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Spectacle de l’École de danse de l’Opéra de Paris – Balanchine/Forsythe/Noureev

Balanchine/Forsythe/Noureev… Ils pourraient être les têtes d’affiche d’un de ces triple bill que le Palais Garnier voit fleurir depuis l’ère Lefèvre. Ils sont pourtant partie prenante d’un programme conçu spécialement pour le spectacle annuel de l’École de danse de l’Opéra de Paris. En se confrontant à une telle diversité chorégraphique, les Petits rats ont l’occasion de se préparer à l’hétérogénéité du répertoire de la compagnie qu’ils espèrent intégrer. Dans le moule de moins en moins normé de la pouponnière de Nanterre, certaines individualités artistiques commencent à éclore sur scène. Retour sur la représentation allant crescendo de ces graines d’artistes prêtes à germer.

Divertimento n° 15 de George Balanchine –

Les bonnes manières du Divertimento n° 15 ouvrent les festivités. Il s’agit de l’une de ces pièces abstraites aux couleurs diluées que George Balanchine a créées par péché de mélomanie. Avec cette pièce qui capture l’esprit d’origine de l’École de danse, les Petits rats doivent confirmer leur aisance avec la technique classique. Certains pas désuets tels que la gargouillade se glissent ainsi dans la chorégraphie. Mais il faut aussi savoir prendre ses distances avec la rigueur académique, pour étirer le mouvement vers de nouveaux extrêmes. Rapidité, musicalité et intonations néoclassiques attendent les apprenti-e-s au tournant. Dans cet exercice subtil, Bleuenn Battistoni et Christy Mourot montrent déjà une belle maturité technique et artistique. La première est une ballerine en herbe sereine, précise et assurée. La deuxième est un plus jeune espoir, rutilant déjà d’une élégance radieuse et d’un charme tout juvénile. Divertimento n° 15 confiserie sur pointes parfois un brin scolaire, se laisse déguster avec plaisir en première partie de soirée.

Dans la continuité de l’univers classique mais audacieux de George Balanchine, The Vertiginous thrill of exactitude électrise le public par sa virtuosité démente. Si Divertimento n° 15 est imaginé comme un jardin à la française, la pièce signée William Forsythe se révèle asymétrique, fulgurante et captivante, d’autant plus quand elle est portée par des interprètes de haut vol. Bianca Scudamore, blonde longiligne au sourire ravageur, est déjà une bête de scène. Elle déjoue les difficultés techniques de la chorégraphie avec un détachement enjôleur, un second degré clinquant qui consacrent sa maturité artistique. À ses côtés, Daniel Lozano-Martin montre tout son potentiel avec une fougue savamment contenue. Mis en avant par la direction, l’une et l’autre ont toutes leurs chances pour rejoindre la troupe de l’Opéra de Paris dans un futur que l’on souhaite proche.

The Vertiginous thrill of exactitude de William Forsythe – École de danse de l’Opéra de Paris (Bianca Scudamore)

Il fallait le charme suranné de Raymonda pour offrir aux spectateurs un peu de caractère et d’exotisme de façade, celui qui fait basculer un spectacle policé dans le monde instinctif des sens. Les danses d’inspiration folklorique, centrales dans le IIIe acte ici présenté, enchantent par leur attrait pittoresque et permettent au corps de ballet d’exprimer son talent. Chez les filles, Margaux Gaudy-Talazac hérite du rôle principal. Prometteuse jeune danseuse, elle a la délicatesse d’une ballerine des livres d’antan. Aussi fluette que gracile, elle se démarque par une danse propre et précise. Bonne élève, elle laisse apparaitre un feu intérieur intriguant lors de la fameuse variation dite « de la claque » qu’elle exécute sans faillir. Parmi les solistes, un garçon se distingue.  Jack Gasztowtt habite déjà le rôle magnétique d’Abderam, tirant profit de l’épaisseur que Rudolf Noureev a conféré au personnage. Ténébreux et sensuel dans son approche, le jeune homme distille une profondeur psychologique qui est objet d’effroi et de fascination.

Sur cette apothéose remerciée par un tonnerre d’applaudissements bienveillants, Élisabeth Platel est venue saluer le public mais aussi les efforts de ces jeunes artistes en devenir qu’elle cultive dans le cocon de l’Ecole de danse. Certain-e-s sont encore des chrysalides pleines de promesses. D’autres montrent déjà leurs couleurs de papillon. Pourvu que leurs ailes se déploient sous les ors du Palais Garnier.

Raymonda de Rudolf Noureev – École de danse de l’Opéra de Paris (Margaux Gaudy-Talazac, Milo Aveque)

 

Spectacle de l’École de danse de l’Opéra national de Paris au Palais Garnier. Divertimento n°15 de George Balanchine avec Bleuenn Battistoni, Anicet Marandel, Lucie Devignes, Manon Boulac, Margherita Ventury, Christy Mourot, Samuel Bray et Loup Marcaud-Derouard ; The Vertiginous thrill of exactitude de William Forsythe avec Philippine Flahault, Bianca Scudamore, Daniel Lozano-Martin, Alexandre Boccara et Anouck Vallez ; Raymonda, acte III de Rudolf Noureev avec Margaux Gaudy-Talazac (Raymonda), Milo Avêque (Jean de Brienne) et Jack Gasztwott (Abderam). Lundi 3 avril 2017.

 

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