Mourad Merzouki – Correria Agwa et 20 ans de Käfig
Il n’y a pas si longtemps, Mourad Merzouki faisait partie de ces danseurs hip hop sur le parvis de l’Opéra de Lyon. Puis il y a eu des projets, la Biennale de la Danse, des créations. Et aujourd’hui, sa compagnie Käfig fête fièrement ses 20 ans d’existence, se mélangeant désormais avec le CCN de Créteil que Mourad Merzouki, devenant l’un des plus prolifiques des chorégraphes français. Il fallait bien un spectacle pour marquer cet anniversaire et cette réussite. D’un côté Correria Agwa, reprise de deux pièces créées avec des danseurs brésiliens. De l’autre Cartes Blanches, donné à six collaborateurs de longue date de Mourad Merzouki. Et rien de plus logique de donner ces deux spectacles à la Maison de la Danse de Lyon, là où tout a commencé. Soirée joyeuse et festive, même si mâle à 100 % ce qui ne représente plus vraiment le hip hop aujourd’hui.
Les belles pièces viennent souvent de rencontres. Agwa et Correria, montées respectivement en 2008 et 2010, sont de celles-là, fruit d’un coup de foudre entre Mourad Merzouki et des danseurs de Rio de Janeiro à la Biennale de la Danse de Lyon en 2006. Lui apporte sa construction des choses, son sens de la scène et du sens. Eux amènent leur formidable énergie, leur virtuosité et leur aisance naturelle à faire le show, mélangeant sans complexe hip hop, capoeira ou samba. Correria est ainsi comme une course trépidante, où rien ne s’arrête, où les corps sont en perpétuel mouvement, semblant aller toujours plus vite et plus loin. Mais pas d’angoisse dans cette course effrénée. Au contraire, elle est portée par l’énergie de la jeunesse, une certaine attitude à la cool bien à l’aise qui vit cette course avec humour et un soupçon de détachement. Les battles sont pris avec la même légèreté, chacun se mettant en avant tout en préservant l’énergie du groupe.
Agwa est une pièce plus centrée, moins purement démonstrative mais portant une belle dose de poésie. L’eau, comme son nom l’indique, est au centre de la pièce. Sur scène, des dizaines de verres sont disposés sur le plateau. Il s’agit d’en prendre soin, de ne pas les renverser, même si l’on peut s’amuser avec cette contrainte. L’eau est aussi symbole de renouveau, d’un élan créatif. Le fil conducteur se perd un peu, et les danseurs ne savent parfois pas vraiment quoi faire des verres d’eau, comme si ces objets devenaient une gêne à leur danse. Puis l’élan reprend : ça slalome entre les gobelets, ça s’amuse avec l’eau et ça finit dans un final tourbillonnant et séduisant.
Place ensuite au studio Jorge Donn pour Cartes Blanches. Yann Abidi, Rémi Autechaud, Kader Belmoktar, Brahim Bouchelaghem, Rachid Hamchaoui et Hafid Sour ont à un moment croisé la route de Käfig et de Mourad Merzouki. Cela a pu être sur Pixel – la dernière création à succès – ou sur une des toutes premières pièces. Ils se sont en tout cas inspirés l’un l’autre. Sur scène, tapis et canapé évoque un salon où il fait bon se poser. Chacun danse, la mémoire des corps se souvenant de ces temps de travail et de recherche. Cela joue parfois sur l’humour (tiens, un canapé à bras), sur la pure virtuosité, sur l’émotion contenue aussi. Histoires de danse et d’amitié, d’artistes qui ont fait un bout de chemin ensemble sur scène, et un bout de chemin qui a marqué la carrière de chacun. Mourad Merzouki n’aurait-il cependant jamais croisé de danseuse inspirante ? Ce plateau 100 % masculin ne dresse pas vraiment le portrait du hip hop d’aujourd’hui, plus mixte et (presque) débarrassé des codes de genre. Rendez-vous dans 10 ans !
Soirée Mourad Merzouki à la Maison de la Danse. Correria Agwa de Mourad Merzouki avec Diego Alves Dos Santos dit Dieguinho, Leonardo Alves Moreira dit Leo, Cleiton Luiz Caetano De Oliveira, Aguinaldo De Oliveira Lopes dit Anjo, Helio Robson Dos Anjos Cavalcanti, Geovane Fidelis Da Conceição, Diego Gonçalves Do Nascimento Leitão dit White, Wanderlino Martins Neves dit Sorriso, Jose Amilton Rodrigues Junior dit Ze et Alexsandro Soares Campanha Da Silva dit Pitt ; Cartes Blanches de Mourad Merzouki, avec Yann Abidi, Rémi Autechaud, Kader Belmoktar, Brahim Bouchelaghem, Rachid Hamchaoui et Hafid Sour. Lundi 12 décembre 2016.