EcoleS de Danse – Le Palais de Cristal
En février au Ballet de l’Opéra de Paris, la musique française et la chorégraphie américaine ont été mises à l’honneur avec le programme Millepied/Béjart. Ce mélange est une longue tradition de répertoire, à l’image du ballet Le Palais de Cristal, créé à Paris par l’américain George Balanchine sur la musique du français Georges Bizet. La pièce a ensuite été transformée pour être donnée aux États-Unis sous le nom de Symphony in C. ÉcoleS de Danse se penche sur ce ballet et son évolution marquée par l’école française et le style Balanchine.
Cette étude est réalisée à partir de recherches, d’un savoir pédagogique personnel laissant place à une marge interprétative.
Un Américain à Paris
Paris libéré en 1945, le Palais Garnier se retrouve sans maître de ballet. Serge Lifar a été démis de ses fonctions, soupçonné de collaboration. Georges F. Hirsch propose alors à George Balanchine de travailler et chorégraphier pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Après un travail fructueux sont ainsi remontés les ballets Sérénade, Apollon musagète et Le Baiser de la Fée, et est créée en deux semaines une oeuvre remarquable : Le Palais de Cristal.
L’œuvre à Paris
Créée en 1947 et composée de cinq tableaux, chaque mouvement du Le Palais de Cristal utilise un couple de solistes et un corps de ballet concluant par un allegro vivace avec l’ensemble des danseur.se.s. Minimalisme scénique libérant la musicalité, absence de narration si caractéristique, mouvements désaxés auxquels se mêlent de nombreuses dynamiques et positions surcroisées composent ainsi l’expression du mouvement, qui sublime l’héritage français.
La symphonie en Ut, la partition du ballet, est une oeuvre de jeunesse méconnue de Bizet. En choisissant cette musique, George Balanchine avait certainement dans le but de raviver l’identité artistique française, à l’image du néoclassicisme pratiqué dans les années 1920. Le programme de l’Opéra de 1953 présente l’œuvre comme un « divertissement purement chorégraphique […]dont le seul fil conducteur est le lien établi par le maître de ballet entre les danses dont son art et sa fantaisie ont imaginé d’illustrer la musique du maître« . Même si le ballet était signé d’un Américain, l’oeuvre était dansée à l’Opéra de Paris dans le pur style français, bien différemment de ce que proposent les compagnies d’aujourd’hui dans leur technique de répertoire, à savoir le style balanchinien devenu une technique à part entière. La production d’alors est fastueuse, avec des tutus chatoyants verts, rouges et champagnes. Les artistes de la création étaient Claire Motte, Georges Piletta, Wilfride Piollet, Michaël Denard ou Ghislaine Thesmar.
Son évolution à New York
Outre-Atlantique, George Balanchine décide de remonter Le Palais de Cristal un en plus tard, en 1948, avec sa troupe le New York City ballet. Il rebaptise son oeuvre Symphony in C (ndlr : le titre de la partition en anglais), possiblement pour des questions de droit étant donné que le ballet était déjà rentré au répertoire de l’Opéra de Paris. Loin des tutus parisiens, les costumes de la version américaine en noir et/ou blanc dévoilent une sobriété due à quelques restrictions budgétaires, mais qui deviendront la marque de fabrique de la danse épurée du maître américain, avec ses nombreux ballets « black & white », où de simples justaucorps et collants de danse deviennent les tenues de scène.
Le Palais de Cristal – Symphony in C incarne ainsi une réelle extension de l’exploration technique et artistique du travail de George Balanchine. Ce ballet trouve un fil conducteur avec un autre ballet du maître américain, Gounod Symphony, qui voit le jour en 1958 sur une symphonie de Gounod, maître de Bizet, et similaire dans la structure dansée. Symphony in C reste aussi le véritable prémices de Joyaux, chef-d’oeuvre de George Balanchine créé en 1967 et l’une des pièces phares du XXe siècle.
Lors de son passage à Paris en tant que maître de ballet, George Balanchine offrit à la compagnie une oeuvre en totale continuité avec l’héritage musical français. Il est ainsi souvent étonnant de constater qu’un regard extérieur sur une forte tradition culturelle provoque souvent des inspirations créatrices, comme ces dernières années celle de Benjamin Millepied, qui a fait toute sa carrière au NYCB. Signe de l’incontournable empreinte esthétique de George Balanchine dans le répertoire de l’Opéra de Paris ?