Prélude à Paquita – En Répétition
Le ballet Paquita, reconstruit par Pierre Lacotte en 2001, revient à grands pas au Palais Garnier du 2 au 19 mai prochain. Pour l’occasion, Myriam Ould-Braham et Germain Louvet ont répété trois passages de l’œuvre en public. Sous l’œil averti d’Agnès Letestu et entre les précieux commentaires du chorégraphe Pierre Lacotte, les deux artistes ont dévoilé l’envers du décor de Paquita. Retour sur une répétition teintée d’émotion.
Cette Paquita, dont l’origine remonte à 1846, célèbre le style de l’École française auquel Pierre Lacotte est tant attaché. « Rapidité, nuance, précision » résume-t-il en guise d’introduction à la séance de travail. Pédagogue, le chorégraphe ponctue d’ailleurs la répétition de savoureuses observations avec autant de bienveillance à l’égard des interprètes – « Germain Louvet est un très beau danseur » – que de générosité à l’égard de l’auditoire – « c’est un plaisir de rencontrer des gens qui s’intéressent à la danse« .
Pierre Lacotte croit au patrimoine de la danse. Il s’émeut du caractère transgénérationnel de cette séance de travail, rappelant qu’Agnès Letestu « a très bien dansé Paquita » en son temps et qu’il est primordial pour chaque génération de danseur-se-s de transmettre son savoir à la suivante. La répétitrice acquiesce et insiste sur la notion de « continuité, dans la danse comme dans tous les domaines d’ailleurs« . Le public est également gratifié de succulentes digressions dont Pierre Lacotte a le secret : « C‘est dommage qu’il n’y ait pas de plaque rue Le Peletier à l’endroit de l’ancien Opéra« .
Myriam Ould-Braham et Germain Louvet commencent avec le pas de deux dit du rocher, de l’acte I, « premier moment d’intimité du couple » précise Agnès Letestu. Dans cet extrait, l’officier Lucien d’Hervilly fait sa demande en mariage à Paquita, jeune gitane qui ignore encore tout de son ascendance noble. Sans surprise, Myriam Ould Braham est délicieusement gracieuse dans le rôle. Ports de bras délicats, jeu de jambes soigné, chaque geste est dans la douceur et la retenue. Elle ressemble donc plus à la demoiselle de bonne famille (que Paquita est de naissance) qu’à une pétulante bohémienne. À ce titre, elle préfigure la représentation du 16 mai qui verra les débuts de Léonore Baulac en Paquita. Mais la danseuse sait aussi être badine quand elle se dérobe à son prétendant. « Je n’ai pas d’argent, je n’aurai pas de dot« , souffle Agnès Letestu pour guider le jeu de Myriam Ould-Braham. « Vous vous quittez à regret, jusqu’au bout » puis « Myriam, tu le retrouves avec plus d’ivresse« .
La pantomime est à l’honneur dans cette répétition, comme elle l’est dans le ballet. L’acte de la Taverne est presque entièrement composé de pantomime nous glisse-t-on au passage. C’est un « art que l’on retrouve dans tous les ballets romantiques » commente le chorégraphe. On l’enseigne d’ailleurs toujours à l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Selon Pierre Lacotte, spécialiste et à l’évidence nostalgique du XIXe siècle, la pantomime de l’époque raconte une histoire avec « beaucoup de délicatesse« . Même les positions à l’arrêt, entre deux pas de danse, sont finement étudiées. Ainsi du cou de Myriam Ould-Braham qui, pour Agnès Letestu, doit être bien dégagé et attirer la lumière pour évoquer « les gravures du XIXe siècle » et du corps qui doit être « un peu plus en avant« . La danseuse ressemble à s’y méprendre à la Giselle de l’acte blanc.
