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4e Biennale d’Art Flamenco – Olga Pericet et Rocio Molina, deux artistes puissantes sur la scène de Chaillot

Avec Ana Morales, Eva Yerbabuena, Olga Pericet et Rocío Molina parmi les sept têtes d’affiche de cette édition 2020, la Biennale d’art flamenco démontre l’importance des femmes dans le renouveau du flamenco. Olga Pericet, infatigable créatrice de spectacles originaux à la fois drôles et poétiques, est venue au Théâtre de Chaillot avec La Espina qui quiso ser flor o la Flor qui soño con ser bailaora, créé en 2018. Avant son prochain spectacle en septembre 2020, Rocío Molina multiplie les Impulso, cette forme qu’elle a inventée. Ni tout à fait spectacle et pas totalement improvisation mais une confrontation avec d’autres univers que le sien pour alimenter son travail. Olga Pericet et Rocío Molina : deux artistes puissantes qui ont enflammé la scène du Théâtre de Chaillot.

Rocio Molina

Rocío Molina nous avait littéralement stupéfié à l’automne 2018 lorsque, enceinte de sept mois, elle présentait les dernières représentations de Gritao Pelao, un spectacle colossal où elle avait convoqué sur scène sa mère, elle-même danseuse de flamenco pour une interrogation métaphysique sur son rapport à l’art et la maternité. Son désir d’enfant finirait-il par tuer son envie viscérale de danser ? La réponse est venue très vite. Après nous avoir enchanté à Nîmes lors d’un précédent Impulso en tête-à-tête avec le guitariste Rafale Riqueni, elle a invité au Théâtre de Chaillot le danseur François Chaignaud, la danseuse Rosalba Torres et la chanteuse italienne Maria Mazzota.

Dans un dispositif tri-frontal, entourée par son groupe musical, Rocío Molina se lance pour une performance de trois heures sans répit, ni sur scène, ni pour le public. Elle entre en silence au centre, depuis le fond de la scène, dans un mouvement d’une extrême lenteur, développant une danse qui se concentre sur les bras et les mains dans un silence absolu, inventant là une chorégraphie originale, une manière de réinventer le geste flamenco. Comme un moment de grande concentration avant une déflagration ! On ne peut guère parler d’improvisation quand on évoque un Impulso. Rocío Molina a déjà déterminé avant d’entrer en scène le canevas musical sur lequel elle va développer son flamenco. En recherche constante de nouveaux gestes, de poses singulières et de rythmes originaux. Son travail du haut du corps et ses torsions extrêmes accompagnent un zapateado proprement envoûtant par sa précision technique et sa musicalité.

Rocio Molina

Mais Rocío Molina ne sait pas et ne veut pas se contenter de cet art qu’elle maitrise parfaitement. La technique ne saurait chez elle se substituer au spectacle. Cette quête fébrile, elle la satisfait en faisant venir sur scène des artistes venus d’autres univers. La première Rosalba Torres partage avec Rocío Molina une curiosité insatiable pour toutes sortes de styles. Née en Suisse et passée par le CNDC d’Angers, Rosalba Torres a débuté chez Philippe Decouflé et passé près de dix ans dans la compagnie d’Anne Teresa de Keersmaeker, faisant aussi un détour chez Alain Platel. Voilà un cursus qui a tout pour plaire à Rocío Molina. Les deux femmes s’étaient déjà retrouvées lors d’un Impulso à Séville. Au Théâtre de Chaillot, Rosalba Torres se lance dans une improvisation superbe rejointe par Rocío Molina pour un duo saphique intense. François Chaignaud vient bousculer ce bel équilibre avec un personnage baroque comme il les affectionne : sur pointes et en cuissardes, revêtu d’une couverture extravagante. Cette phase, plus improvisée et plus brouillonne, apporte une respiration humoristique. L‘Impulso s’achève avec la voix bouleversante de la chanteuse italienne Maria Mazotta.

Olga Pericet

Dans la grande salle Jean Vilar, c’est Olga Pericet qui, quelques jours plus tôt, mettait le feu avec L’épine qui voulait être fleur ou la fleur qui rêvait d’être danseuse. Là aussi, il n’est pas question de se conformer à un schéma. Olga Pericet aime inventer sa propre forme et jouer avec les codes du flamenco pour les subvertir. Cela commence par un inénarrable partie de football où le ballon est remplacé par une kyrielle de chaussures qu’elle finit par emporter autour de la taille. Cette satire des attitudes machistes, qui encore aujourd’hui subsistent dans l’art flamenco, donne le La d’un spectacle dans lequel Olga Pericet se moque de tout, de tout le monde et d’elle-même.

Au fil des séquences, elle se transforme, ne renonce  pas à la robe à traine avec laquelle elle joue en la manipulant dans tous les sens. On sent affleurer son histoire, ses souvenirs, ses émotions qu’elle inclut dans un univers dont elle exclut le drame et le pathos propres au flamenco, sans jamais renoncer à ces longs moments de danse pure: ramassée, puissante, Olga Pericet est une artiste majeure, une danseuse exceptionnelle, une femme forte à l’instar de Rocío Molina.

Olga Pericet

Impulso de Rocío Molina au Théâtre de Chaillot, avec Rocío Molina, François Chaignaud, Rosalba Torres, Maria Mazzotta, et Dani de Morón (guitare), Pablo Martín Caminero (contrebasse), Eduardo Trassierra (guitare), José Ángel Carmona (chant), Bruno Galeone (piano et accordéon), Pablo Martin Jones (percussions) et José Manuel Ramos « Oruco » (palmas). Samedi 1er février 2020.

La Espina que quiso ser flor o la Flor que soño con ser bailaora d’Olga Pericet, avec Olga Pericet, Jeromo Segura et Miguel Lavi (chant), Antonio Jiménez et Pino Losada (guitare) et Jesús Fernández (palma). Jeudi 30 janvier 2020.

La 4e Biennale d’Art Flamenco continue  jusqu’au 13 février

 




 

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