17ème Biennale de la danse de Lyon, 14 au 30 septembre – Parcours guidé dans une programmation foisonnante
Malgré un budget en baisse, la 17ème Biennale de la danse, la troisième sous la direction de Dominique Hervieu, présente du 14 au 30 septembre pas moins de 37 spectacles, dont 23 créations et premières françaises, dans la Métropole lyonnaise et sa région. Ce festival qui se veut celui de toutes les danses, du néoclassique au hip-hop en passant par le flameco ou le contemporain, organise également des débats, conférences, ateliers et bien sûr son traditionnel et attendu Défilé. Entre grandes thématiques et coups de cœur forcément subjectifs, suivez le guide.
Danse savante, danse populaire
Si danses savante et populaire se sont longtemps tourné le dos, nombre de créations actuelles tirent leur inspiration des comédies musicales, du cabaret, des danses de club ou folklorique, de la contre-culture, pour créer de nouveaux langages. Forte de ce constat, Dominique Hervieu en a fait un des fils rouges de cette 17ème édition de la Biennale.
Messe pour le temps présent – Grand remix de Maurice Béjart et Hervé Robbe
Quelle meilleure manière d’ouvrir cette thématique qu’avec Messe pour le temps présent, grande cérémonie populaire de Maurice Béjart ? Lorsqu’en 1967, le chorégraphe présente dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes sa pièce politique mêlant danse classique, moderne et jerk, c’est une véritable déflagration. Pour répondre à des extraits de ce ballet mythique près de 50 années plus tard, Pierre Henry propose, avec beaucoup de liberté, un Grand Remix de sa partition initiale. Hervé Robbe la met en danse avec la complicité des élèves du CNDC d’Angers.
Du 13 au 15 septembre au Musée des Confluences
Halka du Groupe Acrobatique de Tanger
Créé il y a une dizaine d’année, le Groupe Acrobatique de Tanger s’est donné pour mission de faire revivre une tradition ancestrale marocaine quelque peu oubliée, en la mêlant au cirque contemporain. Forts du succès international des pièces écrites pour eux par Aurélien Bory ou Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot, ses membres développent aujourd’hui leur propre langage avec la complicité d’Abdeliazide Senhadji de la Compagnie XY. Halka, qui signifie « un spectacle festif en forme de cercle » évoque l’acrobatie marocaine dont l’une des particularités est la figure circulaire.
Du 14 au 21 septembre aux Célestins, Théâtre de Lyon – 1ère mondiale
Volver de Jean-Claude Gallotta et Olivia Ruiz
De leur première collaboration pour L’Amour sorcier, ballet pantomime de Manuel De Falla, est née une amitié artistique et l’envie de retravailler ensemble. Jean-Claude Gallotta et Olivia Ruiz créent aujourd’hui Volver, une sorte de comédie musicale qui, entre autobiographie et fiction, plonge dans les racines ibériques de la chanteuse. Accompagnée de neuf interprètes et de ses musiciens, la jeune femme férue de danse y interprète le rôle d’une immigrée espagnole s’installant à Paris.
Du 21 au 24 septembre à la Maison de la Danse – 1ère mondiale
Création 2016 de Cecilia Bengolea & François Chaignaud
Cecilia Bengolea et François Chaignaud sont les chouchous, les enfants terribles de la danse contemporaine. Après avoir écrit, à côté de leurs propres productions, pour le Ballet de l’Opéra de Lyon ou celui de Lorraine, ils ont été les premiers invités à créer pour le Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch depuis la disparation de la chorégraphe. C’est dans le prolongement de ce travail que s’inscrit ce nouvel opus, rapprochant les ancestrales polyphonies géorgiennes et le dancehall jamaïcain.
Du 24 au 25 septembre au Toboggan, Décines – 1ère française
Floor on Fire – Battle of Styles
Le hip-hop, et ses emblématiques battles, est sans doute une des formes les plus populaires de la danse aujourd’hui. Créé à Dresde, Battle of Styles réunit des artistes de styles très différents (néoclassique, hip-hop et contemporain), qui s’affrontent pacifiquement face au public et à un jury. Pour cette escale lyonnaise, quatre danseur.se.s des Pockemon Crew, du Ballet Preljocaj, des Saxonz (compagnie allemande ayant remporté deux fois la Battle of the Year) et des anciens danseur.se.s de la Forsythe Company, seront amenés à se défier, et à se mélanger.
Le 30 septembre au Palais des sports de Lyon – 1ère française
Le Sydrome Ian de Cristian Rizzo qui hybride danses de scène et clubbing, Corbeaux de Bouchra Ouizguen qui, démultipliant geste et cri, revisite des rituels de transes marocains, DBDDBB de Daniel Linehan qui décline la marche sous toutes ses formes, Sound of Music de Yan Duyvendak qui conte les désastres de nos sociétés modernes dans une comédie musicale festive, ou encore Are friends electric ? de Yuval Pick qui entremêle Kraftwerk et Schubert, sont également des spectacles à voir dans cette thématique.
