Une autre Passion de Pontus Lidberg – Ballet du Grand Théâtre de Genève
Après un programme autour du Jeroen Verbruggen, le Ballet du Grand Théâtre de Genève propose la création Une autre Passion d’un autre jeune chorégraphe, Pontus Lidberg. Lui et la troupe se sont déjà rencontrés il y a quelques années autour de Giselle. Place cette fois-ci à un ballet plus abstrait, inspiré par la Passion selon saint Matthieu de Bach, où la danse se mêle à la vidéo, Pontus Lidberg s’intéressant aussi bien à la réalisation qu’à la chorégraphie. Le chorégraphe ne boude pas les merveilleux interprètes de la compagnie et sait les mettre en avant. Mais sa danse, bien qu’agréable et bien menée – ses pas de deux sont notamment pleins de poésie – n’arrive pas à surmonter la musique de Bach, qui écrase tout de son génie.
Inutile de chercher parmi la vingtaine d’artistes en scène qui est qui, Une autre Passion ne se veut pas narrative. « Je savais que je ne voulais pas refaire l’histoire de la Passion« , explique Pontus Lidberg. Mais plutôt d’aller chercher ce qu’il y a d’universel dans cette oeuvre monumentale. « Cette Passion parle de la souffrance, de la vie et la mort des êtres humains, pas du Christ spécifiquement« . Sur scène, les artistes en blanc sont en lutte. Contre des murs, contre eux-mêmes, contre leurs souffrances intérieures. La scénographie est efficace, mais la danse en soi a du mal à refléter ce combat personnel. Il y manque du tranchant, du percutant, une ligne directrice plus claire. Peut-être aussi une peur moins grande de la musique. Il est facile de se faire dominer par Bach, d’autant plus par cette Passion selon saint Matthieu. Il faut la prendre à bras-le-corps, ne pas avoir peur de s’y confronter. Le chorégraphe semble comme n’avoir pas eu oser y toucher, s’y servant avec justesse et intelligence mais sans pouvoir la dépasser. Ce qui signifie, quand on est face à Bach, de se laisser écraser.
Pontus Lidberg laisse toutefois parler son sens du phrasé – et aussi d’une certaine efficacité. Les ensembles réservent de beaux moments, portés par une danse néo-classique qui fonctionne. C’est toutefois dans les pas de deux que le chorégraphe s’exprime avec le plus de justesse. Sans révolutionner le genre, il sait proposer aux interprètes une matière et un liant qui donnent de jolis moments de poésie. « Je ne suis pas forcément dans la grande virtuosité« , explique le chorégraphe lorsqu’il faut parler de sa danse. « Mon but est qu’il y est une connexion avec le public, un message qui passe. Que le corps et l’expression soient sur la même ligne« . Pour les pas de deux, les (toujours formidables) danseurs et danseuses du Ballet du Grand Théâtre de Genève ont eux aussi la place de prendre leur liberté d’interprètes, donnant de beaux contrepoints aux mouvements d’ensemble.
Comme dit plus haut, Pontus Lidberg aime mélanger la danse et l’image. C’est d’ailleurs par un de ses films de danse que Philippe Cohen, le directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, l’a remarqué il y a 8 ans. « Son travail était au-delà de la danse filmée. Il y avait un propos, une dramaturgie« . Pour Une autre Passion, le chorégraphe a réalisé un film d’une quinzaine de minutes, dont quelques extraits ont été insérés au ballet. Au milieu de mannequins désarticulés, un corps humain se fraye son chemin. « J’imaginais un corps n’appartenant à aucune époque ou religion, un corps donc forcément nu« , raconte Pontus Lidberg. Ce corps est d’ailleurs le sien. Sur scène, les images sont comme un temps de pause au milieu du cheminement des interprètes. Personne ne danse d’ailleurs sur le plateau dans ces moments de projection, les artistes deviennent aussi spectateur.rice.s, comme un moment de repos et de réflexion avant de reprendre leur route. Une ambiance à part, mais qui curieusement n’aide pas forcément la ligne directrice du ballet à trouver son chemin. Les quelques extraits donnent néanmoins l’envie de découvrir le Pontus Lidberg réalisateur un peu plus en profondeur. Son prochain projet est d’ailleurs un nouveau film de danse, où il y mêlera pour la première fois des dialogues. Avec au casting, une certaine Aurélie Dupont.
Une autre Passion de Pontus Lidberg par le Ballet du Grand Théâtre de Genève au Théâtre des Nations. Mardi 28 février 2017.
Beaujard
Le ballet est magnifique et s’accorde avec la musique
Existe-t-il un DVD de ce ballet?