ÉcoleS de Danse – Le piqué
Piqué simple, piqué en tournant ou en arabesque sont de nombreux pas pour qualifier un transfert de poids du corps sur la jambe dégagée. « En faisant un pas sur pointe, la jambe doit être tendue à fond, sans une ombre de fléchissement. Après quoi, vous montez progressivement sur pointe » disait George Balanchine. Le style Bournonville, la méthode Vaganova, l’école française… Les écoles et techniques de danse classique sont nombreuses. Notre dossier ÉcoleS de Danse se penche ce mois-ci sur le piqué, un pas ou une technique à travers les différentes écoles. Cette étude est réalisée à partir de recherches et d’un savoir pédagogique laissant la place à une interprétation personnelle.
Le temps des pointes – Auguste Bournonville
G.Desrat relève dans son Dictionnaire de la Danse publié en 1895 que « ni Blasis, ni Noverre, ni Feuillet, ni Rameau , nos véritables maîtres » ne citent ce mot. Le nom de « piqué […] ne se trouve dans aucun traité de danse« . Ce terme se retrouve cependant dans la gigue anglaise. De par sa trop grande similitude avec la danse de caserne, la gigue tente difficilement de s’immiscer dans les danses de société et d’être ainsi considérée par « la véritable langue chorégraphique« . Cependant, les quadrilles, gavottes et autres courantes proposent un temps de pointe du pied avant le transfert du poids du corps.
Les chorégraphies d’Auguste Bournonville sont un incroyable testament de l’histoire dansée de son temps. Comment ne pas associer l’image de la Sylphide à l’apparition des pointes ? Il développe son oeuvre à la lumière de cette nouveauté avec les chaussons de demi-pointes garnies de papiers mouillés pour se faire à la forme du pied. Les caractéristiques chorégraphiques de ces ballets incorporent un nombre important de piqués sur la pointe du pied et d’équilibre à pied plat. La plateforme du chausson est presque inexistante et le travail se fait par la pointe des orteils à même le sol. Le corps s’élance sur le pied par la force du plié. Le temps passé sur la pointe est très réduit et prend tout son art dans la qualité de la descente.
Le maigre soutien par la force du pied met le relevé au rang de prouesse technique. À partir de cette évolution, les cours de danse de l’école danoise comme celle du monde entier intégreront les relevés à leur travail de barre. Cette intégration des relevés dans la technique de base a permis de différencier et de définir le piqué.
La pointe piquée – Enrico Cecchetti
Les mouvements de la danse selon Enrico Cecchetti « se regroupent selon une physionomie caractéristique et bien définie« . Les mouvements parmi les 7 expliquées sont « Plier« , « Relever » ou encore « Elancer« . Le piqué est considéré comme une technique bien spécifique du travail de pointes de la danseuse. « Le corps s’élance et se porte sur la pointe posée à terre« . « Le pied doit avoir la capacité de se cambrer de telle façon que le bout du gros orteil s’appuyant à terre se retrouve aligné sur l’axe imaginaire » décrivait Enrico Cecchetti dans sa méthode.
Le chausson de pointes s’améliore. La plateforme se dessine et apporte un meilleur aplomb dans l’exécution. Le terme « piqué » s’affirme, « on pique » durant les cours.
Le travail et le vocabulaire des différentes écoles enrichissent la danse. Le « piqué » tel qu’il était pratiqué devient toute une série de gestes tel que « temps liés » ou « assemblé soutenu ». Par exemple, dans le style russe, la « glissade » se fait par le transfert du poids du corps sur une pointe piquée au sol.
Le piqué ou piquer – George Balanchine
D’après le Dictionnaire de la Danse de Philippe Le Moal , le piqué ou piquer « se prend à partir d’une position dégagée en l’air ou en retiré. On peut piquer en arabesque, en attitude et dans différentes poses« . On lui attribue une valeur de suspension et de pose dans le mouvement. Cet éventail de piqués sous différentes positions reflète à la perfection les oeuvres et la pédagogie de Georges Balanchine. La standardisation des pointes dans les ballets contribua à une esthétique et un sens du piqué.
Le piqué balanchinien prend d’abord appui sur le bout de la plateforme du chausson puis dans son intégralité. Le bout, le carré de la pointe, ne se pose pas au sol d’un seul tenant. Cette nouvelle approche apporte une nouvelle dynamique. Avec un plié plus important, le piqué se fait plus loin et plus rapidement dans son transfert. L’autre jambe doit rejoindre en même temps l’arrivée complète sur pointe. La position finale sera nette et compréhensible pour le public. Ce dernier ne subit pas et n’anticipe pas le transfert de position en position.
Petit à petit, George Balanchine usera en abondance des piqués. Les ballets Tchaikowsky Piano Concerto n°2 et La Source regorgent de marches piquées. Avec George Balanchine, mesdames comme messieurs devaient se plier au travail du piqué pour renforcer la perception des directions en avant et en arrière afin d’optimiser la projection au sol de la ligne centrale du corps.
La création du chausson de pointes concrétise l’envol et la légèreté du.de la danseur.se classique qui aboutit à une recherche absolue d’équilibre grâce au piqué. Auguste Bournonville a crée des enchaînements où le piqué n’était qu’un instant, voire une respiration. Avec la technique moderne, les danseur.se.s gagnent en aplomb, équilibre, puissance et pivot grâce à George Balanchine.