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Souvenir estival – Deliranza de Patricia Guerrero

C’était l’événement de la récente édition d’Arte Flamenco à Mont-de-Marsan. La bailaora Patricia Guerrero présentait en ouverture de cette manifestation Deliranza, sa dernière pièce coproduite par le festival landais. Après les remarquées Distopia et Catedral, la lauréate du Prix national de la danse en 2021 en Espagne, a décidé de puiser son inspiration dans les affres de la création artistique. Programmé à la Biennale de flamenco de Séville, qui a lieu jusqu’au 1er octobre, ce voyage onirique porté, entre autres, par le personnage de Alice de Lewis Caroll surprend par sa beauté étrange et le souffle toujours surprenant qui traverse le flamenco de cette talentueuse interprète. Une danse qui reste respectueuse de la tradition, mais s’en affranchit aussi par une sophistication très contemporaine.

Deliranza – Patricia Guerrero

Pour cette création, Patricia Guerrero a exploré le gouffre de la page blanche. Qu’est-ce qui se passe quand une artiste se confronte à elle-même dans un processus créatif qui pousse à l’introspection ? Ainsi, toute la première partie est centrée sur elle-même repoussant toujours plus loin ses limites dans cette quête. De vestale en robe drapée couleur chair, elle se pare du rouge flamenco en le revivifiant. De solitaire, elle est rejointe par les sept autres danseur.euse.s symbolisant ses peurs, ses obsessions, ses questionnements. Une intranquillité plane sur certains tableaux sans pour autant que ce soit mortifère.

Pas facile d’essayer de mettre en scène la puissance des rêves, la force de l’inconscient, les messages qu’il nous envoie. C’est en partie l’entreprise de cette pièce baptisée Deliranza. Avec Juan Dolores Caballero, le metteur en scène, Patricia Guerrero a choisi de convoquer des images issue de lectures comme celle de Lewis Caroll ou d’univers picturaux comme celui de René Magritte. Chapeaux melon et cannes dont s’emparent les danseur.euse.s rappellent le surréalisme du peintre belge.

Le geste est précis, souvent répété à l’envi dans une énergie très brute. Alors que les pieds martèlent frénétiquement le sol, les mains se frottent l’une contre l’autre comme pour se débarrasser de quelque chose. La musique et le chant enveloppent ces déplacements frontaux ou en formation selon une disposition spatiale très précise. Patricia Guerrero se révèle une brillante chef de file de cette compagnie dont elle a su s’entourer.

Deliranza – Patricia Guerrero

La danseuse et chorégraphe impressionne par sa maîtrise, désarçonne par son outrance gestuelle aussi par moments. S’échappent d’elle une folie, un feu qui semble la consumer sans l’épuiser. Dans son travail préparatoire, elle a aussi collaboré avec une spécialiste du butô, Coco Villareal. On retrouve dans la pièce comme des jalons des fragments qui peuvent rappeler cet art japonais : le rapport à l’obscurité, une étrangeté, une façon de convoquer l’invisible.

S’il est désormais un peu passe-partout de qualifier son flamenco de contemporain, il semble plus cohérent de dire que Patricia Guerrero, avec une intelligence rare, dépouille cette danse de ses rituels pour aller explorer des terra incognita. Quitte à complexifier le propos, sans toutefois nous perdre. « C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau« , peut-on entendre au début du Soulier de satin de Paul Claudel. Des mots qui s’appliquent parfaitement à Deliranza.

Deliranza – Patricia Guerrero

 

Deliranza de Patricia Guerrero. Avec Patricia Guerrero, Martí Corbera, Maise Márquez, Gloria Del Rosario, Anna Pérez, Hugo Sánchez, Ángel S. Fariña Fernando Jiménez. Mise en scène : Juan Dolores Caballero « El Chino », Patricia Guerrero. Lundi 27 juin 2022 dans le cadre du Festival Arte Flamenco à Mont-de-Marsan (33).

À voir à Saint-Jean-de-Luz le 27 mai 2023. En tournée en 2023.

 



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