Available Light de Lucinda Childs
Le Théâtre de la Ville et le Festival d’Automne à Paris s’associent une nouvelle fois pour présenter une œuvre de jeunesse de Lucinda Childs : Available Light. Si le talent de la chorégraphe minimaliste y brille encore, la pièce parait néanmoins légèrement datée et souffre de la comparaison avec le sublime Dance, à l’affiche dans le même contexte il y a tout juste un an.
C’est la directrice du Museum of Contemporary Art de Los Angeles, séduite par Dance, qui propose à Lucinda Childs une nouvelle création basée sur un travail collaboratif. Elle choisit deux artistes alors installés sur la Côte Ouest : le compositeur John Adams et Franck Gehry (aujourd’hui considéré comme un des plus grands architectes vivants, on lui doit notamment le Musée Guggenheim de Bilbao et la Fondation Louis Vuitton). C’est ainsi qu’est créé en 1983 Available Light, dans un grand bâtiment ceint d’une fenêtre laissant entrer la lumière, qui inspire son titre.
Pour cette pièce, Lucinda Childs et Franck Gehry imaginent de casser « l’espace, mais sans réduire la place réservée à la danse« . L’architecte érige alors un décor sur deux niveaux, où les mouvements des interprètes pourront, au sol et à l’étage, se faire écho. John Adams, qui à cette époque se détache déjà du courant minimaliste, crée une musique symphonique. Lumières et costumes sont déclinés dans une palette noire, blanche et rouge. Quant à la chorégraphie, elle combine un vocabulaire assez classique (tours, arabesques, attitudes, jetés, déboulés, ports de bras…) dans des boucles répétitives. « La notion de contrepoint est centrale. » Danseurs et danseuses, ils sont onze interprètes dont trois au plus en haut, déroulent une même phrase par groupe de deux, trois, quatre ou cinq, dans des directions différentes, en canon. « Les danseurs ne se touchent jamais, mais ils sont intimement connectés dans chacun de leurs gestes. »
Cette construction mathématique des mouvements fascine et la concentration qu’elle exige de ses interprètes est colossale. Tous et toutes s’en emparent d’ailleurs brillamment, malgré un ou deux légers couacs lors de la représentation à laquelle j’ai assisté. Mais si le génie chorégraphique de Lucinda Childs y est une fois encore flagrant, Available Light ne provoque pas le même enthousiasme que Dance. La scénographie de Frank Gerhy semble avoir perdu un peu de son charme dans sa version adaptée pour tourner, la musique de John Adams est plus planante qu’euphorisante et les costumes, bien que différents de ceux de la création, sont très eighties et peu saillants.
C’est donc surtout, malgré sa qualité et le talent de ses trois créateurs, de l’ombre immense de Dance que souffre Available Light. Car quiconque a pu enfin découvrir cette pièce l’année dernière au Théâtre de la Ville en garde un souvenir ardent. L’envoutante musique de Philip Glass, l’hypnotique chorégraphie de Lucinda Childs et la géniale scénographie de Sol LeWitt en font un incontestable chef-d’œuvre. C’est ce petit miracle qu’on espère retrouver en foulant à nouveau la salle du Théâtre de la Ville, et qui malheureusement n’advient pas totalement.
Available Light de Lucinda Childs par la Lucinda Childs Dance Company, au Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Musique de John Adams. Scénographie de Franck Gehry. Lumière de Beverly Emmons et John Torres. Costumes de Kasia Walicka Maimone Son, Mark Grey. Avec Ty Boomershine, Katie Dorn, Katherine Helen Fisher, Sarah Hillmon, Anne Lewis, Sharon Milanese, Patrick Jonh O’Neill, Matt Pardo, Lonnie Poupard Jr, Caitlin Scranton et Shakirah Stewart. Dimanche 1er novembre 2015.
Les propos de Lucinda Childs ont été recueillis par Laura Cappelle.