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Aurélie Dupont : les adieux d’une Étoile

Les adieux d’Aurélie Dupont au Ballet de l’Opéra de Paris avaient démarré un peu avant le 18 mai. Sur chacune de ses dates de L’Histoire de Manon, l’Étoile a en effet eu droit à des standing-ovations nourries et chaleureuses, la danseuse ne cachant d’ailleurs pas son émotion. Le Jour J, le public était donc au taquet (et déjà bien échauffé) pour saluer l’Étoile Aurélie Dupont une dernière fois.

Aurélie Dupont - Adieux à la scène

Aurélie Dupont – Adieux à la scène

Dernière scène

Les applaudissements arrivèrent d’ailleurs dès qu’elle mit les pieds en scène, vibrants déjà, et ne se turent plus durant toute la représentation. Aurélie Dupont était complètement libérée dans les bras du beau Roberto Bolle, le pas de deux de la chambre était fougueux et amoureux. Chaque artiste sur scène a comme élevé son niveau de jeu pour se mettre à la hauteur de la star. Qui fut égale à elle-même : cette aura fabuleuse dès qu’elle entre en scène, cette autorité naturelle, aussi ce jeu cérébral, adulé par certains-es et jugé bien ennuyeux par d’autres. Qu’importe. Cette soirée était avant tout des adieux, un merci du public pour cette grande Étoile qui a brillé 17 ans sur la scène du Palais Garnier.

Le départ de scène d’Aurélie Dupont, c’est aussi la fin d’une époque, un trait définitivement tiré sur la génération Noureev. L’Étoile ne l’a pas connu, mais ayant beaucoup dansé avec Manuel Legris, elle en faisait un peu partie. Aurélie Dupont était de la catégorie des stars, la dernière aujourd’hui qui existe vraiment à l’Opéra de Paris (en attendant la relève). Celle qui est là, à sa place, sans créer le moindre débat. Celle qui impose sa présence en scène. Celle qui était au-dessus, même si ses interprétations des ballets dramatiques ne faisaient pas l’unanimité (à cet égard, les soirées d’adieux d’Isabelle Ciaravola ou Clairemarie Osta laissèrent une empreinte plus forte émotionnellement parlant, sur la représentation en elle-même). Aurélie Dupont est si belle qu’on ne peut décrocher son regard de sa danse. Elle n’aurait pu être qu’une magnifique bête de technique. Elle est toujours allée au-delà, donnant un supplément d’âme aux grands rôles classiques comme Aurore, Kitri ou la Sylphide.

Adoubée par Pina Bausch à 22 ans, Étoile à 25 ans, Aurélie Dupont a brillé dans les grands ballets de Rudolf Noureev, dans le répertoire de Balanchine, avec Angelin Preljocaj ou Jiří Kylián. Avec Manuel Legris, elle forma l’un des grands couples de la danse des années 1990, un couple qui amenait loin (et là encore, qu’on ne retrouve plus aujourd’hui dans la compagnie parisienne). Après le départ du danseur, la carrière d’Aurélie Dupont prit d’ailleurs un tournant. Elle apparut moins souvent en scène, se tourna vers d’autres ballets, devint maman. Si l’unanimité était quais-totale avant, ses choix pour sa fin de carrière divisèrent plus le public.

Aurélie Dupont - Adieux à la scène (avec Hervé Moreau)

Aurélie Dupont – Adieux à la scène (avec Hervé Moreau)

25 minutes de standing-ovation

Aurélie Dupont, c’était aussi l’Étoile moderne, l’idole des cours de danse et connue de chaque petite fille se mettant à la barre chaque semaine. La danseuse posait dans les magazines, faisait de la pub pour des produits sans lien avec la danse, s’habillait à la mode et ne mâchait pas ses mots pour parler de l’École de Danse. Elle se posait comme une femme de son temps, bien dans son époque. Pour les adolescentes des années 1990 (dont je fais partie), Aurélie Dupont était la fille à qui l’on voulait ressembler. Celle qui était comme nous, mais en mieux, en plus belle, en plus charismatique. Je me souviens ainsi d’une interview juste après sa nomination au magazine 20 ans (revue gentiment trasho-féministe). Elle posait en tenue de ville, cheveux courts, parlait de danse, de sexe et d’amour. La parfaite girl next door.

C’est un peu toutes ces images que le public a applaudies le 18 mai. La star qui s’en va, une grande danseuse qui tire sa révérence, la fin d’une époque, une idole de jeunesse. Sous la pluie de paillettes, Aurélie Dupont mélangeait les larmes et un sourire radieux. Ses adieux n’étaient pas tristes. Il s’agissait plutôt de dernières retrouvailles très chaleureuses et vivantes avec le public, un beau bilan de carrière, le début de quelque chose d’autre. Aurélie Dupont a pris ses bouquets de fleurs jetés des loges, les a posés devant la scène et a levé les bras au ciel, comme pour saisir tout cet élan d’amour qui lui tombait dessus.

Ses deux fils sont vite venus la rejoindre sur scène, arrosant leur maman de paillettes. Hervé Moreau lui a offert un magnifique bouquet. Manuel Legris, Benjamin Millepied, Brigitte Lefèvre ou Pierre Lacotte sont venus sur le plateau pour saluer la ballerine. Puis Aurélie Dupont a embrassé les Étoiles d’hier et d’aujourd’hui, Agnès Letestu, Dorotohée Gilbert ou Laura Hecquet. Ce fut 25 minutes à recevoir les applaudissements d’un public debout, de prendre cette énergie pour sa vie d’après et se faire des souvenirs, dans un joyeux mélange de bonheur et d’émotion.

