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Une année à l’Académie Princesse Grace – Au Prix de Lausanne avec Shale Wagman

Depuis que nous suivons l’Académie Princesse Grace en juin dernier, nous avons découvert toute une promotion d’élèves talentueux, finissant leurs études à Monaco avant de se lancer dans la vie de danseurs et danseuses professionnel.le.s. Parmi eux/elles, Shale Wagman se remarque tout spécialement, avec une joie de danser qui rayonne et une technique bondissante. DALP l’a suivi tout au long de sa semaine au Prix de Lausanne, compétition qu’il a remportée. 

Shale Wagman au Prix de Lausanne

Les observateurs et observatrices du Prix de Lausanne aiment bien dire du.de la lauréat.e qu’il.elle se démarquait depuis le début de la semaine. Cela s’est vérifié lors de l’édition 2018. Shale Wagman, 17 ans, se remarquait dès le premier cours de danse classique en public, à tourner un peu plus vite que les autres, à sauter un peu plus haut, à être tout de suite réceptif aux corrections. Comme tous les danseurs de sa génération, il est aussi à l’aise sur les réseaux sociaux qu’en studio, pas timide pour discuter de sa passion avec les journalistes ou professionnels venus passer la semaine à Lausanne. Il fait même partie de ceux et celles qui se sentent dans cet environnement comme un poisson dans l’eau. « Je me sens bien avec les autres candidats« , raconte Shale lors des premiers jours de compétition. « Tout le monde est gentil, je me suis fait beaucoup d’amis.Je voulais venir parce que je sais que c’est une grande expérience pour tout le monde. Je suis venu à Lausanne aussi pour rencontrer toute cette nouvelle génération du monde du ballet, tous ces danseurs et danseuses avec qui je vais travailler plus tard« .

 

Show TV et YAGP

Chez Shale, natif de Toronto au Canada, la danse est venue à l’âge de six ans. Il faisait de la gymnastique, l’opportunité de prendre un cours de danse est venue un peu par hasard. « Je me rappelle que je ne voulais pas spécialement y aller, mais ma mère a insisté« , se souvient-il. Il passe une petite audition devant un professeur russe, qui teste sa souplesse. Il est non seulement pris, mais aussi reçu directement dans la classe ‘Compétition’. Et « dès le premier jour, je suis tombé amoureux de la danse« . Pas de ballet pour Shale, mais des cours de danse contemporaine, jazz, claquette… « Tous les styles possibles !« . Il participe à quelques concours, notamment l’émission de télévision Canada’s Got Talent (l’équivalent de La France a un incroyable talent). Il devient (forcément) le favori du jury et arrive en finale. C’est juste après que la danse classique est venue. « Dans mon cours de danse, on pouvait devenir danseur de claquettes, ou danseur dans une petite compagnie contemporaine, ce qui est super. Mais ce n’est pas ce que je voulais. Je voulais plus être au entre d’un groupe, être celui qui donne le ton d’un spectacle« , explique Shale, qui assume être « très ambitieux« . Après avoir vu un film sur la danse, il prend son premier cours de ballet, à 13 ans. 7 mois plus tard, il se retrouve en finale du prestigieux YAGP, à New York.

C’est là que Shale Wagman se fait remarquer par Luca Masala, le directeur de l’Académie Princesse Grace. « Beaucoup de gens doutaient de lui, il avait une danse assez maniérée et il avait déjà 13 ans. Mais il y avait déjà cette passion« , se souvient Luca Masala. « Je ne savais pas ce que tourner voulait dire, ou être en-dehors, ou tendre son pied. C’était un autre monde, une autre technique, je ne savais pas« , appuie Shale. Après la finale, il décroche des bourses pour la JKO School (l’école de l’ABT), l’académie du Houston Ballet, l’Académie du Bolchoï et l’Académie Princesse Grace. Après un stage d’été dans ces deux dernières écoles, il se décide finalement pour la principauté. « Je voulais de toute façon aller en Europe, là où la culture a vraiment de l’importance« .

Shale Wagman au Prix de Lausanne

Quatre ans à l’Académie Princesse Grace

Shale Wagman quitte donc le Canada à 14 ans pour Monaco. Et les débuts à l’Académie Princesse Grace sont difficiles. « Tout n’a pas été simple« , raconte Luca Masala. « Quand il est arrivé chez nous, il n’avait pas de sauts, il ne tournait pas même s’il avait des facilités. C’était compliqué. Il a fallu quelques mois. Mais dès avril de sa première année, il a commencé à beaucoup progresser. Il a des qualités pour la danse, mais il a aussi beaucoup travaillé, beaucoup répété, en cours ou tout seul« . Le jeune danseur a aussi changé sa façon de voir les choses. « Les premiers mois, c’était compliqué, je n’aimais pas vraiment, j’ai eu quelques soucis« . Les vacances de Noël en famille lui font du bien. « En revenant à Monaco, je me suis dit : ‘Je vais le faire‘ ».  

