Suresnes Cités Danse 2020 – Butterfly de Mickaël Le Mer
Habitué de Suresnes Cités Danse, le chorégraphe Mickaël Le Mer y a proposé lors du troisième week-end Butterfly, une pièce créée quelques semaines auparavant au Festival de Danse de Cannes. Portée par trois danseuses et six danseurs virtuoses, cette nouvelle création apporte la démonstration, si besoin était, de la métamorphose complète de la danse hip hop. Confiant s’être inspiré de l’esthétique d’un vol de papillons blancs, le chorégraphe en a saisi la légèreté et la poésie. En effet, rien ne distingue l’élégance de ces insectes de celle de ces neuf interprètes confondant de virtuosité quand ils se mettent à vibrionner les uns autour des autres.
Toujours le même rituel. Se poser dans une salle de spectacles. Se laisser surprendre par le noir. Ralentir le rythme des battements de son cœur. Se sentir happée dès les premières minutes. Sur le plateau, dans un rai de lumière, un danseur déploie avec une lenteur magnifique des figures complexes. Il apparaît comme désarticulé. Somptueux invertébré qui enchaîne les mouvements au sol dans un solo hypnotique. Rapidement, d’autres danseurs le rejoignent et se mettent à se déployer autour de lui. Chacun.e développe sa propre gestuelle, laisse éclater sa personnalité. En chaussettes et vêtements du quotidien, ils.elles investissent l’espace comme une nuée de papillons voletteraient dans les airs de manière un peu désordonnée. Petit à petit, l’œil s’accoutume à ce ballet aérien et on perçoit la construction scénographique où chaque interprète occupe une place très précise.
À regarder les danseur.euses évoluer au fur à mesure de la pièce, on se dit que le chorégraphe possède un talent certain pour s’entourer. Originaires de France, mais aussi du Japon, d’Allemagne et des Pays-Bas, ses neuf interprètes laissent éclater une virtuosité différente de celle à laquelle nous a habitués la danse hip hop, pourtant maîtresse en la matière. Plus intériorisée, plus incarnée aussi. Une des trouvailles chorégraphiques réside dans ce geste répété à plusieurs reprises où chacun.e se met à tirer sur sa chemise ou son t shirt comme pour se débarrasser de son enveloppe charnelle ou s’extraire de sa chrysalide.
À la fin de la pièce, certains interprètes survolent littéralement la scène. L’effet est saisissant car on ne remarque pas de prime abord l’harnachement que la semi-obscurité révèle au fur et à mesure. Cette légèreté conquise sur la pesanteur ramène au thème initial. « Dans de nombreuses traditions, le papillon symbolise la métamorphose heureuse« , écrit Mickaël Le Mer dans sa note d’intention. C’est tout le propos de Butterfly, perceptible en filigrane par de minuscules touches. Et pour un.e danseur.euse, qu’est-ce qu’une métamorphose, si ce n’est peut-être transformer en conscience sa manière d’être au monde ? Et grâce à la puissance du spectacle vivant, nous transformer aussi, en tant que public, par cette expérience partagée.
Butterfly de Mickaël Le Mer au Théâtre André-Malraux de Rueil-Malmaison dans le cadre de la 28e édition de Suresnes Cités Danse Hors les Murs. Avec Noé Chapsal, Bruce Chiefare, Maxime Cozic, Wilfried Ebongue, Dylan Gangnant, Andréa Mondoloni, Naïma Souhaïr, Naoko Tozawa et Dara You. Vendredi 24 janvier 2020. À voir en tournée. Suresnes cités danse continue jusqu’au 2 février.