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Les adieux à la scène émouvants et festifs de Marie-Agnès Gillot

Le 31 mars, lors d’une représentation d’Orphée et Eurydice de Pina Bausch, Marie-Agnès Gillot a fait ses adieux à l’Opéra de Paris, institution où elle est rentrée 33 ans plus tôt, à l’âge de 9 ans. Du parvis du Palais Garnier jusqu’au 7e étage, des applaudissements au discours en slam, retour sur une soirée à l’image de la danseuse : émouvante, étonnante, joyeuse. 

Les adieux à l’Opéra de Paris de Marie-Agnès Gillot

Il y a des soirs où l’ambiance n’est pas tout à fait la même au Palais Garnier. Ce 31 mars 2018, jour de départ en retraite de Marie-Agnès Gillot (de l’Opéra de Paris tout du moins) en fait partie. Depuis sa première année à l’École Danse jusqu’à sa carrière d’Étoile, la danseuse a profondément marqué la scène de l’Opéra de Paris, de la danse en général. Ce soir-là, le public passionné de danse est donc venu nombreux. Pour beaucoup, La Gillot comme on dit a profondément marqué leur vie de spectateur et spectatrices. Marie-Agnès Gillot, MAG pour les intimes, c’était la danseuse multi-facettes, grande ballerine sur pointes, toujours choisie pour les créations. C’était celle qui ne mettait pas tout le monde d’accord (son dernier Boléro en est la preuve) mais qui marquait tout le monde. C’était celle un peu plus grande que les autres, aux épaules un peu plus larges, qui balançait comme personne ses 32 fouettés dans Paquita comme ses grands pliés à la seconde de Mats Ek. C’était celle qui parlait haut dans les médias, et tant pis pour sa direction – qui aujourd’hui pour la remplacer à l’heure du toujours plus lisse dans le discours ? C’était celle sur qui le public avait complètement craqué, qui raflait les ovations à chaque spectacle, mais qui avait dû attendre et encore attendre sa nomination d’Étoile (coucou François Alu). C’était celle qui sortait du cadre, et pas sûr qu’aujourd’hui, où l’on n’ose faire de vague, on lui permettrait de faire la carrière qu’elle a eue.

Dans le hall du Palais Garnier, ils sont donc nombreux.ses, ce soir-là, à se presser pour acheter son programme et le poster-souvenir qui allait avec (merci à certains ouvreurs qui ont généreusement distribué les affiches pour peu que l’on demandait gentiment). Ils et elles ont vu MAG un nombre incalculable de fois sur scène, peut-être moins souvent dernièrement, mais ce n’est pas très grave. Il y a aussi un certain nombre de personnalités, de vrai.e.s amoureux.ses de la danse comme Claire Chazal ou Augustin Trapenard, des actrices comme Juliette Binoche, aussi un public un peu plus mondain, pas forcément amateur de ballet mais qui ont suivi Marie-Agnès Gillot dans ses aventures hors Opéra de Paris, à l’allure et au look qu’on ne voit pas souvent au Palais Garnier. Bref, un joyeux mélange, Balletomanes revendiqués ou non, mais tous et toutes là pour la même personne.

Les adieux à l’Opéra de Paris de Marie-Agnès Gillot

Le rituel des adieux d’une Danseuse Étoile est toujours le même, pourtant à chaque fois différent. DALP reviendra un peu plus tard sur cette représentation, pas une grande soirée de danse en soi, même si Marie-Agnès Gillot, comme à son habitude, n’a pas triché en scène. Au bout du 4e acte, le rideau se baisse définitivement. Et les 20 minutes d’applaudissements démarrent. Cela commence de façon traditionnelle, avec le salut des différents artistes de la représentation. Le rideau se baisse, puis se relève. Marie-Agnès Gillot est cette fois-ci seule en scène. Une pluie de roses rouges est lancée d’une loge côté cour, tandis que les musiciens et musiciennes de l’orchestre lui envoient des roses blanches. L’Étoile en prend une et va s’assoir sur le bord de scène, les pieds ballotant dans le vide de la fosse, sourire aux lèvres et yeux rieurs, regardant avec bonheur ce public d’anonymes et ami.e.s. Puis la Directrice de la Danse Aurélie Dupont monte en scène bien, accompagnée par le fils de Marie-Agnès Gillot (désormais une tradition pour le départ des ballerines) et de sa petite chienne Goldie (plus original !). 

