours avaient lieu du lundi au samedi inclus. L’heure du cours se divisait en quinze minutes de barre, douze minutes de milieu, quinze minutes d’adage et dix-huit minutes d’allegro. Débutants comme confirmés, la qualité du travail s’installait dans ce temps requis.

Pour la barre, les grands battements s’abordaient dès les premiers dégagés. Le travail se poursuivait avec une alternance de petits mouvements de bas de jambe avec une amplitude des jambes de 90°, pour se conclure par quelques relevés de pointes. Sous une influence de la technique italienne et dû au progrès des matériaux du chausson de pointe, Enrico Cecchetti conseillait à ses danseuses un petit saut pour monter sur pointes. Le milieu débutait par les ports de bras. Les exercices de barre étaient à nouveau demandés avant les grands adages regorgeant de multiples et délicates combinaisons de mouvements, encore difficiles à aborder de nos jours. Les pirouettes et les pas d’allegro ponctuaient la fin de la leçon.

Les termes adagio et allegro sont issus de la culture musicale pour différencier la dynamique du milieu, avec d’un côté une lenteur d’exécution pour l’adagio associé à des relevés et des pirouettes, et de l’autre une grande virtuosité pour l’allegro avec les petits et grands sauts.

Avec la classe d’Enrico Cecchetti, la danse est perçue comme un entraînement spécifique où l’ancrage au sol et le transfert de poids du corps deviennent des fondamentaux.



Le cours d’Agrippina Vaganova

Bien plus qu’un lexique ou qu’un simple calendrier de travail, la méthode d’Agrippina Vaganova se base sur une véritable pédagogie qui engage le.la professeur.e à la vigilance concernant l’état physique de son l’élève. Il prend aussi la liberté quant au temps passé à la barre comme au milieu en fonction des intervenants et des pas choisis.

La barre suit l’exemple type d’un cours. Sa difficulté s’accroît par l’accélération progressive de l’exécution des pas. À l’opposé d’un travail chorégraphique, ses classes prônent la répétition du geste sur un temps musical défini. L’endurance que suscite ce type d’entraînement accentue la musculature et l’élasticité des muscles mises à l’épreuve. Le milieu commence par un temps d’adagio composé d’un petit adage reprenant les pas de barre, tel le plié et les battements tendus. Il peut se répéter une seconde fois avec des fondus et des frappés. Le grand adage est constitué de pirouettes affirmant toutes les qualités d’aplomb et de contrôle du.de la danseur.se. Très progressivement, les bras et les demi-pointes sont ensuite abordés si les bases sont véritablement acquises. Le travail en lenteur est nécessaire pour affiner la maîtrise d’une technique de plus en plus précise.

Pour Agrippina Vaganova, ce qui précède l’allegro n’est qu’apprentissage. L’allegro se constitue de petits sauts suivis des grands sauts et virtuosités s’enchaînant aux pas de pointes. La classe se termine par une reprise de petits sauts si nécessaire et des ports de bras.

L’enseignement d’Agrippina Vaganova synthétise au mieux l’entraînement rigoureux mis au point par Auguste Bournonville et Enrico Cecchetti. Il préfigure ainsi les prémices de l’esthétisme corporel défendu par Balanchine.

école vaganova

 

La leçon de George Balanchine

Telle Agrippina Vaganova, George Balanchine privilégie une écoute du corps. Néanmoins, son enseignement s’est fondé sur l’adulte et le.la professionnel.e avant de s’orienter vers l’enfant.

Avant une représentation, le cours est rabaissé à une heure avec vingt minutes de barre et un milieu. Dans le cas contraire, deux heures voire deux heures et demie sont préférables. La première heure est dédiée à la barre pour approfondir et nettoyer le mouvement. Le cours idéal de « Mister B » était de passer en revue tous les pas. La barre comme le milieu se faisaient à la fois à pied plat pour tous puis en demi pointes pour les hommes et en pointes pour les femmes. Les enchaînements étaient réalisés dans toutes les directions, en-dehors comme en-dedans, le tout sur différents tempi. Les sauts de base étaient refaits en batterie. Toutefois, le contenu du cours faisait toujours allusion à un élément artistique tiré d’une chorégraphie propre d’une représentation de la veille. Pour George Balanchine, la beauté du geste devait compléter la technique et garder toute sa clarté d’unité pour satisfaire un esthétisme porteur d’émotion.

George Balanchine avait une vision bien établie de la leçon. Il trouvait inutile de répéter la seconde lors d’un exercice en croix. Les exercices pouvaient aussi se faire face à la barre et/ou de dos, mais jamais de biais. Il n’hésitait pas à partager la classe en deux groupes pour rester fidèle à ce placement. Le cours n’incluait pas les échauffements et étirements du corps, qui se faisaient selon la volonté et nécessité du ou de la danseur.se. La répétition et le perfectionnement des plus petits détails avaient pour but d’améliorer la qualité du mouvement, les capacités et l’endurance physique du danseur.

Comme Auguste Bournonville, les cours étaient un terrain d’essai pour ses futurs ballets avec un travail au service de l’esthétisme. George Balanchine imposait ses règles au sein de la classe où le.la danseur.se devait disposer de l’espace nécessaire pour se mouvoir à sa guise. Les pointes étaient alors obligatoires pour les femmes avec une tenue qui permettait de discerner l’intégralité du corps tel le collant et la tunique excluant  les lainages et autres chauffes. Une musique toujours choisie et adaptée apportait un soutien à la dynamique du mouvement avec un nombre exact d’exercices en accord avec l’esthétique désirée du geste.

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En conclusion

Au travers de l’histoire, l’évolution de la danse prend ses racines dans les différentes pédagogies alors responsables d’un esthétisme corporel particulier qui sont autant de langages permettant l’enrichissement du geste. Cette diversité issue de nombreux grands maîtres a pu se joindre en un socle commun caractérisant alors une culture et une approche plus spécifique pour une meilleure transmission de la danse.

 

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