Suivent quatre années de formation épanouissante à l’Académie Princesse Grace. « Il y a une atmosphère qu’on ne retrouve pas ailleurs », s’enthousiasme Shale, qui aime autant le cours de danse classique que la leçon de danse contemporaine ou l’atelier composition. « On apprend à danser, mais aussi à grandir, à devenir une meilleure personne« , continue Shale, une remarque qui revient souvent chez les élèves. « Luca Masala nous apprend à devenir plus mature« . Le jeune danseur passe ses deux premières années avec le professeur Olivier Luca, qui insiste beaucoup sur le placement et le travail du bas de jambe. Depuis deux ans, son professeur est Michel Rahn. « Il nous pousse beaucoup. Ses cours sont très inspirants. Nous sommes quatre dans mon cours de danse, nous avons la meilleure attention possible. Et c’est important pour moi de me sentir soutenu, de savoir que je peux compter sur des gens« . Un point de vue partagé par son directeur. « Il a en effet besoin de se sentir soutenu, par les professeurs, les autres élèves, le directeur« , explique en souriant Luca Masala. « Il a besoin de se sentir aimé. Mais c’est parce qu’il a beaucoup d’amour à l’intérieur, et que quand il danse, cet amour pour la danse ressort intensément. Et même s’il a des facilités, au fond de lui, il peut parfois se sentir en insécurité. Il a besoin d’être rassuré, que quelqu’un lui dise que ça tout va bien« .

Shale a des qualités pour la danse, mais il a aussi beaucoup travaillé

 

 

Derrière l’ambition et le talent, il y a ainsi un tout jeune danseur de 17 ans, qui comme beaucoup d’apprentis-artistes de son âge, doute. « Je ne suis jamais satisfait, ce qui peut parfois être mon pire ennemi« , explique Shale. « Je me bats contre moi chaque jour. La danse est une si grande passion, je veux tout corriger : avoir de plus beaux pieds, sauter plus haut, tourner plus vite. Je veux être le meilleur, artistiquement aussi« . Ce qui le pousse, en cours au Prix de Lausanne, à vouloir en faire plus : un tour de plus que les autres, un saut un peu plus virtuose que les autres. Un comportement qui peut le faire passer pour un danseur aux chevilles un peu enflées pour un.e observateur.rice qui ne le connaît pas. Pourtant, « Rien n’est calculé chez lui, c’est très naturel, il aime montrer sa passion« , explique Luca Masala. « Mais il faut lui apprendre ça : savoir montrer sa passion sans  s’afficher comme quelqu’un de trop arriviste, ce qui peut le freiner dans sa carrière. Il faut apprendre à montrer ce que l’on a envie de montrer. Il doit savoir aussi se mettre parfois en retrait et regarder les autres, surtout que Shale n’est pas quelqu’un de jaloux. Il regarde beaucoup les autres, il essaye beaucoup d’apprendre des autres« . Au Prix de Lausanne, Shale ne joue ainsi la compétition que contre lui-même. Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense du niveau des autres garçons de son âge, il répond spontanément qu’il n’y fait pas attention. « Je me concentre sur le meilleur de ce que je peux donner et sur les conseils des professeurs, pas sur les autres danseurs« . Même mesure du côté de son directeur. « À Lausanne, la question n’est pas de gagner ou non, mais de montrer son art, montrer qui on est en tant danseur. C’est la première fois que Shale se montre dans le monde de la danse. Et j’ai l’impression, à mi-compétition, que tout le monde se rend compte de sa passion et de son envie de danser. Pour la suite de la semaine, on verra comment ça finira« . 

Shale Wagman au Prix de Lausanne

La future vie de danseur professionnel

Si le premier jour de compétition a été facile pour Shale, le deuxième a été plus stressant, avec un cours de danse classique devant le jury. Le danseur a ensuite goûté à la pente, qui, selon lui, lui a causé quelques problèmes pendant les sélections, au moment de danser sa variation classique de Don Quichotte. Mais tout est rentré dans l’ordre pour la finale, puisque Shale Wagman est devenu le Lauréat du Prix de Lausanne 2018. Mieux : le danseur a pu décrocher un contrat avec l’English National Ballet dirigé par Tamara Rojo, la compagnie qu’il visait. En attendant les premiers pas dans la vie professionnelle, le danseur a encore quelques mois pour mûrir. « Il doit avoir une plus grande concentration, pas vraiment dans la danse, mais dans sa vie« , résume Luca Masala. « Il peut oublier l’horaire de son cours du lendemain, par exemple. C’est normal, il est jeune. Mais ce sont des petits détails qui peuvent le faire passer pour un garçon tête-en-l’air ou désintéressé, alors qu’il n »est pas du tout comme ça. Il doit donner la même concentration partout« . Quant aux progrès à faire dans la danse, « il doit travailler sur sa verticalité, ses pieds un peu lâches dans les sauts. Mais quand on danse comme ça à 17 ans, il n’y a pas grand-chose à dire« , résume Luca Masala avec un sourire en coin. 

Quand je danse, je peux être la personne que je suis

 

 

Les autres élèves de sa promotion à l’Académie Princesse Grace ont aussi évolué durant cette année scolaire. Les plus grand.e.s ont pris les plus petits sous leurs ailes. « Ivana a beaucoup grandi sur ce sujet, c’est elle qui est un peu devenue la cheffe du groupe« , continue Luca Masala. La jeune danseuse a aussi décroché un contrat à l’English National Ballet la saison prochaine. Natatia part au Ballet de Zurich, Martino a eu un contrat à Stuttgart, d’autres réponses sont en attente. Pour la suite de sa carrière, Shale n’arrive pas à choisi un rôle de rêve : il veut tous les danser. Et partager au public son amour pour la danse. « Je ne peux pas vivre sans la danse« , explique-t-il. « Je ne suis pas timide dans la vie, mais parfois je sens que je ne peux pas tout à faire être moi-même. Quand je danse, je peux être la personne que je suis. C’est un sentiment très particulier« . Et le directeur de regarder son élève avec une certaine fierté. « Je suis fier de l’avoir rencontré et de l’avoir aidé, tout comme ses professeurs. On a réussi non pas à le changer, mais à le canaliser. Nous sommes fiers du résultat final« . À suivre dans quelques mois à Londres. 

 



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