En répétition – Un avant-goût de Thème et Variations
Le Ballet de l’Opéra de Paris fait sa rentrée le 22 septembre au Palais Garnier, avec une soirée mixte très américaine : Thème et Variations de George Balanchine, l’entrée au répertoire d’Opus 19/The Dreamer de Jerome Robbins et la création Clear, Loud, Bright, Forward de Benjamin Millepied.
Une répétition publique a eu lieu autour du ballet de George Balanchine, avec le Premier danseur François Alu et la Première danseuse Valentine Colasante. Le tout mené par Benjamin Millepied et Sandra Jennings, répétitrice du Balanchine Trust. Le Directeur de la danse se montre décidément très à l’aise dans cet exercice, pédagogue envers le public, bondissant, montrant l’exemple, faisant les portés. Malgré la discrétion de la répétitrice américaine, le tout fut passionnant, apprenant beaucoup de choses sur ce ballet et l’art du pas de deux, un point central de la répétition.
Benjamin Millepied donne d’abord quelques explications sur Thème et Variations. « C’est un ballet qui fait très peur« , raconte-t-il. « On ne peut pas se cacher. Il est très difficile, avec une technique d’une grande pureté qui rappelle les ballets de Marius Petitpa« . « L’ensemble démarre par des pas très simples« , enchaîne Sandra Jennings. « Puis viennent les variations qui amènent à un grand pas de deux. Le tout se termine par une polonaise, c’est typiquement russe« .
Benjamin Millepied demande tout de suite de faire le moins de bruit possible sur scène avec les pointes. C’est visiblement quelque chose qu’il demande beaucoup à ses danseuses. Choc des cultures, le bruit des pointes sur le sol fait partie du charme des passages du corps de ballet pour une bonne partie du public français. Les pas du début sont simples, très élégants. Le Directeur de la danse demande à François Alu d’être plus précis dans chaque position, comme de marquer un temps d’arrêt. « On doit pouvoir prendre une photo de chaque position. Il faut plus de clarté dans la finition« .
Place ensuite au pas de deux. Benjamin Millepied corrige essentiellement François Alu sur la façon dont il supporte sa partenaire et se place par rapport à elle. Pour le public, c’est l’occasion de comprendre à quel point l’adage se joue aussi sur des précisions techniques. Le Directeur de la Danse insiste sur le travail des doigts. On prend la main de la danseuse avec ses doigts, pas avec sa main (il reprend beaucoup François Alu sur le sujet). Tout est une question d’élégance. Dès le premier porté, François Alu doit ainsi saisir la danseuse par le haut des bras. La première fois, il y va sans trop de délicatesse, saisissant Valentine Colasante par les aisselles. Corrections faites, il joue sur l’élégance du mouvement, réalisant son porté jusqu’au bout des doigts. Et l’effet n’est plus le même. « Il faut que tu voyages plus avec elle, on veut la voir voler« . Autre détail technique, Benjamin Millepied insiste sur le fait de ne pas utiliser uniquement la force de ses bras pour porter la danseuse, mais tout son corps, ses jambes, ses appuis. Un placement un peu plus devant la ballerine fait parfois toute la différence.
Malgré ses multiples remarques, Benjamin Millepied semble plutôt content de son danseur, « tu as vachement progressé« , lui glisse-t-il, réflexion amplifiée par le micro. Sandra Jennings reste un peu en retrait, mais insiste plus sur le travail de la danseuse. Elle demande ainsi à Valentine Colasante de faire spécialement attention à ses bras, qui doivent toujours être très vivants et musicaux. Ce travail du haut du corps fait par moments penser au personnage d’Odette, ils ne sont pas si académiques que ça.
George Balanchine, c’est l’art du pas de deux, aussi d’une chorégraphie qui sait toujours surprendre. Benjamin Millepied demande ainsi à Valentine Colasance de se placer en quatrième fondue plutôt qu’en quatrième préparation avant une pirouette précise. « Sinon, on devine déjà ce que tu vas faire. La pirouette doit être comme une surprise« . La chorégraphie apparaît de fait brillante et inventive, se servant de toute la richesse de la danse académique et de la musique de Tchaïkovski.
La connexion avec la musique, si importante dans le travail du chorégraphe américain, occupe toute la fin de la répétition. Benjamin Millepied demande à la cheffe de chant de jouer un extrait de la partition le plus platement possible, puis de la rejouer avec toutes les intonations. « Ce qui se passe dans la musique doit aussi se voir dans votre danse. C’est ce qui va attirer l’attention du public« , insiste-t-il auprès des deux interprètes. « Écoutez encore plus la musique, profitez de ces intonations qui donnent du contraste dans les pas« .
Les deux danseur-se-s sautent leur variation (« Il vous faudra payer pour les voir« , lance le directeur avec malice au public) et se lancent dans le final. François Alu semble beaucoup plus à l’aise dans la danse de George Balanchine qu’il ne l’était il y a un an. Sa danse s’est comme affinée, lui qui a tendance à être très « brut de décoffrage ». Valentine Colasante a pour sa part montré que sa technique solide pouvait être confrontée à ce répertoire, même si le style se cherche encore. Le partenariat semble en tout cas assorti. À découvrir sur scène dès le 26 septembre pour ce couple.
catherine
Merci Amélie pour ces comptes-rendus toujours passionnants !
Comment peut-on assister à une répétition publique à l’Opéra ?
Amélie Bertrand
@ Catherine : Il faut réserver sur le site de l’Opéra ou se présenter le jour J 1/2 heure en avance. Ce n’est jamais complet.