Les grands interprètes
Contrairement à la danse classique, le monde contemporain valorise bien plus volontiers ses auteurs que ses grands interprètes. Peu d’entre eux sont d’ailleurs connus du grand public. Dominique Hervieu a souhaité mettre en lumière dans un second fil rouge la personnalité de ces talentueux artistes. L’occasion également de s’interroger sur l’avenir des danseurs et danseuses lorsque les célèbres compagnies dans les quelles ils exercent où les éminents chorégraphes pour lesquels ils travaillent disparaissent.
Combat de Carnaval et Carême d’Olivia Grandville
Passée par le corps de ballet de l’Opéra de Paris et interprète emblématique de Dominique Bagouet qui cofonda les carnets Bagouet, Olivia Grandville écrit ses propres pièces depuis la mort du chorégraphe en 1992. Théâtre, cinéma, littérature et musique lui inspirent un langage chorégraphique poétique. Pour son dernier opus, elle puise dans l’art pictural et plus précisément celui de Bruegel l’Ancien, créant une œuvre éponyme au tableau Combat de Carnaval et Carême. De cette tension entre débordement païen et rite religieux, elle extrait un foisonnement de gestes.
Du 21 au 22 septembre au Théâtre de la Croix-Rousse
Jessica and Me de Cristiana Morganti
Embauchée au Tanztheater de Wuppertal dès 1993, Cristiana Morganti est une des plus remarquables interprètes des chorégraphies de Pina Bausch. L’énergique italienne aux abondantes boucles noires, c’est elle. Avec Jessica and me, elle interroge sa carrière de danseuse et livre un auto-portrait plein d’humour, de fantaisie, qui n’oublie pas une pointe de cruauté et de nostalgie.
Du 24 au 27 septembre au Théâtre de la Croix-Rousse – 1ère française
Mille Batailles de Louise Lecavalier
Icône virtuose de LA LA LA Human Steps et muse d’Edouard Lock pendant près de vingt ans, la canadienne Louise Lecavalier fonde sa propre compagnie en 2006. Elle revient aujourd’hui sur scène avec Mille Batailles, duo inspiré du roman Le Chevalier inexistant d’Italo Calvino. Dans cette pièce créée en 2016, elle traduit le parcours d’Agilulfe, héros médiéval tout aussi parfait qu’intérieurement vide, en une danse mécanique et incisive qui peu à peu s’humanise.
Du 26 au 27 septembre au Théâtre de la Renaissance, Oullins
Rules Of The Game de Jonah Bokaer
Artiste américain protéiforme, celui qui fut le plus jeune danseur recruté par la Compagnie de Merce Cunningham est devenu un chorégraphe très influencé par les arts visuels et les nouvelles technologies. La soirée qu’il propose réunit Why Patterns et RECESS, pièces crées en collaboration avec le plasticien Daniel Arsham, ainsi que Rules Of the Game, création 2016 pour laquelle ils se sont associés à Pharell Williams. Le musicien signe pour la première fois une partition destinée à la danse, qui plus est interprétée par un orchestre symphonique.
Du 28 au 30 septembre au TNP Villeurbanne – 1ère française
Parallèlement à ces spectacles, la Biennale propose un nouveau rendez-vous en ligne : Dancers Studio. Sur le modèle de l’émission télévisée américaine Inside the Actors Studio, Brigitte Lefèvre et Laurent Goumarre interrogeront Olivia Grandville, Cristiana Morganti, Louise Lecavalier et Jonah Bokaer sur leur parcours d’interprète.
Coups de cœur
Outre les œuvres appartenant aux deux thématiques précédemment énoncées, les pièces suivantes me paraissent particulièrement séduisantes dans la programmation de cette 17ème Biennale de la Danse.
TURNING_Motion Sickness Version d’Alessandro Sciarroni et Le diable bat sa femme et marie sa fille de Marina Mascarell par le Ballet de l’Opéra de Lyon
Le Ballet de l’Opéra Lyon invite l’italien Alessandro Sciarroni et l’espagnole Marina Mascarell pour deux nouvelles créations. Le premier, qui avait ravi avec ses danses folkloriques bavaroises déconstruites ou son opus sur le jonglage, poursuit avec l’excellente troupe lyonnaise un travail sur le tour, la giration, entamé avec TURNING_Thank you for your love version à la Biennale de Venise puis TURNING_migrant bodies version et TURNING_Symphony of sorrowful songs. La seconde, ancienne interprète du Nederlands Dans Theater dont Jiri Kyliàn dit qu’elle est une des chorégraphes les plus douées de sa génération, s’intéresse dans Le diable bat sa femme et marie sa fille au féminisme, à travers l’œuvre et la vie de Francesca Woodman notamment.
