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Double Vision – Carolyn Carlson et Electronic Shadow au Théâtre de Chaillot

Troisième spectacle de Carolyn Carlson présenté au Théâtre National de Chaillot cette année (après Seeds, Density 21.5 – Dialogue with Rothko, et avant Pneuma), Double vision est né de la rencontre entre la danseuse-chorégraphe et le duo Electronic Shadow, formé par l’architecte Naziha Mestaoui et le réalisateur multimédia Aït Kaci. Danse et scénographie sont mises sur un pied d’égalité – comme chez Alwin Nikolaïs, chez qui Carolyn Carlson s’est formée. VisuellementDouble Vision est un spectacle impressionnant, fidèle à l’univers de la chorégraphe. Mais qui n’évite pas quelques clichés.

Double vision de Carolyn Carlson

Double vision de Carolyn Carlson

Mêler danse et art digital n’est pas nouveau et a souvent quelque chose de séduisant. Mourad Merzouki a utilisé un tel procédé dans Pixel, ou encore Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault dans M. et Mme Rêve. Dans Double Vision, le rideau s’ouvre sur Carolyn Carlson allongée sur un dispositif pneumatique, grand carré blanc gonflé de bulles d’air… qui se révèle être la robe de la danseuse. Sur cette robe-écran presque aussi grande que le plateau, lui-même reflété par une mosaïque de miroirs, se succèdent pendant toute la première partie du spectacle les images d’une nature affranchie de la présence humaine. La scène devient cratères volcaniques, flots écumants, désert aride ou fourmilière grouillante.

Les cheveux étrangement fixés en une mèche qui s’élance de côté, Carolyn Carlson se meut lentement au sein de ces éléments, les contemplant jusqu’à s’y fondre. Au bord de l’eau, elle a des allures de sirène, et l’image est saisissante. La gestuelle si reconnaissable de la chorégraphe est déjà présente, mais cette première partie est plutôt dédiée à la contemplation d’une nature belle et sauvage. L’art digital trouve ici sa raison d’être, même s’il écrase un peu la danse et perd parfois de sa poésie : difficile de ne pas penser à ces documentaires en imagerie numérique sur les volcans, le monde animal… L’évocation cosmologique qui parvient à émerger de certaines images s’évapore alors.

La deuxième partie du spectacle est beaucoup plus décevante. Jusha Marsalo prend le relais de Carolyn Carlson, pour danser dans un environnement cette fois urbain. Comme une ombre (tout de noir vêtu, tête comprise), il marche, danse et se déhanche en rythme devant de grands panneaux de toile sur lesquels sont projetées des images de gratte-ciels, de rues bondées de circulation… De temps à autre apparaissent des phrases sibyllines qui résonnent comme des clichés : « Path to Nowhere« , « This is not what it seems to be« . Très énigmatique, ce tableau se voudrait sans doute aussi burlesque, avec une chorégraphie qui emprunte beaucoup au mime, et qui parodie même des génériques de James Bond. Mais le propos est très obscur : s’agit-il de critiquer la vie urbaine (mais de manière alors beaucoup trop naïve) ? De lui rendre hommage (mais très implicitement) ? Répétitif et peu lisible, ce tableau rompt le rythme du spectacle.

Double vision de Carolyn Carlson

Double vision de Carolyn Carlson

Le dernier tableau séduit davantage, et constitue peut-être le véritable cœur de la pièce. Dans les noirs, blancs et rouges, la scénographie gagne en sobriété. Carolyn Carlson est à nouveau en scène, vêtue d’élégants manteaux de style asiatique qui évoquent le dernier tableau de Signes. Elle danse maintenant tout à fait, de sa danse si particulière, saccadée et intime, et trace les signes calligraphiques qui ont inspiré beaucoup de ses œuvres. Mais aussi, elle écrit de son corps trois phrases qui éclairent (au risque de trop l’expliciter) le sens du spectacle : « The World that I see« , « The World that I make« , « The World that I imagine« .

Dans ce tableau, la danse et l’art digital dialoguent enfin sans s’écraser. Mais le sens global du spectacle peine à émerger, ce qui ne serait pas gênant si tant d’éléments ne suggéraient pas que la pièce cherche à porter un propos ambitieux (écologiste ? bouddhiste ?) sur le rapport de l’homme à son environnement. Le dernier tableau donne cependant envie de revoir l’une des plus grandes œuvres de Carolyn Carlson, beaucoup plus harmonieuse et subtile : Signes.

 

Double Vision de Carolyn Carlson et Electronic Shadow au Théâtre de Chaillot. Avec Carolyn Carlson et Jusha Marsalo. Jeudi 11 février 2016.

 

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