La Bête et la Belle de Kader Belarbi au Ballet du Capitole
La Bête et la Belle de Kader Belarbi fait son entrée au répertoire du Ballet du Capitole. Ce ballet sera présenté du 24 au 27 octobre.
Communiqué de presse
Kader Belarbi, directeur de la danse au Théâtre du Capitole, ouvre la saison chorégraphique avec une de ses créations : La Bête et la Belle. Imaginé en 2005 pour les Grands Ballets Canadiens, La Bête et la Belle de Kader Belarbi fera son entrée au répertoire du Ballet du Capitole dans une version totalement revisitée. Conscient de l’importance des contes dans notre culture, véritables mises en scène de notre inconscient, Kader Belarbi a choisi d’adapter
La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont (1756). Mais ici, l’inversion du titre témoigne de la réinterprétation du conte. La Bête et la Belle est l’histoire d’une transgression : la Bête est moins un animal que le révélateur de l’animalité qui est en nous, tandis que la Belle surmonte sa répulsion et dépasse ses inhibitions pour trouver le chemin du cœur et du corps, et s’ouvrir à l’autre. Kader Belarbi fait du « monstre » (réel ou supposé) un catalyseur, permettant à la Belle de se découvrir, de se défaire du carcan social et d’être enfin elle-même.
La Bête et la Belle évolue dans un espace scénographique conçu par Valérie Berman, qui assure également la création des costumes. Ce ballet en deux actes et six tableaux joue de travestissements et de métamorphoses, procédant par allusions qui renvoient aux mythes de la mémoire collective. A travers différents prismes comme celui des poupées humaines, du bal masqué (et ses divertissements), de la chasse (et ses règles du jeu), la Bête et la Belle éprouvent, à travers
le filtre des pulsions, les peurs, le désir et l’amour.
Pour nous raconter cette relecture du conte entre parcours initiatique et enchantement, Kader Belarbi a choisi les musiques de György Ligeti, Louis-Claude Daquin, Franz Josef Haydn et Maurice Ravel. « Il y a toujours une bête qui sommeille en l’homme » dit-on. Et « réciproquement » serions-nous tentés d’ajouter.
Interview de Kader Belarbi (propos recueillis par Carole Teulet)
Vous avez créé La Bête et la Belle pour les Grands Ballets Canadiens en 2005. Pourquoi avoir souhaité mettre cette pièce au répertoire du Ballet du Capitole ?
Les contes de fées sont une mise en scène des dynamiques de l’inconscient et chacun s’est sûrement projeté à travers les fantasmes des contes. Dans cette nouvelle aventure dansée, je propose aux danseurs du Ballet du Capitole d’expérimenter par eux-mêmes de nouvelles interprétations de corps et d’esprit. Mon
parcours artistique de Danseur Etoile est jalonné d’interprétations d’êtres différents, disgracieux, « animalisés » (Quasimodo dans Notre-Dame de Paris, Rothbart dans Le Lac des cygnes, un loup dans le ballet éponyme de Roland Petit, un faune dans L’Après-midi d’un faune de Nijinski…) ; à travers eux, j’ai pu comprendre et éprouver les sentiments de ces êtres « mis à part », rejetés. J’ai toujours abordé la danse dans une démarche d’archéologue car comme lui, le danseur va à la recherche de gestes et d’émotions inattendus. Voilà sans doute un autre travail de conscience de soi pour tous les danseurs du Ballet du Capitole selon les thèmes de La Bête et la Belle.
Reprendrez-vous ce ballet tel quel ou le modifierez-vous afin de l’adapter à votre compagnie toulousaine ?
J’essaie de ne pas rester figé sur les premières versions de mes ballets et je m’interroge toujours sur le processus de l’appropriation chorégraphique. Je pose un regard attentif sur mes danseurs afin de déceler le lien que je pourrais trouver entre eux et le propos chorégraphique. Du fait de ma position, l’œil du directeur intervient aussi avec celui du chorégraphe pour rester vigilant sur l’évolution de chacun. Il est bien sûr question d’affinage dans une reprise chorégraphique et même de re-création pour être encore plus pertinent et plus juste, sans jamais perdre l’intention chorégraphique d’origine. C’est l’histoire renouvelée du jeu sensible entre la transmission, l’interprétation et la création du geste éphémère qui s’inscrit et se perpétue aujourd’hui avec les danseurs du Ballet du Capitole.
Votre pièce est une adaptation du conte bien connu de Madame Leprince de Beaumont, La Belle et la Bête ; pourquoi alors avoir choisi de renverser le titre ?