Marie-Agnès Gillot ne veut cependant pas rester seule en scène. Elle appelle les autres artistes de la troupe ce soir en scène avec elle, puis les Étoiles où les ami.e.s qu’elle devine dans les coulisses. Elle les fait venir alors que la pluie d’étoiles dorées commence à tomber, imitant parfois le geste d’une Willis. Quelques Étoiles d’aujourd’hui comme d’hier montent la saluer : Dorothée Gilbert, Élisabeth Maurin, Mathieu Ganio, Clairemarie Osta, Germain Louvet, Hugo Marchand, Wilfried Romoli, Ludmila Pagliero, Florence Clerc ou Laetitia Pujol. Cette dernière a droit à une vive accolade, qui fait valdinguer Goldie sur scène (mais plus de peur que de mal pour la petite chienne, rassurez-vous). Marie-Agnès Gillot fait aussi monter ses grands maîtres sur scène. Et c’est aussi à cela que, dans la salle, l’on reconnaît le public de passionné.e.s du public mondain, le premier applaudissant plus encore frénétiquement quand le deuxième se demande de qui il s’agit. Pierre Lacotte, Claude Bessy, Carolyn Carlson, Ghislaine Thesmar, Brigitte Lefèvre Dominique Mercy… C’est toute une page de l’histoire de la danse qui semble monter sur scène. Au bout de 20 minutes, le rideau se baisse mais ne se relève pas, les lumières se rallument. Marie-Agnès Gillot n’a pas semblé vouloir faire traîner les applaudissements. Ce n’est pas non plus une ultime dernière scène, comme cela avait été le cas pour Isabelle Ciaravola, et où le public savait que ce serait la der des ders. La Gillot a encore d’autres projets.

La soirée continue, comme traditionnellement, dans le Grand Foyer. Il fallait être à l’heure, tout le champagne est parti avant 23h. Aurélie Dupont et Stéphane Lissner font un petit discours, tandis que Marie-Agnès Gillot fait de grands gestes sur l’estrade à ceux et celles qu’elle reconnaît, tout sourire. Puis c’est à elle de prendre le micro. Mais pas question d’un discours convenu. L’Étoile se lance… dans un slam – et plutôt réussi – très joliment accompagnée par l’altiste Claire-Marie Bronx. L’Étoile remercie ses maîtres, ses professeur.e.s, Claude Bessy. Elle cite « ces deux maîtresses de l’espace« . Pina Bausch d’abord en se souvenant de son passage à Wuppertal, « c’est là que j’ai hérité de quelques graines d’agrumes. Le temps est passé si vite, cette plante est devenue arbuste et c’est une grande leçon de danse« . Puis Carolyn Carlson qui l’a fait danser dans Signes, ballet où elle fut nommée Étoile : « Tu m’inspires et improviser à tes côtés est un don du ciel« . Marie-Agnès Gillot remercie et s’excuse auprès de ses différentes directions, « J’ai un peu de caractère. Il fallait me rentrer dedans et je vous suis rentrée dedans« . Puis elle remercie ces hommes, danseurs et/ou chorégraphe, « ces génies du mouvement dans l’espace et dans l’âme« , qui ont traversé son chemin et l’ont fait « arriver sur scène plus forte, et sans douter«  : « Misha, Kader, les Stéphane, Vincent, Yann, Hervé, Wilfried, Jérémie, Christophe, Patrice, Benjamin, Mathieu, José, Jean-Guillaume, Audric, Marc, Mathias… Merci à vous« .  Marie-Agnès Gillot parle enfin de son cher Palais Garnier qu’elle quitte ce soir. « Le sol en pente me guide pour vite ruisseler vers l’issue excitante de futurs feux…« , avant de lancer au public sur un ton mi-interrogateur mi-enthousiaste « À demain« . Alors que la musique s’étire, l’Étoile se lance dans une improvisation avec Aurélie Dupont, pour une dernière danse.  

Une fois les chaussures remises, Marie-Agnès Gillot alterne embrassades et signatures d’autographes. Vers 23h30, le Grand Foyer se vide. La fête est déjà finie ? Pas vraiment. Il faut ensuite monter quelques étages, côté coulisse, chez les machinistes, pour une soirée moins conventionnelle. L’ancienne génération a presque entièrement déserté, mais la plus jeune a pris la relève sur la piste de danse. Marie-Agnès Gillot virevolte dans sa belle robe rouge. Il y a eu quelques larmes ce soir, mais surtout beaucoup de sourires et de rires. Place à la suite. 

Les adieux à l’Opéra de Paris de Marie-Agnès Gillot

 



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