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Marie-Agnès Gillot fait ses adieux – Retour sur 33 ans de carrière à l’Opéra de Paris

Marie-Agnès Gillot fait ses adieux à la scène du Ballet de l’Opéra de Paris le 31 mars, au Palais Garnier, dans Orphée et Eurydice de Pina Bausch. Si cela ne marque pas sa fin de carrière de danseuse, il s’agit toutefois pour l’Étoile de quitter une maison où elle est entrée en 1985, il y a plus de 30 ans. Retour sur la carrière hors-norme d’une interprète qui a profondément marqué l’institution parisienne.

Marie-Agnès Gillot

Née le 7 septembre 1975 à Caen, Marie-Agnès Gillot démarre la danse dans une petite école, près de chez elle, avec comme professeure Chantal Ruault. La passion de la danse est déjà là. À 9 ans, en 1985, elle quitte sa famille pour le petit stage de l’École de Danse de l’Opéra de Paris, dirigée alors par Claude Bessy. À ce moment-là, le bâtiment de Nanterre n’existe pas encore, Marie-Agnès Gillot est logée avec les autres élèves internes dans un appartement pas loin du Palais Garnier. Au cours de sa formation, on lui diagnostique une scoliose importante. Marie-Agnès Gillot porte alors un corset, qu’elle cache à ses camarades et qu’elle n’enlève que pour danser. Cet événement joue beaucoup dans son parcours, sa façon d’apprivoiser le mouvement, et sera au centre de sa création Sous apparence, en 2012. Malgré ce handicap, la ballerine grimpe toutes ses divisions sans encombre (elle rentre directement en 5e division, la 6e division fille n’existant pas encore). 

En 1990, Marie-Agnès Gillot est en première division, dans l’École désormais installée à Nanterre. Elle entre dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris à l’issue de son année scolaire, à 15 ans et demi, avec donc une dispense d’âge. Emmanuel Thibault, Isabelle Ciaravola ou Alexis Saramite sont également engagé.e.s cette année-là. Malgré une grande taille peu habituelle dans la compagnie, le début de carrière de Marie-Agnès Gillot est plutôt rapide : elle est ainsi finaliste du Prix de Varna et promue Coryphée en 1992, passe Sujet en 1994, obtient le Prix du Cercle Carpeaux en 1997 et le Prix AROP de la Danse en 1998. Elle passe finalement Première danseuse en 1999 (en même temps que Clairemarie Osta), à 23 ans. Auparavant, elle a dansé officiellement son premier rôle de soliste le 16 décembre 1996 : il s’agissait de la soliste de Capriccio de George Balanchine (Rubis de Joyaux, alors dansé seul ; l’Étoile reprendra souvent ce rôle au cours de sa carrière), suivi quelques jours plus tard par la danse arabe dans Casse-Noisette de Rudolf Noureev. 

Marie-Agnès Gillot en Myrtha (Giselle)

Pendant ces années à grimper dans la hiérarchie, Marie-Agnès Gillot commence à se créer un répertoire mixte, à l’image de ce que sera sa carrière. Avant même d’être Première danseuse, elle danse ainsi Myrtha dans la Giselle classique et celle de Mats Ek. Elle interprète Gamzatti dans La Bayadère ou la Reine des Dryades dans Don Quichotte de Rudolf Noureev, danse dans Sylvia et Vaslav de John Neumeier, plusieurs pièces de William Forsythe ou de George Balanchine. Elle sait à la fois sublimer la grande technique classique (c’est une des grandes techniciennes de sa génération) et séduire les chorégraphes d’aujourd’hui par sa personnalité. 

Tout annonçait donc une nomination d’Étoile rapide pour Marie-Agnès Gillot, d’autant plus que le public est enthousiaste face à cette artiste. Sauf que la promotion se fait attendre. Hugues Gall, le directeur de l’Opéra de Paris de l’époque, l’apprécie peu. Marie-Agnès Gillot hésite à partir quelque temps à New York, elle reste finalement à Paris. Et ses années de Première danseuse restent riches. Elle danse la Mort dans l’emblématique Jeune homme et la Mort de Roland Petit, Esmeralda dans Notre-Dame de Paris ou l’Étrangère dans Clavigo du même chorégraphe. Elle est choisie par Angelin Preljocaj pour Casanova ou Annonciation, interprète le rôle-tire de Paquita de Pierre Lacotte pour sa création, danse les rôles principaux de pièces de Jerome Robins ou George Balanchine. Elle danse les grands rôles du répertoire, comme Nikiya (La Bayadère), Kitri (Don Quichotte) ou Odette/Odile (Le Lac des cygnes), Jirí Kylián ou Maurice Béjart, dont elle deviendra l’une des grandes interprètes parisiennes. Bref, Marie-Agnès Gillot joue artistiquement sur tous les tableaux. 

