Israel Galván – Un Sacre du Printemps aux accents flamenco
Fidèle au Théâtre de la Ville, Israel Galván offre en ce début d’année sa nouvelle création. Qui n’est rien moins que Le Sacre du Printemps, oeuvre mythique de Stravinsky qu’il danse sur la version pour deux pianos, écrite par le compositeur lui-même et interprétée ici sur scène par Cory Smythe et Sylvie Courvoisier. Pour encadrer ce chef-d’oeuvre absolu, les deux pianistes et compositeurs ont imaginé un prélude Conspiracion et une coda Spectro. Un spectacle d’une intensité immense dans lequel une fois encore Israel Galván défie les codes de la danse flamenca et propose seul en scène un Sacre puissant et personnel mais nourri de l’héritage de Nijinski.
Israël Galván n’a de cesse depuis le début de sa carrière de chercher du nouveau et de puiser bien au-delà du registre habituel de la danse flamenca. On l’a vu partager la scène avec Akram Khan ou encore se glisser sous le chapiteau du Cirque Romanès. Aucune musique, aucun style ne lui sont étrangers et aucun défi ne saurait lui résister. Et à ce moment de sa carrière, il y a comme un évidence à s’emparer de la partition géniale du Sacre du Printemps, qui a déjà produit quelques chefs-d’oeuvre chorégraphiques de la version première de Nijinsky en 1913 à celle de Pina Bausch. C’est précisément le génie de cette musique qui permet aux chorégraphes de se transcender. Et c’est ce que fait Israel Galván avec cette Consegración de la Primavera, traduction en castillan du Sacre du Printemps.
Il allait de soi que le danseur chorégraphe préférât utiliser la version réduite de l’orchestre pour deux pianos. Elle lui ouvre en effet tout un champ des possibles. « Le Sacre est l’oeuvre la plus percussive qui soit « , explique Israël Galván dans le programme, et cette version au piano lui laisse la responsabilité de ces fameuses percussions. Un sommet de virtuosité révolutionnaire chez Stravinsky que le danseur prend à son compte. C’est avec sa danse et son impeccable zapateado qu’il déroule la partition des percussions avec une musicalité métronomique. Israël Galván connait la musique sur le bout des pieds, il en maîtrise tous les accents, les accélérations, les accents, les arrêts brutaux. Rien n’échappe à sa vigilance.
Vêtu d’une chasuble noire courte, jambe droite recouverte d’un bas rouge et d’une genouillère, il se déplace d’un espace à l’autre, chacun offrant une texture différente permettant de varier la nature du son qui sort de sa frappe alors que le haut du corps joue avec la ligne mélodique : bras grands ouverts ou repliés comme pour se protéger de la violence des éléments. Pour la seconde partie, il s’éclipse avant de revenir, ayant revêtu une large jupe qui tombe sur la scène entourée par une poursuite lumineuse. C’est ainsi qu’il interprète ce moment plus apaisé du Sacre du Printemps. Surgit de ce spectacle envoûtant une sorte de transe tant Israel Galván est habité par la musique, mais aussi par ses prédécesseurs, en particulier Nijinski qu’il cite à plusieurs reprises en reprenant comme un hommage ce fameux port de bras du Prélude à l’Après-midi d’un Faune.
Sylvie Courvoisier a imaginé un bref prologue et un épilogue plus long pour ce Sacre du Printemps. Si cette introduction est bienvenue, permettant au public de s’installer dans l’univers du spectacle et sa scénographie dominée par les deux pianos en fond de scène, la dernière partie intitulée Spectro est moins que nécessaire. Non pas que la musique de Sylvie Courvoisier manquât d’intérêt, mais comment se mesurer au Sacre du Printemps ? Une fois les dernières notes jouées, il ne peut y avoir que le silence et rien d’autre.
La Consagración de la Primavera de et avec Israel Galván, Sylvie Courvoisier et Cory Smythe au Théâtre 13e Art. Lundi 7 janvier 2020. À voir jusqu’au 15 janvier, puis en tournée.