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Le Lac des Cygnes comme un show par l’American Ballet Theatre

Il n’y a pas de saison de printemps de l’American Ballet Theatre à New York sans la reprise obligatoire du Lac des Cygnes, dans la version du directeur de la compagnie Kevin McKenzie. Huit représentations qui sont sold out, une performance en soi. Car remplir tous les soirs durant huit semaines le Metroplitan Opera avec ses 3.800 places n’est pas une mince affaire. C’est plutôt un défi permanent ! Beaucoup trop de sièges vides ont été vus lors de programmes passionnants. Mais comment reprocher au public d’accourir pour voir ou revoir le ballet des ballets ? D’autant que c’est une occasion de découvrir de nouvelles distributions, toutes différentes. Pour l’ultime représentation de cette série 2016, Maria Kochetkova, qui a rejoint l’ABT l’an dernier, avait pour partenaire Herman Cornejo.

Swan Lake- Acte 4

Le Lac des Cygnes – Acte 4

Ce n’est pas la première fois que Maria Kochetkova et Herman Cornejo interprètent ce couple mythique sur la scène du Metropolitan Opera. Elle était déjà venue en invitée et avait à juste titre enflammé le public. Herman Cornejo n’ayant pas vraiment de partenaire à sa mesure, KevinMcKenzie a convaincu la danseuse du San Francisco Ballet de rejoindre la troupe de l’ABT. Elle partage désormais son temps entre les deux compagnies.

Et ce fut encore une fois un triomphe ! Assister au Lac des Cygnes au Metropolitan Opera, c’est un peu comme être sur Broadway ou au cirque. Cela applaudit à tout rompre : à l’entrée des danseur-euse-s sur scène, au milieu d’une variation, à la moindre difficulté technique surpassée, au premier tiers des fouettés. Ne cherchez pas à écouter la musique ou à vous laisser emporter par la beauté d’un geste. Le Lac des Cygnes version ABT, c’est plus un show qu’autre chose. Il y a quelque chose de fort sympathique dans cet engouement populaire, moins compassé qu’en Europe,  mais il n’est pas facile d’y trouver son compte.

Maria Kochetkova et Herman Cornejo-Le Lac des Cygnes- Acte 2.

Le Lac des Cygnes – Acte 2 – Maria Kochetkova et Herman Cornejo

La production de Kevin McKenzie créée en 2000 n’aide pas à faire surgir l’émotion. Les décors et costumes de Zack Brown ont trop souvent tendance à pencher vers le kitsch. Les révisions opérées par le directeur artistique de l’ABT défient l’entendement dramatique. Et comment peut-on toucher à la chorégraphie de Lev Ivanov dans l’acte deux ? Enfin, partager le rôle de Rothbart entre deux danseurs perturbe la compréhension du livret. L’idée est de faire de Rothbart un jeune premier, ce qui explique qu’il ait pu séduire Odette. Kevin McKenzie ajoute donc une variation dans l’acte trois, celui du Cygne Noir, censée montrer un Rothbart capable de séduire toutes les princesses présentées à Siegfried. Et même la Reine mère !

Il faut donc faire abstraction de cet environnement pour pouvoir apprécier le couple Maria Kochetkova/Herman Cornejo. Par chance, il y a une réelle osmose dans leur partenariat. Mais cela ne suffit pas à faire de ce Lac des Cygnes un moment inoubliable. Dans le premier acte, Herman Cornejo impose une personnalité intéressante, loin des Siegfried tristes et mélancoliques que l’on voit trop souvent. Il apparait plutôt joyeux mais détaché et peu impliqué dans les festivités de son anniversaire. Le pas de trois est la séquence la plus intéressante. Zhiyao Zhang, danseur chinois, a été engagé dans le corps de ballet il y a quatre ans. Il devrait en toute logique progresser dans la compagnie au regard de sa technique  -excellente ! – et de ses qualités de partenaire. Rien de plus difficile que ce pas de trois qui requiert du danseur une attention de tous les instants envers ses partenaires, Cassandra Trenary et Catherine Hurlin.

Herman Cornejo et Maria Kochetkova.

Le Lac des Cygnes – Herman Cornejo et Maria Kochetkova.

C’est évidemment l’acte blanc que tout le monde attend. Maria Kochetkova y est souveraine. Sa formation à l’école du Bolchoï n’est pas pour rien dans le plaisir de la voir évoluer dans le rôle d’Odette. Le Lac des Cygnes est le ballet qui exige un travail des bras ciselé. Hors de Russie, rares sont les ballerines qui parviennent à raconter l’histoire avec leurs bras. Maria Kochetkova a cette faculté dans son ADN de danseuse et elle en use à merveille dans cette partie du ballet. L’Adage est impeccable, grâce notamment à Herman Cornejo, partenaire attentif et attentionné.

C’est pourtant dans l’acte trois que le couple est le plus fulgurant. Herman Cornejo y exprime toutes les fragilités du personnage et démontre sa maitrise technique dans ses deux variations. Maria Kochetkova est impériale dans cette partie du ballet – la plus difficile pour la ballerine – même si l’on regrette qu’elle semble perdue dans un tutu trop vaste qui encombre sa danse.

Le Lac des Cygnes-Acte2

Le Lac des Cygnes – Acte 2

Il faut tout le talent d’Herman Cornejo et Maria Kochetkova pour surmonter les faiblesses de cette production. Y parviennent-ils ? Pas tout à fait. Le Lac des Cygnes version ABT tient plus du grand spectacle que de la poésie. Tous les efforts des artistes sur scène se perdent dans un théâtre trop grand où l’émotion se dilue sans jamais vous atteindre.

 

Le Lac des Cygnes de Kevin McKenzie par l’American Ballet Theatre au Metropolitan Opera House de New York. Avec Maria Kochetkova (Odette/Odile), Herman Cornejo (Siegfried), Gray Davis et Sterling Baca (Rothbart) et Zhiyao Zhang (l’ami du Prince Siegfried). Samedi 18 juin 2016.

 

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