Marie-Agnès Gillot dans Signes de Carolyn Carlson

Quelques mois avant son départ, Hugues Gall finit finalement par nommer Marie-Agnès Gillot Danseuse Étoile, sur Signes de Carolyn Carlson, le 18 mars 2004. C’est la première fois dans cette institution qu’une Étoile est nommée sur un rôle contemporain. Peu de temps après, elle reçoit le Benois de la Danse, en 2005. Marie-Agnès Gillot continue avec ce titre ce qu’elle a toujours fait : danser, de tout. Elle commence à travailler avec Pina Bausch en 2005 pour Orphée et Eurydice, ballet dans lequel elle fait ses adieux. Elle crée Le Souffle du temps d’Abou Lagraa, White Darkness de Nacho Duato, plusieurs pièces de Wayne McGregor, Triade de Benjamin Millepied, Verklärte Nacht d’Anne Teresa De Keersmaeker, et plus récemment The Seasons’ Canon de Crystal Pite. Elle danse Mats Ek, beaucoup, envoûte avec sa gigue des aspirateurs dans Appartement. Elle danse William Forsythe, Le Boléro de Maurice Béjart, Kaguyahime de Jiří Kylián. Institutionnellement, elle elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur en mars 2017 

Si Marie-Agnès Gillot était une danseuse très polyvalente, elle quitte cependant petit à petit le répertoire classique dans les années 2010 pour se consacrer aux créations contemporaines, où elle est très souvent demandée. Elle danse le rôle-titre de Raymonda en 2008, mais y laisse un souvenir mitigé, et s’éloigne ensuite des grands rôles du répertoire classique. Marie-Agnès Gillot se défend cependant de cette vision. DALP l’avait rencontrée en 2011, à l’occasion du retour de Phèdre de Serge Lifar où elle dansait le rôle-titre. « Lorsque vous êtes choisie, parmi toutes les Étoiles, par un.e chorégraphe, vous ne pouvez pas dire non, vous ne pouvez pas laisser le.la chorégraphe sans la protagoniste qu’il.elle voulait. Je dois faire des choix« , expliquait-elle. « C’est complètement faux de dire que je ne fais plus trop de classique. Je m’entraîne tous les jours en cours, je passe ma vie avec mes pointes aux pieds. Le public parisien ne me voit pas faire toutes les dernières créations de Pierre Lacotte au Japon, danser en Russie ou aux États-Unis. Il faudrait aller demander aux grands maîtres classiques, Pierre Lacotte ou Claude Bessy, s’ils pensent que je suis une danseuse contemporaine ! Les petites choses classiques où on se laisse porter, tout le monde peut le faire. Mais dès qu’il faut de la technique classique, comme pour Myrtha, c’est moi que l’on vient chercher, la danseuse ‘la contemporaine' ». De fait, Marie-Agnès Gillot n’a jamais renoncé à Myrtha dans Giselle – l’un de ses grands rôles et considéré comme l’un des plus difficiles techniquement – ou au répertoire néo-classique américain. 

Approximate Sonata de William Forsythe – Audric Bézard et Marie-Agnès Gillot

2010 marque aussi la multiplication de Marie-Agnès Gillot pour des projets en dehors de l’Opéra de Paris. Elle devient l’égérie de Repetto ou Hermès et pose pour des séries de mode. Elle participe à la pièce Après la bataille de Pippo Delbono en 2012 ou à Swan de Luc Petton. Elle danse avec Lola Lafon au Festival d’Avignon en 2014, crée quelques pièces en tant que chorégraphe à l’Opéra de Paris ou ailleurs. Elle est juré dans l’émission La meilleure danse sur W9 en 2012, rejoint la troupe des Enfoirés en 2016, est l’héroïne des clips La Superbe de Benjamin Biolay ou plus récemment La Boxeuse Amoureuse d’Arthur H. Elle réfléchit aussi à la pédagogie et la transmission et fonde une école de danse en Italie. Les projets se multiplient, mais la danseuse se fait de plus en plus rare à l’Opéra de Paris. Marie-Agnès Gillot s’entend bien avec Benjamin Millepied, mais danse finalement peu sous sa direction. Ils devraient toutefois se retrouver dans une création autour de Barbara (initialement prévue à l’Opéra de Paris). La programmation d’Aurélie Dupont et ses choix de distribution ne permettent pas non plus à Marie-Agnès Gillot de beaucoup danser lors de sa dernière saison. Mais qu’importe, ceux et celles qui aiment la danse ne l’ont pas oubliée. Et il.elle.s seront présent.e.s en nombre le 31 mars au Palais Garnier pour les adieux de l’Étoile, avant d’aller l’applaudir dans d’autres théâtres. L’histoire d’amour entre Marie-Agnès Gillot et le public est loin d’être terminée

 

Et vous, quels grands rôles de Marie-Agnès Gillot retiendrez-vous ? 

 



Commentaires (3)

  • Celia72

    Jai eu la joie de voir Marie Agnes dans la projection du ballet Parade au Mucem a l occasion de l exposition Picasso et les ballets russes. Je lui souhaite le meilleur pour sa « retraite »

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  • Regine18

    Pour moi, souvenir inoubliable du pas de deux Diamant de la Belle au Bois Dormant de R.Noureev avec J.G.Bart, et Signes de C.Carlson. Donc, finalement, les 2 aspects de cette etoile.

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  • CLAUDINE

    bonsoir,
    pour ma part, je me souviens particulièrement de marie-agnès Gillot dans Rubis, un régal, une merveille!
    un grand bravo pour cette magnifique carrière, même si personnellement je préfère le classique au contemporain.

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