Mayerling de Kenneth MacMillan – Décryptage et personnages pour se préparer au spectacle
Mayerling de Kenneth MacMillan fait son entrée au répertoire d’une compagnie française, en arrivant au Ballet de l’Opéra de Paris du 22 octobre au 12 novembre au Palais Garnier. Grande fresque narrative néo-classique, le ballet est aussi fort et violent, à la technique de portée acrobatique, mêlant événements historiques, amours éperdus, folie… beaucoup de personnages et une histoire un peu complexe. Vous ne connaissez pas encore ce ballet ? Petit décryptage de Mayerling pour s’y retrouver sur scène et découvrir cette œuvre particulière.
Mayerling en quelques mots
Mayerling de Kenneth MacMillan, ballet en trois actes, a été créé le 14 février 1978 au Royal Ballet de Londres. David Wall et Lynn Seymour y dansaient les rôles principaux. Kenneth MacMillan fait partie des grands chorégraphes de l’école anglaise : directeur du Royal ballet de 1970 et 1977, chorégraphe important jusqu’à sa mort en 1992, il a profondément marqué la compagnie de son répertoire et ses oeuvres narratives, mettant l’accent sur les qualités théâtrales des danseurs et danseuses, avec aussi un travail de portés spécifique.
De Kenneth MacMillan, le public français connaît bien sa Manon, régulièrement reprise, ou même son Roméo et Juliette (la plus belle relecture de l’œuvre ?), au répertoire de nombreuses compagnies. Mayerling se fait plus discret. Longtemps chasse gardée du Royal Ballet, l’œuvre est depuis les années 2000 dansée par quelques autres troupes dans le monde – Ballet de l’Opéra de Vienne, Ballet du Stanislavsky, Stuttgart Ballet… – et désormais par le Ballet de l’Opéra de Paris.
Si l’on devait définir le style de danse utilisé dans ce ballet ? Nous dirions le narratif néo-classique – voyez Manon évoquée plus haut, Onéguine de John Cranko, La Dame aux camélias de John Neumeier. À savoir un ballet sur pointes, se servant de la technique classique, mais en costumes d’époque plutôt qu’en tutus, et délaissant les pas de deux académiques (adage, variations, coda) pour des duos plaçant au centre l’interaction entre les personnages. Mayerling pousse toutefois cette technique du pas de deux à son paroxysme. Rodolphe, le personnage principal, enchaîne pas de moins de six gros pas de deux, sans compter d’autres scènes avec ses partenaires. Les portés y sont souvent spectaculaires, acrobatiques, voire un peu tordus – trop aux yeux de certains, et parfois dangereux pour les artistes.
Enfin Mayerling est, il faut le savoir avant d’aller le voir, un ballet violent. Il y a sur le plateau des scènes d’une grande brutalité, un viol, des meurtres, un suicide. Il est déconseillé d’y emmener des enfants, au minimum avant 14 ans.
Mayerling, la trame narrative
Voilà où cela se corse ! Mayerling est en fait le nom du pavillon de chasse, près de Vienne en Autriche, dans lequel est retrouvé mort l’archiduc Rodolphe, héritier du trône d’Autriche, ainsi que sa maîtresse la baronne Mary Vetsera (alors mineure) le 30 janvier 1889. L’on suppose un double suicide, ou le meurtre de la jeune fille suivi d’un suicide, ou d’un double meurtre. Rodolphe était le fils de l’empereur François-Joseph Ier et de l’impératrice Élisabeth d’Autriche. Une telle mort ne pouvant que faire scandale pour l’Empire, l’archiduc et sa maîtresse sont enterrés sans témoin et le secret pèse sur cette nuit… ce qui a donc déchaîné toutes les suppositions.
C’est à cette histoire que s’attache Kenneth MacMillan : que s’est-il passé dans les années précédentes pour en arriver à un tel drame ? L’œuvre s’ouvre et se referme sur un cercueil allant en terre. Et le ballet suit ainsi le chemin sinueux de Rodolphe, personnage instable et malheureux aux multiples maîtresses. Ses pas de deux avec ses conquêtes, sa femme ou sa dernière amante Mary forment la trame de Mayerling, ponctué de références à l’histoire comme la lutte de la Hongrie pour son indépendance ou plus généralement la décadence de l’empire austro-hongrois.
Mayerling, les personnages
Plutôt que de se pencher sur le synopsis détaillé, que vous trouverez sur le site de l’Opéra de Paris, regardons plutôt sur les différents personnages principaux.
Rodolphe – Le rôle principal de Mayerling, présent en scène sur quasiment toute la durée du ballet. Au début, Rodolphe semble être surtout un mari volage. Et puis au fur et à mesure des variations et pas de deux, il dévoile une personnalité complexe, addicte aux drogues, fasciné par la mort et la violence, profondément désespéré sur la fin du ballet. C’est ainsi toute une trajectoire qui se dessine, et dont l’interprète peut choisir son parti-pris : un personnage à la masculinité toxique, plutôt faible et désespéré, aux multiples fêlures… Rodolphe est un rôle d’une incroyable difficulté technique, mais qui offre aussi d’énormes possibilités d’interprétations.
