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Grande leçon de danse : Giselle raconté par Ghislaine Thesmar

Le Centre National de la Danse organise plusieurs fois par an des Grandes leçons de danse : une master-class donnée par un-e grand-e professeur-e ou chorégraphe sur des élèves du CNSMDP, en public.

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Ghislaine Thesmar était l’invitée de la Grande leçon du printemps, qui s’est tenue le 3 avril. À la place d’un cours, cette grande Étoile et pédagogue a préféré faire travailler des extraits de Giselle : la variation du premier acte pour les filles, la variation du deuxième acte pour les garçons et la scène de la folie pour la pantomime. Plus que des conseils techniques, Ghislaine Thesmar a raconté Giselle, sa façon de voir le personnage, tout ce qu’on avait pu lui transmettre sur ce rôle et ce ballet. Ce fut 1h30 de style, d’amour de la danse et d’histoire, le tout avec une grande bienveillance sur les jeunes élèves.

Ghislaine Thesmar a d’abord raconté la version qu’elle a décidé de faire travailler, qui est celle de Marius Petipa. Cette version date de 1860, 20 ans après la création du ballet. L’Étoile marque la variation du premier acte en expliquant ces pas qui sont si représentatifs de Petitpa. « Vous voyez ces penchés relevés arabesques, ce sont des choses que l’on peut retrouver dans Le Lac des Cygnes« . Cette variation peut aussi bien se terminer par une diagonale que par un manège. « La diagonale est vraiment typique de Petipa. Cela s’est fait comme cela jusqu’à Yvette Chauviré qui, avec Serge Lifar, l’a transformée en un manège. C’est devenu la tradition à Paris. Mais les deux versions se dansent« .

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Avant que les cinq jeunes filles ne se lancent une par une, Ghislaine Thesmar donne quelques indications d’interprétation. « Giselle vient d’être élue reine des vendanges, son fiancé lui a juré un amour éternel… Cette variation est un éclatant moment de bonheur« . La première élève se lance. L’Étoile fait particulièrement attention à sa diagonale finale, qu’elle finit au début beaucoup trop loin. « Attention, n’avance pas trop !« . La seconde fois est plus en place.

La deuxième élève rencontre des difficultés avec la diagonale de 32 ballonnés, redoutable exercice technique. « Six à la secondes et six devant, c’est très difficile mais beaucoup plus musical« . La danseuse a du mal et chute. « Ça nous est toutes arrivé« , la rassure Ghislaine Thesmar. « L’essentiel n’est pas d’y arriver du premier coup, mais de recommencer et de sentir que l’on maîtrise ce que l’on fait« . La troisième élève reçoit des corrections sur ses tours attitudes. « Tout ton corps doit participer à la pirouette. N’attends pas que cela tourne tout seul ». « Attention à la musique et aux directions de tes bras dans l’arabesque penchée« , lance-t-elle à la quatrième. La dernière élève reçoit aussi des conseils sur les ballonnés. « Vas-y, prend le risque« , l’encourage Ghislaine Thesmar. « Ce n’est pas ta jambe qui décide si tu vas y arriver ou non. C’est toi qui décides, c’est toi qui domines« .

Après cette variation, Ghislaine Thesmar montre quelques gravures anciennes de Giselle. « Ces costumes-là étaient très à la mode. Ils sont très élégants, on peut imaginer qu’ils ont été dessinés par le Saint Laurent de l’époque« .

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Une autre gravure donne des explications quant à la couleur de la robe de Giselle au premier acte, toujours blanche et bleue. « Au départ, le costume de Giselle était bleu et jaune« , raconte Ghislaine Thesmar. « Mais ça a changé avec les Ballets Russes. Paris avait oublié Giselle, le ballet n’était plus donné. Les Ballets Russes l’ont refait découvrir. Tamara Karsavina était la grande interprète de Giselle de la troupe et son costume était blanc et bleu. Les couleurs sont depuis restées« .

Place ensuite à la variation des garçons, celle du deuxième acte. Comme pour les filles, Ghislaine Thesmar la marque en donnant quelques indications. « Là, il y a trois poses. Les danseurs russes en oublient toujours une, c’est presque comme s’ils prenaient une pause-café entre les deux« . La variation contient beaucoup de sauts. La professeure pousse les deux élèves à prendre plus d’ampleur. « Un jour, j’ai demandé à Mikhail Baryshnikov comment avait-il appris à sauter pour s’envoler aussi haut« , raconte Ghislaine Thesmar. « Il m’a dit qu’il visionnait toujours son saut. Il prenait la mesure de tout ce qu’il ambitionnait de faire« .

