[Paris de la Danse] – De New York à Paris
Pierre angulaire de cette deuxième édition du festival Paris de la Danse, Les Italiens de l’Opéra de Paris et les Stars of American Ballet ont partagé la scène pour du Théâtre de Paris pour deux programmes différents. Une émulation artistique sous la direction d’Alessio Carbone et Daniel Ulbricht offrant une double perspective sur les écoles française et américaine, un dialogue sur scène entre l’Opéra de Paris et le New York City Ballet avec une affiche ambitieuse renouvelant magnifiquement le genre du gala. Une grande réussite.
Les galas sont plutôt rares en France. Ce genre spécifique du ballet classique permet pourtant de voir en un seul spectacle une multitude d’artistes. C’est son premier avantage. En revanche, le programme constitué d’une succession de « pièces à gala » est souvent répétitif. Alessio Carbone et Daniel Ulbricht ont évité cet écueil avec le spectacle De New York à Paris en composant une affiche variée où les grands classiques côtoyaient des œuvres moins connues. Certes, ni les artistes de l’Opéra de Paris ni celles et ceux du New York City Ballet ne sont sortis de leur zone de confort, mais toutes et tous ont offert des prestations soignées.
Du côté du New York City Ballet – honneur aux invités ! – beaucoup de belles surprises. Et tout d’abord le retour sur scène de Megan Fairchild après une absence de plusieurs semaines pour cause d’un heureux événement, selon la formule consacrée. Accompagnée par Gonzalo Garcia, la danseuse Principal du NYCB s’est montrée précise et techniquement affûtée dans Sonatine sur la musique de Maurice Ravel. Sonatine est un des ces ballets signés George Balanchine où le pianiste (Andrea Tura) partage la scène avec le couple de danseurs. Celle du Théâtre de Paris n’est pas très grande et l’espace apparait alors étriqué. Il manque parfois un peu d’ampleur et tous les déplacements sont millimétrés mais le couple du NYCB offre une ouverture balanchinienne du gala de belle facture. Rien à reprocher non plus à Teresa Reichlen et Ask La Cour dans le pas de deux de Diamants de ce même George Balanchine, même s’il reste compliqué de faire surgir l’émotion dans cet extrait hors du contexte du ballet Joyaux. Enfin on connait les qualités athlétiques de Daniel Ulbricht et il n’a pas fait mentir sa réputation en choisissant Tchaikovsky Pas de deux aux côtés d’Indiana Woodward : c’est brillant, cela saute haut, c’est parfaitement musical. Un moment de belle virtuosité qui conclut ainsi la première partie du spectacle.
C’est après l’entracte qu’arrivent deux chefs-d’œuvre de George Balanchine. Le pas de deux d’Agon d’abord, un de ces fameux ballets en noir et blanc comme on les désigne, en référence aux couleurs des costumes. Teresa Reichlen et Tyler Angle y sont parfaitement à leur aise. Enfin le climax balanchinien fut signé par Sterling Hyltin et Ask La Cour dans Apollo. Ce ballet fut créé à Paris par George Balanchine pour les Ballets Russes et reste l’archétype du ballet néo-classique inventé par le chorégraphe américain. Il s’y approprie le vocabulaire académique et commence à y introduire ce qui seront les marqueurs de son style, comme les déhanchements et mains pliées. George Balanchine retravailla Apollo toute sa vie au fil des interprètes successifs. Ask La Cour est un Apollon idéal, alliant finesse et virilité. Sterling Hyltin est une magnifique danseuse lyrique du New York City Ballet qui en compte peu : des lignes superbes, des jambes interminables, une technique éprouvée au service d’une interprétation exemplaire. Du très grand art et un moment unique dans ce gala.
On était évidemment curieux de retrouver les danseuses et les danseurs de l’Opéra de Paris dans des extraits du répertoire qu’ils ont peu l’occasion d’interpréter. Et ce fut une divine surprise. Seule Étoile des Italiens de l’Opéra de Paris, Valentine Colasante avait choisi le Grand pas de Don Quichotte, le ballet sur lequel elle fut nommée au titre suprême. Il convient magnifiquement à son tempérament et elle en livra une interprétation impeccable, gratifiant le public de fouettés à toute allure de d’équilibres tenus. Son partenaire d’un jour, Paul Marque, est aujourd’hui dans une forme insolente : technique, musical, élégant, on attend désormais sa nomination inéluctable au rang d’Étoile. Le danseur confirme plus tard dans le programme l’excellence de sa danse avec Delibes Suite dans la chorégraphie de José Martinez avec sa partenaire Ambre Chiarcosso.
Autre graine d’Étoile qui devrait progresser à toute allure dans la compagnie : Bianca Scudamore, épatante dans Caravaggio de Mario Bigonzetti, même si l’on aurait préféré la voir dans une pièce moins ampoulée. Qu’importe : sa danse est magistrale, généreuse et culottée. Bianca Scudamore prend tous les risques sur scène, et l’on a hâte de découvrir ses prises de rôle la saison prochaine. Elle forme un couple formidable avec Francesco Mura, l’on espère que ces deux-là danseront ensemble à l’Opéra de Paris. Francesco Mura que l’on retrouve aux côtés d’Andrea Sarri et Julien Guillemard pour Aunis de Jacques Garnier, une jolie pièce pour conclure un gala avec ce mélange de danse classique et folklorique exigeant humour et virtuosité ce que délivrèrent parfaitement ces trois interprètes aux sons des accordéons de Gérard Baraton et Antoine Turpault.
Puis ce fut le grand final avec le retour sur scène de toutes les danseuses et tous les danseurs, un joli moment de pur cabotinage et de démonstration de virtuosité sur la musique de Czerny extraite du ballet Etudes d’Harald Lander. Sauts, pirouettes, arabesques, fouettés, tout le vocabulaire académique y passe avec bonheur. Ce gala place la barre très haut pour le Paris de la Danse et ces éditions à venir.
De New York à Paris au Théâtre de Paris dans le cadre du festival Paris de la Danse. Sonatine de George Balanchine avec Megan Fairchild et Gonzalo Garcia ; Caravaggio de Mauro Bigonzetti avec Bianca Scudamore et Francesco Mura) ; Diamants de George Balanchine avec Teresa Reichlen et Ask La Cour, Don Quichotte Grand Pas de Marius Petipa avec Valentine Colasante et Paul Marque ; La Mort du Cygne de Michezl Fokine avec Sofia Rossolini ; Agon Pas de deux de George Balanchine avec Teresa Reichlen et Tyler Angle ; Delibes Suite de José Martinez Ambre Chiarcosso et Paul Marque ; Apollo de George Balanchine avec Sterling Hyltin et Ask La Cour) ; Aunis de Jacques Garnier avec Andrea Sarri, Francesco Mura et Julien Guillemard. Ssamedi 15 juin 2019 (matinée). Le festival Paris de la danse continue jusqu’au 23 juin avec la Kibbutz Contemporary Dance Company.
Regine18
Le 1er programme était bien composé aussi, alliant moments de panache et moments intimistes ou humoristiques. C’était superbe et la salle comble à manifesté son enthousiasme. Un seul bémol : la scène trop petite.