Aurélie Dupont - Adieux à la scène

Aurélie Dupont – Adieux à la scène

« Merci pour cette si belle déclaration d’amour »

Dans le Grand Foyer, après le spectacle, Aurélie Dupont paraissait sereine et heureuse. Après les discours convenus de Stéphane Lisser (qui parla d’un certain « Bernard Pech« ), de Benjamin Millepied et de Fleur Pellerin (qui lui a remis les insignes de Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres), Aurélie Dupont a pris la parole.

Elle a égrené les remerciements de tous ceux qui, à un moment ou à un autre, ont traversé sa carrière. Max Bozzoni, Liane Daydé et Jacqueline Moreau, sa professeure en deuxième division. Les chorégraphes Angelin Preljocaj, Pierre Lacotte, John Neumeier, Mats Ek, Benjamin Millepied et bien sûr Pina Bausch, « Merci à Pina. Je pense à toi,  toujours« . Ses partenaires Manuel Legris (longuement remercié), Nicolas Le Riche ou Hervé Moreau, « Mon Robert Redford« . Sa promotion 89 à l’École de Danse, « On était soudé, et on l’est toujours« . Ses médecins, « Mes genoux vous embrassent !« . Bien sûr Benjamin Millepied. Bien sûr aussi ses enfants et son compagnon Jérémie Bélingard, avec une forte émotion dans la voix.

Les derniers mots d’Aurélie Dupont furent pour le public, « Merci pour cette si belle déclaration d’amour« . L’Étoile fut pris ensuite dans le tourbillon des photos et demandes d’autographes. Une belle carrière s’achève, une nouvelle vie commence. Benjamin Millepied l’a assuré : « Aurélie Dupont n’a pas dit son dernier mot« .

Aurélie Dupont - Adieux à la scène

Aurélie Dupont – Adieux à la scène

 

Commentaires (9)

  • Marie-Charlotte

    Quel bel article…Aurelie à tout pour elle. Et son côté moderne, branché, sa réelle beauté naturelle en font une sacrée nana, bien au delà de la danseuse…

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  • alena

    Merci Amélie. Je souscris à tout ce que vous aurez écrit dans cet article. Après avoir pleuré tout le temps de l’ovation finale, il me faut bien tourner la page… C’est dur de voir la dernière de cette génération partir.. .La dernière, mais pour moi la première.

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  • Alice

    Quel article magnifique, qui résume très bien la danseuse et la femme qu’est Aurélie Dupont! J’en ai eu les larmes aux yeux, mais aussi l’impression d’être un peu avec vous ce soir la.. Quel dommage cet âge limite si jeune…
    Merci en tout cas, grâce à vos articles, d’entretenir la passion de ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir apprécier cette compagnie aussi souvent qu’ils le voudraient!

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  • Mathilde

    Merci pour cet article qui rend un si bel hommage à Aurélie Dupont ! Son entourage, ses proches, son public…je trouve qu’on ressent bien l’effervescence et l’émotion que l’on a pu sentir récemment à l’approche de ses adieux.

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  • Marine

    Alors voilà, en lisant cet article, j’ai versé quelques larmes … Merci pour ce compte rendu fort émouvant et vrai.
    Aurélie qui a été nommé quand j’étais enfant a toujours été mon étoile préférée, celle qu’on adule et qui me bouleverse. En partant hier, c’est aussi une page de mon enfance qui se tourne.
    J’ai pu assister à la représentation d’un cinéma.
    Son jeu a été merveilleux, je ne parle plus de sa danse qui n’a plus rien à prouver… Manquait l’ambiance de garnier certes, mais ces plans si proches sur son visage, ses gestes, attitudes, m’ont fait encore plus réaliser son talent virtuose et toutes les subtilités qu’on ne peut pas (ou mal) distinguer de la salle. J’ai été complètement emporté. Roberto ne m’est apparu pas si extravagant (au vu de ce que j’avais pu lire) et il a très bien mis en avant Aurélie pour cette soirée si spéciale.
    Les saluts et l’émotion, Aurélie était déjà en larmes des le premier salut, et même à chaude larme, je me suis demandée comment elle allait résister à la suite, qui fut finalement plus souriante, et cela je pense, grâce à la venue de ses enfants. Et cette étoile qu’elle attrape pour la coller près de son coeur … Bref cette soirée émotion était vraiment belle. Merci Aurélie, et je lui souhaite que la suite soit tout autant riche…

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  • Estelle

    Magnifique article ! celui que j’attendais depuis plusieurs semaines. C’est pour cela que je vous lis. Merci de faire vivre ce moment à ceux qui n’ont pas pu y assister.
    Aurélie qui part, c’est également un peu de mon enfance qui s’envole.

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  • Jeanne

    Vous avez une plume forte et ravissante. Merci pour cet article empreint de toute votre émotion, qui m’a transportée, moi qui n’ait malheureusement pas pu y être, un instant à Garnier… une page se tourne mais Aurélie Dupont a d’ores et déjà laissé son empreinte…
    Merci !!

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  • Faure

    Une grande étoile, j’ai eu la chance d’assister à sa dernière représentation très émouvante et d’un niveau d’excellence, merci !!
    Depuis, elle excelle en tant que Directrice de l’Opéra de Paris !! Tout simplement la meilleure et aussi jolie à regarder danser que dans la Vie.
    Bravo à cette belle artiste, vos enfants et votre compagnon peuvent être fiers de vous car nous le sommes.

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