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Ghislaine Thesmar fait enfin répéter la scène de la folie. « Pendant longtemps, j’ai voulu faire joli« , explique-t-elle. À Cuba, elle a rencontré une très grande interprète du rôle, qui jouait vraiment le personnage, selon la méthode Stanislavski. « Elle a nettoyé ma Giselle« . Ghislaine Thesmar guide les quatre interprètes (Giselle, Bathilde, Albrecht et Hilarion), faisant découvrir au public quelques détails qu’il ne connaissait pas forcément. Ainsi au début, quand Giselle découvre qu’Albrecht est fiancé, ce dernier fait à Bathilde le signe de se taire, le doigt sur la bouche. Il lui explique ainsi que Giselle n’est qu’une aventure avant son mariage, ce qui était courant à l’époque. Bathilde comprend, c’est pour cela qu’elle se tient en retrait durant toute la scène. « On peut imaginer que Giselle est le fruit d’une telle union« , extrapole Ghislaine Thesmar. « La mère de Giselle est très jolie. Et dans l’histoire, il n’y a ni père ni mari« .

Chaque pas, chaque geste a une signification. L’Étoile marque la scène, expliquant chaque mouvement en détail. « Tu ne reconnais plus ta mère, son odeur. Tu veux te plonger dans un trou noir. Puis tu relèves ta tête, tu es attirée par une petite lumière qui brille au loin. C’est ton âme qui est en train de partir. Puis quelques souvenirs te reviennent… Une très belle femme t’a demandé si tu aimais, si tu étais fiancée, si l’on t’avait juré un amour éternel… Mais non, ça ne s’est pas terminé comme ça… Tu te souviens de la marguerite, le premier pétale qui veut dire oui, le deuxième qui veut dire non. Mais tout veut dire non, tu essuies ta robe pour faire partir cette fleur… Tu tombes sur l’épée. Les autres ont peur, mais toi tu t’amuses, tu ne te rends pas compte du danger… Tu te cognes contre Albrecht, son visage te rappelle vaguement quelque chose, cela te fait rire. Tu tombes dans les bras de ta mère, c’est là qu’Albrecht se rend compte de ce qu’il a fait. Ta mère te propose de rentrer à la maison, de te reposer, mais tu ne l’écoutes plus… Les souvenirs te reviennent. Tu revis ce moment où il t’a pris par la main, où vous aviez dansé ensemble. Ta danse se fait de plus en plus vive, tu sautes haut, tu te rappelles de ce bonheur… Et soudain tu as froid, tu ne peux plus respirer. Tu as très peur, tu cherches ta mère dans la foule et tu ne la trouves pas« .

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Chacune des jeunes filles se lance tour à tour dans cette scène de la folie, leur camarade interprétant les autres personnages. Toutes y mettent beaucoup de sincérité, quitte parfois à se laisser un peu déborder. « Tu as péché par sincérité« , explique ainsi Ghislaine Thesmar à la première élève. « Quand on est sincère, on suit le rythme de ses émotions. Mais il ne faut pas oublier la musique« .  Aux autres, elles leur demande de marquer plus les gestes. « Vous chuchotez l’histoire, vous la susurrez. Mais il faut la raconter !« . Aux jeunes filles d’accentuer les gestes, sans perdre leur sincérité. « Le oui et le non avec les pétales de fleurs, ils doivent se voir jusqu’au quatrième balcon« , encourage Ghislaine Thesmar. « Regarde vraiment ta mère avant de t’élancer dans ses bras. Ce sont les regards et les postures qui font les choses« .

Après ces démonstrations, Ghislaine Thesmar a répondu à quelques questions du public. Sur la transmission, elle explique laisser une liberté aux danseuses qu’elle coache, elle ne cherche pas à reproduire sur elles l’artiste qu’elle a été. La question de son rôle préféré est aussi abordée. Difficile au début de choisir, « Quand on s’apprête à entrer en scène pour danser le deuxième acte du Lac des Cygnes, on est convaincu que c’est le rôle de notre vie« . Ghislaine Thesmar évoque finalement Sérénade, ce moment de plénitude qui arrive après un passage particulièrement difficile. Quelqu’un pose enfin la question des liens entre La Sylphide et Giselle. « La Sylphide a donné le goût du ballet blanc et a permis à Giselle d’exister« . Et la danseuse de souligner toute la richesse de ce dernier ballet. « Giselle porte sur cette histoire qui ne cessera d’exister, celle du clivage social. Et puis ce sont les âmes du passé qui viennent apaiser les vivants. C’est ce thème universel du Pardon« .

 

Commentaires (2)

  • Marion

    Merci beaucoup pour cet intéressant compte rendu ! La rencontre semble avoir été passionnante.

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  • a.

    C’est passionnant ! J’adore cette femme, si intelligente et subtile. Je n’ai pas pu la voir danser (pas née assez tôt) mais je crois que je l’aurais adorée! Quelle chance ont ces jeunes filles de pouvoir travailler avec des gens de cette race!

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