La Princesse Stéphanie – Épouse de Rodolphe, on la découvre dès le début du ballet, le jour de son mariage. Jeune fille naïve, vexée puis tourmentée devant les infidélités de son mari, terrorisée par les penchants morbides de son mari et son viol en guise de terrible nuit de noce. C’est elle qui occupe tout le premier acte, revenant ensuite sur différentes scènes mais restant plus en retrait, même si son personnage acquiert une certaine maturité. Son rôle suit ainsi une intéressante ligne dramatique, de la jeune fille à la femme amère, avec pour l’interprète des épaules solides pour encaisser le pas de deux de la nuit de noce clôturant l’acte I.
Mary Vetsera – Si on la voit rapidement au premier acte, c’est bien au deuxième que le personnage fait sa véritable entrée, avant de porter toute la fin du ballet. Jeune femme romantique et fascinée par Rodolphe, elle devient séductrice pour arriver à ses fins. Leur premier pas de deux termine le deuxième acte. Les personnages y sont ici à égalité – Mary affrontant le crâne et le révolver qui avait terrorisé Stéphanie au premier acte – pour ce passage emblématique du ballet, pas de deux spécialement acrobatique. Leur dernier duo, clôturant l’œuvre, est porté par ce sentiment du destin et de la tragédie. Même si Mary Vetsera y est clairement montrée comme une victime d’un féminicide.
L’impératrice Élisabeth – Sissi, que vous connaissez tous et toutes, la mère de Rodolphe. Ils entretiennent une relation étrange et un peu tordue, à l’image de leur pas de deux au premier acte. Elle semble être à la fois confidente de son fils mais aussi la seule qui s’oppose à lui. Très importante au premier acte, elle devient plus secondaire par la suite, mais son interprétation demande beaucoup de personnalités scéniques.
L’empereur François-Joseph – Le père de Rodolphe et le seul qui sait lui faire peur. Ce n’est pas un rôle dansé, mais il est la figure de l’autorité et demande pour l’interpréter un danseur qui a du métier.
Marie Larisch – Ancienne maîtresse de Rodolphe, c’est elle qui lui présente Mary Vetsera. Très présente au début du ballet, elle danse avec lui un impressionnant pas de deux à coup de Je t’aime moi non plus. Elle aussi revient régulièrement tout au long des deux autres actes, dans cette même veine.
Mizzi Caspar – Autre maîtresse de Rodolphe, elle est une prostituée dans une taverne que fréquente l’archiduc au début du deuxième acte. Elle peut avoir son importance par la suite dans les trames secondaires du ballet, mais apparaît plutôt comme un personnage mineur. Néanmoins, la forte technicité demandée par ce rôle demande à nouveau d’y voir distribuée de solides solistes.
Bratfisch – Cocher et ami de Rodolphe. Il n’a pas à proprement parler de rôle dans la trame narrative, mais apparaît de temps en temps, pour divertir les personnages. On le voit ainsi dans la taverne du deuxième acte, et vers la fin, où il comprend que rien ne peut sortir Rodolphe du désespoir. C’est un rôle court, mais particulièrement virtuose dans la technique masculine.
Bay Middleton – L’amant de L’impératrice Élisabeth. Il pourrait presque passer inaperçu durant le ballet, mais montre que le personnage de Sissi, mère qui essaye tant bien que mal de faire rentrer son fils dans le droit chemin, n’est pas si parfaite.
Les quatre amis hongrois – S’ils n’ont pas, là encore, de véritables rôles dramatiques, ils apparaissent régulièrement, formant comme un quintette parfois avec Rodolphe. Ils représentent la cause séparatiste de leur pays.
Princesse Louise – La sœur de la Princesse Stéphanie, que Rodolphe séduit le jour de son mariage. Le personnage n’apparaît plus par la suite mais lance la longue série des pas de deux qui ponctuent ce ballet. L’on est plus dans un registre piquant et joyeux que dans des portés acrobatiques.
Mayerling, pour aller plus loin
À lire
Clement Crisp, un très grand critique anglais, avait publié dans le Financial Times une longue chronique de la première de Mayerling. Cet article a été traduit par Laura Cappelle pour le magazine du CND et est disponible en ligne. Un article passionnant et éclairant sur ce ballet.
À voir
Le Royal Ballet donne régulièrement Mayerling. Et ces séries sont souvent accompagnées de répétitions filmées, ponctuées d’interviews, toujours disponibles en ligne. À voir ainsi, une longue répétition du pas de deux central entre Rodolphe et Mary, et un pas de deux avec Marie Larisch. Une autre vidéo, bien plus courte, centrée autour de l’art du pas de deux dans Mayerling, est aussi intéressante avec notamment le témoignage de Edward Watson.
Mayerling de Kenneth MacMillan par le Ballet de l’Opéra de Paris, du 22 octobre au 12 novembre au Palais Garnier.