Biennale de la Danse de Lyon – Première d’Auguri d’Olivier Dubois et exposition Corps rebelles
Il est l’heure de clore notre belle escapade à la 17ème Biennale de la Danse. Au programme de cette ultime escale lyonnaise, Auguri, dernière création tonitruante d’Olivier Dubois, et une nouvelle plongée dans l’exposition Corps rebelles au musée des Confluences.
Auguri d’Olivier Dubois
La toute nouvelle création d’Olivier Dubois a été présentée pour la première fois en France dans le superbe TNP de Villeurbanne. Après Révolution, Rouge et son fameux Tragédie, le directeur du CCN de Roubaix a souhaité ajouter un volet à sa trilogie sur l’humanité : Étude critique pour un trompe l’œil. C’est Auguri, pièce pour 22 danseurs et danseuses dont le thème n’est autre que la recherche, frénétique autant que vaine, du bonheur.
Olivier Dubois avait en 2012 secoué le Festival d’Avignon avec Tragédie, pièce qui ne cesse de tourner depuis. L’appétit d’ogre avec lequel il parlait de sa suite, alors en préparation, aiguisait la curiosité : « Auguri traitera de la quête absolue de l’Homme, le bonheur. Feux, foudres, tonnerres, ce ne seront que des élans, des courses de vitesse. » Depuis son avant-première à Hambourg, il se murmurait que c’était une réussite, l’attente était donc grande. Et en effet, Auguri est un choc, un incontestable succès.
De l’incroyable investissement des interprètes aux fines compositions chorégraphique et dramaturgique, de l’ingénieuse scénographie (imaginée elle aussi par Olivier Dubois) aux superbes lumières de Patrick Riou ou à la tonitruante symphonie électro imaginée par le fidèle François Calfenne, tout est parfaitement maîtrisé, tout est conduit avec talent, et même brio. Auguri vous harponne dès les premiers instants pour ne plus vous lâcher. L’extrême lenteur des débuts, la pénombre, les quatre cubes posés sur scène qui, selon les effets de lumière, cachent ou révèlent, happent l’attention. Les courses effrénées, vitales, incessantes, allant parfois jusqu’à la chute, hypnotisent… malgré soi.
Car l’humanité que dépeint Oliver Dubois est d’une noirceur, d’un désespoir abyssaux. Tout n’y est qu’agressivité et solitudes. Les danseurs et danseuses semblent fuir les foudres d’un tragique destin, bien plus qu’ils ne courent vers une félicité convoitée. Les moments de tendresse ou d’entraide sont presque inexistants et si ces hommes et femmes, au bout du chemin, finissent par s’élever, ce n’est que dans la mort. Le chorégraphe confiait récemment à Philippe Noisette, dans les pages des Inrocks : « Je suis de la famille des mélancoliques. J’ai cette bile noire et je dois m’en débarrasser en créant. » S’il est évident que la danse, comme toute autre discipline artistique, doit prendre sa part de la violence du monde, si la démarche d’une Maguy Marin, par exemple, qui dépeint dans Les applaudissements ne se mangent pas un monde dictatorial pour mieux le dénoncer est louable, clamer que toute quête de bonheur est vouée à l’échec, qui plus est dans une actualité aussi tourmentée que la nôtre, aide-t-il vraiment à avancer ?
Corps rebelles au musée des Confluences
Parallèlement à la Biennale, le musée des Confluences propose l’exposition Corps rebelles, qui elle se poursuivra jusqu’au 5 mars 2017, et revisite l’histoire de la danse contemporaine du XXème siècle à travers six thématiques : danse virtuose, danse vulnérable, danse d’ailleurs, danse politique, danse savante et populaire et Lyon, une terre de danses.
S’adressant aux néophytes comme à un public plus chevronné, cette passionnante exposition faite essentiellement de vidéos, propose en son cœur six superbes films en noir et blanc, où six chorégraphes et/ou interprètes exposent chacun une des thématiques. La composition en triptyques qui entoure le public, l’ingénieux système qui permet au son d’envahir son casque lorsque l’on s’approche des écrans, les corps en mouvements et les voix off de Louise Lecavalier, Raimund Hoghe, Raphaëlle Delaunay, Daniel Leveillé, Cécilia Bengolea et François Chaignaud, ou enfin Mourad Merzouki, permettent une totale immersion dans les témoignages et univers de ces artistes.
Très réussis également, quatre films documentaires illustrent quatre des thèmes en associant des images d’actualité à des extraits de pièces, prouvant ainsi à quel point la danse est connectée aux évolutions du monde qui l’entoure. Après avoir regardé diverses autres vidéos toujours en rapport avec les différentes clés de lecture proposées, dont le si poétique et émouvant The Cost of Living du DV8 Physical Theater, la visite s’achève par Le(s) Sacre(s) du printemps qui, proposant le même extrait de partition revisité par huit chorégraphes différents (d’une reconstitution de la version de Nijinski à celles de Maurice Béjart, Marie Chouinard, Angelin Preljocaj ou bien sûr Pina Bausch), permet de traiter la question de la mémoire.
Et puisqu’une exposition sur la danse ne saurait être totalement réussie sans la présence de corps en mouvements, un studio qui jouxte la salle principale permet au public d’assister à diverses répétitions d’artistes en résidence. C’est le jeune chorégraphe nigérien Qudus Onikeku, qui accompagné d’un danseur et de deux danseuses ouvrait le bal avec sa séduisante pièce We almost forgot, créée en juin à Berlin et présentée le 26 septembre à la Biennale de Lyon.
Auguri d’Olivier Dubois au TNP de Villeurbanne, avec Aimée Lagrange, Antonin Rioche, Aurélie Mouilhade, Benjamin Bertrand, Camerone Bida, Clémentine Maubon, David Le Thai, Inès Hernadez, Jacquelyn Elder, Karine Girard, Loren Palmer, Mathieu Calmelet, Mélodie Lasselin, Nicolas Sannier, Rémi Richaud, Sandra Savin, Sébastien Ledig, Sébastien Perrault, Steven Hervouet, Thierry Micouin, Virginie Garcia et Youness Aboulakoui. Jeudi 22 septembre 2016. À voir en tournée le 4 novembre au Grand Théâtre de Provence, les 6 et 7 décembre à l’Opéra de Lille et du 22 au 24 mars 2017 au Théâtre National de Chaillot.
Corps rebelles au musée des confluences, jusqu’au 5 mars 2017, commissaire d’exposition Agnès Izrine. Jeudi 22 septembre 2016.
La Biennale de la Danse de Lyon se poursuit jusqu’au 30 septembre.