Suresnes Cités Danse – Premier(s) Pas de Nawal Lagraa Aït Benalla et Abou Lagraa
La 28e édition de Suresnes Cités Danse s’est refermée sur une création singulière : Premier(s) Pas conçue par Nawal Lagraa Aït Benalla et Abou Lagraa. Construite en deux partie, la pièce est menée par neuf danseurs et danseuses venues d’horizons différents, mais qui ont en commun d’avoir été stoppées dans leur parcours artistique par les empêchements de la vie : blessures physiques ou mentales et difficultés professionnelles qui ont entravé leur carrière. Les deux chorégraphes ont voulu travailler avec ces artistes cabossés pour leur offrir un nouveau tremplin. Cela se traduit sur scène par une soirée qui exalte les qualités individuelles de ces neuf personnalités aux parcours et aux techniques différentes pour créer une pièce de groupe sur-vitaminée faisant exploser leurs talents. Un spectacle inégal mais énergisant.
L’idée de départ de Premier(s) Pas est superbe. Elle part d’un constat de la difficulté à vivre des danseuses et des danseurs, de la nécessité constante de se réinventer pour un nouveau spectacle, un autre chorégraphe. Et l’aventure peut aussi tourner mal, quand la vie subitement s’assombrit parce que le corps se brise ou que l’âme se grippe. Dans un métier où tout se joue très vite, il n’est pas facile de rebondir. Abou Lagraa en a croisé durant toutes ces années des destins d’artistes brisés. C’est de là qu’est parti ce projet généreux : offrir une autre chance à ces danseuses et danseurs. La Fondation Edmond de Rothschild a financé cette belle idée et c’est ainsi que quatre danseuses et cinq danseurs ont pris le chemin de la Compagnie La Baraka pour participer à la création de ce spectacles à deux voix. Premier(s) Pas, c’est ainsi neuf artistes, neuf histoires qui se confrontent sur la plateau. Toutes et tous on appris des langages et des techniques différents mais ils se retrouvent sous cette bannière d’une pièce de groupe débordante d’énergie.
Nawal Lagraa Aït Benalla a choisi le célèbre Adagio de Samuel Barber dans une version revisitée par Olivier Innocenti pour cette première partie, qui débute avec l’ensemble des danseuses et des danseurs de dos, sur le plateau. L’on voit d’emblée la diversité du groupe, les âges différents, les morphologies surtout. La chorégraphe utilise ces disparités en exploitant tous les styles, classique, contemporain, jazz ou hip-hop, avec comme dénominateur commun un engagement de tous et de tous les instants. Chacune et chacun vient à son tour en solo, pour montrer son style propre, son talent unique. Nawal Lagraa sait créer de belles symétries, que ce soit debout ou au sol. L’écriture chorégraphique se construit sur les talents spécifiques des danseuses et danseurs et l’effet de groupe est en permanence dynamique et élégant.
Après un bref précipité, on retrouve nos neuf interprètes dans de larges tenues oranges conçues par Charlotte Pareja. Cette seconde partie réalisée par Abou Lagraa conserve un schéma identique en s’appuyant sur des musiques de Bach. Plus étirée, elle propose de très beaux solos et laisse s’exprimer plus longuement leurs qualités individuelles. Mais elle demeure moins percutante dans les ensembles que la première partie. Reste un projet formidable qui met l’accent sur la précarité des artistes dont le corps est l’instrument qu’ils ont du forgé depuis leur jeune âge, et qui peut subitement être fragilisé. De ces épreuves jaillit une énergie nouvelle qui explose dans ce spectacle. C’est beau et émouvant.
Premier(s) Pas de Nawal Lagraa Aït Benalla et Abou Lagraa au Théâtre André Malraux de Rueil-Malmaison, dans le cadre du festival Suresnes Cités Danses 28ème édition hors les murs. Avec Justine Bennaghmouch Christin, Anne-Caroline Boidin, Yari De Vries, Valentin Genin, Margot J. Libanga, Jethro Kitutila Furaha, Johana Malédon, Rhiannon Morgan, Larbi Namouchi et Angéla Urien. Vendredi 31 janvier 2020. À voir au Théâtre Liberté de Toulon le 28 mars.