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Wade in the Water – Spectacle en clair-obscur entre danse et magie

La compagnie 14:20 présente pour les Fêtes Wade in the Water au Cent Quatre. Plongeant les spectateur.rice.s dans la musique viscérale d’Ibrahim Maalouf, Wade in the Water mêle danse et magie pour dépeindre la trajectoire intime d’un homme en proie au désespoir. Si plusieurs moments sont bouleversants, l’usage répété de certains procédés techniques et esthétiques tend à lasser.

Wade in the Water

Sur scène, de grands panneaux de bois découpent les espaces d’un intérieur modeste, où deux, puis trois personnages évoluent. Marco Bataille-Testu et Ingrid Estarque interprètent un couple pris dans son quotidien le plus banal – manger en écoutant la radio, faire le lit, se coucher… Mais certains détails mettent d’emblée mal à l’aise dans l’attitude de « l’homme » : une attitude un peu trop raide, des gestes un peu trop mécaniques. L’impression est celle décrite par Freud dans son essai sur l’inquiétante étrangeté : tout semble normal, et pourtant quelque chose dysfonctionne, sans que l’on puisse à première vue bien l’identifier – peut-être se trompe-t-on ?

Mais à mesure que les scènes se répètent, l’inquiétude devient plus palpable, jusqu’à ce qu’entre en scène Aragorn Boulanger. Qui est-il ? Le père de « l’homme » ? Subtilement, par glissements imperceptibles, sont alors peintes par touches suggestives, toujours énigmatiques, la maladie, la dépression, la guérison – ou son apparence. Les gestes très minimaux soudainement rencontrent danse et magie. Sans que l’on y ait pris garde, les corps entrent en apesanteur.

Dans une deuxième partie, le spectacle s’assombrit encore, en même temps qu’il convoque, autour d’un événement tragique, des émotions obscures et bouleversantes – désespoir, culpabilité… Par des extraits filmés de discours de Martin Luther King et Malcolm X, le désespoir intime est peut-être relié à une culpabilité de nature politique : comment continuer à vivre quand d’autres meurent, victimes de politiques criminelles ? Si parfois l’espoir renaît, c’est dans la lutte qui se chante dans les gospels, dans la tendresse amoureuse, familiale, et dans la joie d’une danse.

Wade in the Water

Clément Debailleul et Raphaël Navarro, concepteurs du spectacle, sont aussi fondateurs du courant dit « de la magie nouvelle« . Pour produire l’effet si surprenant d’apesanteur qui gouverne l’esthétique de Wade in the Water, la magie nouvelle joue notamment sur la lumière. Mais l’interruption trop systématique par des noirs lasse un peu, rompant le rythme du spectacle . Aux saluts, de nombreux.ses technicien.ne.s sont là, donnant la mesure des trucages nécessaires pour que le mouvement paraisse être de la danse, sans aucun fil, aucune machinerie. Si Wade in the Water abuse de cette esthétique, et si on peut regretter la trop rare présence d’Ingrid Estarque, sublime quand elle danse, la pièce bouleverse dans ses moments les plus intenses. Le finale notamment est magnifique. Il laisse résonner les effets d’un spectacle qui importe d’autant plus qu’il fait terriblement écho aux violences sociales et politiques d’aujourd’hui.

 

Wade in the Water de Clément Debailleul, Raphaël Navarro, Aragorn Boulanger et Valentique Losseau  par la Cie 14:20  au Cent Quatre, programmation du Théâtre de Chaillot hors les murs. Avec Marco Bataille-Testu, Aragorn Boulanger et Ingrid Estarque. Mardi 13 décembre 2016. À voir jusqu’au 24 décembre

 

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