Je voulais d’emblée signifier qu’il ne s’agit pas uniquement du conte originel. Je ne voulais pas simplement « illustrer » (mettre en images et en danse) le conte de Madame Leprince de Beaumont, qui reste dans le « féerique » et, comme toujours, se termine bien (ils se marièrent, etc.). Avec Josseline Le Bourhis, nous avons écrit un scénario qui part du conte mais se présente comme une variation sur le thème de La Belle et la Bête. En inversant le titre, La Bête et la Belle, nous avons souhaité décaler le propos : la Bête est moins un homme transformé par quelque sortilège en animal, que le révélateur de l’animalité qui est en nous. Dans cette approche à la fois sentimentale et sensuelle de l’amour par la Belle, la Bête n’attend pas comme un amant éconduit que la Belle puisse un jour éprouver un sentiment réciproque. Cette Bête très humaine, trop humaine, aide la Belle à prendre conscience du conformisme qui l’entoure pour s’en émanciper et devenir elle-même. Louvoyant entre ses désirs et ses répulsions à l’égard de cette Bête si étrange, la Belle personnifie tour à tour l’attirance pour les plaisirs des sens et finalement la maîtrise de soi et l’émancipation du carcan social. La Bête sert de catalyseur dans un parcours initiatique comme une nouvelle « carte du tendre ».
Si l’on en juge par vos créations (Hurlevent, La Reine morte, Le Corsaire, La Bête et la Belle), vous vous plaisez à adapter des œuvres littéraires en ballets. Pourquoi ?
La connivence entre littérature et danse est historiquement inscrite et ouvre des champs d’explorations riches et inépuisables. Le monde de la danse est sans paroles mais le texte est très présent dans la relation et l’échange entre le chorégraphe, le compositeur, l’écrivain, le créateur lumières et le scénographe. Je conçois l’adaptation d’une œuvre littéraire non comme une illustration servile de l’œuvre, mais comme une réécriture, une transfiguration esthétique et une forme autonome. Dans la plongée d’une œuvre littéraire, je cherche à décrypter, inscrire et transposer la consistance conceptuelle et émotionnelle de l’œuvre littéraire. Revisiter La Belle et la Bête m’a plongé dans la relecture d’autres contes et a fait appel à ma mémoire. Je ne crois pas à l’abstraction. Dans toute abstraction, il y a une part de vécu. Et puis, il faut bien le dire, c’est une belle histoire d’amour…
Votre choix musical va de Louis-Claude Daquin à Ligeti, en passant par Haydn et Ravel. Par quoi a-til été motivé ?
Je considère György Ligeti comme un peintre sonore. J’ai parcouru toute son œuvre musicale et son univers provoque en moi des sensations émotionnelles sonores et visuelles. J’ai procédé à une sélection d’extraits de ses œuvres et ai ajouté au montage musical Daquin, Haydn et Ravel. À partir de ce choix musical, les jeux entre les mouvements mélodiques, les valeurs rythmiques, les résonances harmoniques sont des champs sonores que j’agence en séquences dansées où s’expriment les thèmes et les personnages de La Bête et la Belle. À travers la structure musicale, je joue des événements tissés entre eux : la diversité des timbres des instruments, le collage entre son et bruit, la notion de temps et d’espace dans les impressions de continuité et de ruptures. Ces univers sonores influent directement sur le travail chorégraphique. Il en ressort des expressions contrastées et colorées d’après lesquelles je cherche à traduire un phrasé du mouvement en éprouvant une manière instinctive et pensée du geste dans le champ animal ou humain.
Les distributions
Les 24 26 et 29 octobre
Davit Galstyan (La Bête), Maria Gutierrez (La Belle), Kazbek Akhmedyarov (Le Toroador), Alexander Akulov (Le Cygne) et Konstantin Lorenz (Le Vautour).
Les 25 et 27 octobre
Takafumi Watanabe (La Bête), Julie Loria (La Belle), Kazbek Akhmedyarov (Le Toroador), Valerio Mangianti (Le Cygne) et Demian Vargas (Le Vautour).
Les rencontres
J’invente un décor – Théâtre du Capitole – mercredi 9 octobre à 14h
Les enfants peuvent se glisser dans la peau d’un décorateur et concevoir leur maquette de décor. De 9 à 12 ans.
Danse à la Cinémathèque – Cinémathèque de Toulouse – mardi 15 octobre à 19h
Projection du film Les Chasses du comte Zaroff de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel. Cycle de films en écho à la saison du Ballet du Capitole, en partenariat avec la Cinémathèque de Toulouse.
Carnets de danse – Théâtre du Capitole – samedi 19 octobre à 18h
Démonstrations-débats commentées et illustrées par des artistes participant aux spectacles du Ballet du Capitole.
Lecture musicale – Théâtre du Capitole – samedi 26 octobre à 17h
Les Fables de Jean de La Fontaine, lues par Elie Semoun, accompagné au piano par Raúl Rodríguez Bey.
Cinéma/concert – Odyssud – mardi 21 et mercredi 22 janvier à 20h30
En contrepoint du ballet de Kader Belarbi La Bête et la Belle, le Théâtre du Capitole propose, dans le cadre du cycle Présences vocales et en association avec Odyssud, La Belle et la Bête de Philip Glass. Miroir tendu par le compositeur à l’œuvre de Jean Cocteau, véritable opéra pour film, voix et orchestre, La Belle et la Bête sera interprété par le Philip Glass Ensemble.