Du 14 au 18 septembre à l’Opéra de Lyon – 1ères mondiales
Ensemble ! Le Défilé
Si exceptionnellement et pour des raisons de sécurité, le traditionnel défilé n’aura pas lieu rue de la République mais dans l’enceinte du stade Gerland, il promet néanmoins un grand moment festif et populaire. Pour cette édition, qui verra notamment l’avant première du spectacle Fugue/ Trampoline Variation numéro 4 de Yoann Bourgeois, Dominique Hervieu a choisi l’intitulé Ensemble ! Ensemble comme les 5000 amateurs encadrés par 250 artistes qui y participent, mais aussi comme les milliers de spectateur.trice.s qui s’y pressent, pour vivre un moment de partage. « L’utopie chère à Rousseau de « rassembler les hommes pour les rendre meilleurs » est au coeur du défilé de la Biennale » dit-elle.
Le 18 septembre au Stade Gerland
Tordre de Rachid Ouramdane
Avec Tordre, Rachid Ouramdmane, co-directeur du CCN de Grenoble aux côtés de Yoann Bourgeois, dessine d’une chorégraphie épurée le portrait sensible de deux de ses fidèles et superbes interprètes et leur rapport intime au mouvement. L’une, Lora Juodkaite, tourne sur elle-même dans une sorte de rituel chaque jour depuis qu’elle est enfant. L’autre, Annie Hanaeur, danse avec une prothèse de bras articulée, que l’on peine à remarquer en tant que spectateur.trice, tant elle semble l’avoir faite sienne.
Du 22 au 24 septembre au TNP, Villeurbanne
Auguri d’Olivier Dubois
Il nous en avait déjà parlé, aiguisant notre appétit et notre curiosité, lorsque nous l’avions rencontré au théâtre Le Monfort à l’occasion de la reprise de son solo Pour tout l’or du monde : « Je me suis rendu compte en terminant la création de Tragédie que je n’en avais pas fini, qu’il me manquait un volet. Auguri traitera de la quête absolue de l’Homme, le bonheur. Feux, foudres, tonnerres, ce ne seront que des élans, des courses de vitesse, durant une heure trente. » Cette Biennale permet d’enfin découvrir la nouvelle pièce d’Olivier Dubois, dernier volet de sa trilogie Etude critique pour un trompe l’œil. Depuis sa création le 11 août en Allemagne, il se murmure que c’est une vraie réussite.
Du 22 au 23 septembre au TNP, Villeurbanne – 1ère française
Nicht Schlafen d’Alain Platel et Les Ballets C de la B
Après Gardenia ou encore Coup Fatal, Alain Platel et ses réjouissants autant qu’inclassables Ballets C de la B reviennent avec un nouvel Opus. Pour Nicht Schlafen, le chorégraphe s’inspire de Gustave Malher, de sa musique comme de la région et de l’époque dans lesquelles il vécut : la fin du XIXème et le début du XXème siècle en Europe, là où naitront deux guerres mondiales. Sur une partition qui mêle Mahler aux polyphonies notamment congolaises, il crée des correspondances entre ces temps pas si anciens et notre ère tourmentée.
Du 27 au 28 septembre à la Maison de la Danse – 1ère française
Welcome de Josette Baïz et la Compagnie Grenade
Est-il besoin de rappeler le travail formidable que réalise Josette Baïz avec ses tout jeunes interprètes ? Dans la lignée de Guests, dans laquelle la Compagnie Grenade revisitait avec brio le travail de sept chorégraphes contemporains, tous masculins à l’exception notable de Lucinda Childs, ils invitent pour Welcome, presque autant d’auteures à leur confier des extraits de leurs pièces. Germaine Acogny, Eun-Me Ahn, Katharina Christi, Dominique Hervieu, Sun-A Lee et Blanca Li ont répondu à cet appel.
Le 27 septembre à l’Espace Culturel Alpha, Charbonnières-Les-Bains
À noter également l’exposition Corps Rebelles, qui se tient au musée des Confluences du 13 septembre 2016 au 5 mars 2017. À travers six thématiques (danse virtuose, danse organique, danse savante et populaire, danse et politique, danse exotique et coloniale, et Lyon, une terre de danse) elle « propose d’observer les liens entre la danse contemporaine et les évolutions de la société au cours du XXème siècle« , notamment à travers des extraits d’œuvres chorégraphiques emblématiques.
La programmation complète, les dates, horaires, informations pratiques et réservations pour tous les spectacles et toutes les animations sont à retrouver sur le site de la Biennale de la Danse de Lyon.