C’est le travail de bas de jambe à la française qui est affiné dans le deuxième pas de deux à l’étude. Ballonnés, sissonnes, assemblés battus en tournant et autres difficultés techniques sont disséqués par l’attentive répétitrice, qui surveille autant la technique que l’expression artistique. Et qui dit pas de deux dit savoir danser ensemble. « Question/réponse, vous devez danser en miroir » leur rappelle-t-elle. Dans son coin, Pierre Lacotte s’amuse : « Vous découvrez le travail du danseur, voilà ce qu’on fait tous les jours, on répète encore et encore« .
La séance se termine par le pas de deux du mariage du deuxième acte. Paquita a découvert le secret de sa naissance. Sa filiation aristocratique à présent établie, elle peut enfin épouser Lucien. Pour rythmer leur danse, Agnès Letestu demande aux interprètes de la « ponctuer« . Pour illustrer ses indications, elle n’hésite d’ailleurs pas à montrer les gestes. Silhouette longiligne et galbée, l’Étoile fraîchement retraitée n’a rien perdu de son panache. En dépit de ces précisions avisées, Germain Louvet est parfois un peu maladroit avec sa partenaire qu’il peine à faire tourner. Elle en perd l’équilibre. Le public est attendri.
L’émotion est palpable dans cette singulière séance de travail. En effet, Germain Louvet, physique de danseur noble allié à une belle technique, n’est pas titulaire du rôle. De son côté, Myriam Ould Braham revient d’une longue pause loin de la barre. Elle a d’ailleurs été retirée des distributions de cette série de Paquita. Le partenariat est donc joli mais timide, voire fragile. « Ils n’ont pas beaucoup répété ensemble » précise Agnès Letestu avant d’ajouter pour relativiser « c’est un couple recomposé ! ». Mais Pierre Lacotte, assis en retrait, est à l’évidence très enthousiaste. Il fait même une allusion à Benjamin Millepied, louant la valorisation « des jeunes danseurs qui sont un souffle pour la compagnie. Là, on a un très beau danseur avec Germain Louvet ».
C’est peut-être ce qu’il faut retenir de cette répétition de Paquita, ancrée dans le passé qui est cher au chorégraphe mais optimiste quant à l’avenir. Les participants ont été chaleureusement applaudis, Pierre Lacotte en tête après une petite heure de présentation. Et pour celles et ceux qui s’inquiètent de l’absence de « MOB », le chorégraphe ajoute, rassurant, « elle revient, elle vient d’avoir un petit garçon« . Murmures de soulagement dans les rangs du studio Bastille.
Rendez-vous est donné le 2 mai pour la première de Paquita qui réunira la nouvelle Étoile Laura Hecquet, Karl Paquette et François Alu. Une distribution qui mélange les talents d’aujourd’hui, d’hier et de demain.
pascale
Merci Jade pour ce bel article
Savez vous si ces rencontres ballet sont reconduites pour la prochaine saison.?
Je n’ai vu aucune date programmée…. et pourtant ces répétitions sont très suivies et riches d’enseignement
Jade Larine
A ce stade, nous avons entendu des rumeurs contradictoires quant à la reconduction de ces belles rencontres. Dès que l’information sera officielle, Danses avec la plume ne manquera pas de la relayer. Sans faire de la publicité pour l’AROP, dont vous êtes peut-être déjà membre, je souhaite souligner que de nombreuses répétitions, projections et rencontres sont organisées dans ce cadre. L’adhésion est toutefois payante…
Amélie Bertrand
@ Pascale et Jade : Benjamin Millepied a laissé entendre qu’il y en aurait d’autres, mais rien de plus (format, organisation) pour le moment.
françoise Fernandez
Je souhaiterais savoir comment assister à ces répétitions.
A t il un abonnement ?
Merci
Amélie Bertrand
@ Françoise : Ces répétitions sont gratuites. Danses avec la plume annonce ces différentes manifestations dans les Nouvelles dansées : http://www.dansesaveclaplume.com/nouvelles-dansees/