TOP

Le Pacific Northwest Ballet étincelle à New York dans un triptyque contemporain

Fondé en 1972, le Pacific Northwest Ballet (dont le siège est à Seattle dans l’état de Washington au nord-ouest des États-Unis) est une des plus jeunes compagnies classiques américaines. Elle est aussi l’une des meilleures grâce à Peter Boal qui la dirige depuis depuis 2005. Cet ancien Danseur Étoile du New York City Ballet, brillant interprète de George Balanchine et de Jerome Robbins, a non seulement consolidé le répertoire de la compagnie mais aussi élargit sa palette avec des œuvres de chorégraphes contemporains. C’est cette facette qui était proposée dans une soirée baptisée Innovateurs contemporains en tous points enthousiasmante avec trois créateurs d’aujourd’hui : le britannique David Dawson (A Million Kisses to my Skin), la canadienne Crystal Pite (Emergence) et le plus universellement connu des trois, William Forsythe (The Vertiginous Thrill of Exactitude).

Emergence-Crystal Pite

Emergence – Crystal Pite

William Forsythe fait clairement figure de pivot et de mentor dans cette soirée puisque aussi bien David Dawson que Crystal Pite ont dansé au Frankfurt Ballet que dirigeait le chorégraphe américain. C’est dire que l’influence du maitre est visible et constitue comme un fil rouge de la soirée.

A Million Kisses to My Skin de David Dawson, qui inaugure ce parcours, est d’ailleurs une œuvre pour dix danseurs et danseuses toute en citations de William Forsythe : hyper-extensions à foison, asymétries, tours en déséquilibres et déhanchements, c’est un vocabulaire qui reprend celui créé par le chorégraphe américain. Sur le concerto pour piano N°1 en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, c’est une pièce résolument joyeuse : « J’ai voulu évoquer l’extase que les danseurs et les danseuses ressentent parfois dans leur travail » explique David Dawson dans sa note d’intention. L’effet est réussi. Dansée à vive allure, cette pièce fait appel en permanence à la virtuosité de ses interprètes qui n’en manquent pas. Cette entrée en matière permet de découvrir une troupe très acérée techniquement et dotée de belles qualités athlétiques qui conviennent à ce répertoire.

Lesley Rausch et Batkhurel Bold-A Million Kisses To My Skin-David Dawson

Lesley Rausch et Batkhurel Bold – A Million Kisses To My Skin de David Dawson

Reste que cette pièce créée en juin 2000 pour le Het Nationale Ballet, et entrée au répertoire du Northwest Pacific Ballet en mars 2012, pour agréable qu’elle soit, ressemble par trop à un copier/coller de William Forsythe. Une impression de fait parfaitement illustrée après l’entracte par The Vertiginous Thrill of Exactitude, une oeuvre désormais classique de William Forsythe et qui se veut un catalogue de la technique du ballet en hommage à Marius Petipa et George Balanchine.

Créée pour trois danseuses et deux danseurs, la pièce explore toutes les combinaisons possibles : ensemble, pas de deux, pas de trois, solos au rythme allègre du mouvement final de la 9ème Symphonie de Franz Schubert. Il manquait encore précisément ce vertigineux frisson de l’exactitude dans la version du Northwest Pacific Ballet : tout était en place mais avec un petit temps de retard. Rien en tout cas qui ne gâche le plaisir d’une oeuvre qui reste l’une des très grandes réussites de William Forsythe et comme un manifeste de son style.

Leta Biasucci et ELisabeth Murphy-The Vertiginous Thrill of Exactitute- Willima Forsythe.

Leta Biasucci et ELisabeth Murphy – The Vertiginous Thrill of Exactitute de William Forsythe.

Crystal Pite a dansé l’iconique In The Middle, Somewhat Elevated en 1990 alors qu’elle faisait partie de la troupe du Frankfurt Ballet. C’est dire à quel point elle est familière du langage du maître. Mais elle a su aussi s’en affranchir comme le prouve Emergence, oeuvre magistrale commandée par le Ballet National du Canada en 2009 et entrée au répertoire du Pacific Northwest Ballet en 2013.

Sur une partition originale du compositeur canadien Owen Belton, c’est une pièce de 30 minutes pour 40 danseur.se.s. « Mon point de départ fut la structure d’une compagnie de ballet et sa hiérarchie et la question de savoir s’il y avait un parallèle avec la nature. Et j’ai tout d’abord considéré les abeilles et la ruche comme un modèle possible« , explique Crystal Pite.

Emergence-Crystal Pite.

Emergence – Crystal Pite.

Ces propos peuvent laisser craindre une oeuvre par trop cérébrale mais il n’en est rien. Bien au contraire, Emergence est tout en sensualité. Cela débute presque dans l’ombre quand une danseuse allongée ne bouge que ses bras de manière inarticulée avant d’être portée par un danseur qui la manipule telle une marionnette. Une sorte de faux pas de deux avant l’entrée des danseurs, torses nus et tatoués dans le dos, ressemblant  presque à des guerriers. Puis c’est au tour des danseuses d’apparaître sur pointes avec un tremblement perpétuel du haut du corps tel un groupe d’amazones. Toute l’oeuvre se déroule dans cette succession de confrontations pacifiques entre les hommes et les femmes comme une perpétuelle tentative de constituer un groupe qui finalement parviendra à se former sur scène pour une dernière image.

C’est en permanence haletant,  d’une beauté à couper le souffle, magnifiquement servi par les costumes de Linda Chow et le décor de Jay Gower Taylor. À l’instar de la danse de William Forsythe, cela va à toute allure et la compagnie relève sans anicroche tous les défis techniques. On sent le plaisir d’interpréter cette oeuvre à la fois complexe et limpideCrystal Pite créera – enfin – la saison prochaine sa première oeuvre pour le Ballet de l’Opéra de Paris : il faut s’en réjouir !

Emergence-Crystal Pite

Emergence – Crystal Pite

 

Soirée Innovateurs contemporains du  Pacific Northwest Ballet au City Center Theater New York. A Million Kisses to My Skin de David Dawson avec Lesley Rausch, Elle Macy, Bathkurel Bold, Miles Pertl, Jerome Tisserand, Sarah Ricard Orza et Emma Love Suddarth ; The Vertiginous Thrill of Exactitude de William Forsythe avec Angelica Generosa, Margaret Mullin, Elisabeth Murphy, Benjamin Griffiths et Jonathan Porretta ; Emergence de Crystal Pite interprétée par la compagnie. Vendredi 26 Février 2016. 

 

Poster un commentaire