Soirée Constellations – Ballet de l’Opéra du Rhin
Sous l’impulsion d’Ivan Cavallari, le Ballet de l’Opéra du Rhin a retrouvé une certaine tonalité néo-classique (ligne que devrait d’ailleurs continuer le nouveau directeur de la troupe Bruno Bouché), avec des chorégraphes pas forcément connus en France. Son dernier programme pour la troupe alsacienne, intitulé Constellations, illustre bien ce parti pris, avec trois pièces allant du néo-classique sur pointes au contemporain classique si l’on peut dire, où la gestuelle ancrée au sol ne renie pas certaines lignes. Au final, il n’y a pas de franche surprise ou de vraies révélations dans ce programme, mais trois pièces plutôt bien construites et efficaces, mettant en valeur les personnalités de la troupe. Et un ton grand public assumé, salué d’ailleurs par une salle spécialement chaleureuse.
Douglas Lee, qui ouvre la soirée, est le plus expérimenté des chorégraphes du programme, avec des pièces pour le New York City Ballet ou le Ballet de Stuttgart. Sa pièce Ophelia Madness and Death, créée pour le Ballet du Rhin en 2015, le montre d’ailleurs, avec une chorégraphie comme une dramaturgie maîtrisée, des personnages bien dessinés et une ambiance à soi. Le chorégraphe s’est penché sur le personnage d’Ophélie dans Hamlet, évoquant son cheminement du symbole de l’innocence à la folie. Les moyens utilisés sont connus mais restent efficaces : deux musiques bien différentes pour signifier la perte de repères (Henry Purcell d’un côté pour le rappel Shakeaspearien, la musique bruitée de David Lang de l’autre), trois interprètes se partageant différentes facettes du rôle et quelques allusions aux personnages qui rythment et influe sur la vie d’Ophélie. Ces dernières portent le ballet de bout en bout par une théâtralité juste. Mais le ballet n’est pas simple à décrypter. Il y a le sentiment que le chorégraphe a voulu instaurer une sorte de narration, mais les actions restent floues, et les intentions avec. Reste une belle danse fluide et musicale, notamment pour les interprètes du rôle d’Ophélie.
Changement d’ambiance avec Le Vaste Enclos des songes de Sébastien Perrault, qui va chercher dans l’abstraction pure et la danse contemporaine ancrée au sol. Il y a là encore de la maîtrise pour ce chorégraphe qui signe ses propres pièces depuis 15 ans. Ici, il s’attelle d’ailleurs également à la musique et la scénographie, soucieux d’une pièce à la forte unité. « Le Vaste Enclos des songes est une intrusion dans les méandres labyrinthiques de ce cryptogramme de l’inconscient où le réel perd parfois sens« , explique Sébastien Perrault dans sa note d’intention. Propos somme toute assez classique dans le monde de la danse contemporaine. Sur scène, danseurs et danseuses se croisent, se percutent, s’interpellent dans une danse percutante qui va droit au but. L’ensemble est plutôt efficace, peut-être un peu trop. Le propos comme la chorégraphie fonctionnent, mais le tout semble avancer presque trop bien. Il manque des surprises et des étonnements dans cette pièce qui se déroule un peu trop facilement.
La création Dans le ciel noir d’Ed Wubbe part encore dans une autre direction. Sur des musiques de Vivaldi, le chorégraphe s’amuse de sa fascination pour le baroque, dans son faste comme dans sa folie et ses contradictions. De fait, sa pièce mise plus sur une théâtralité que sur une recherche chorégraphique. Et malgré la légèreté affichée de la création, l’ambiance gentiment survoltée fatigue assez vite – voir devient rapidement pénible. Il faut dire qu’entre les personnages outranciers, les robes savamment déstructurées ou les perruques baroque’n’roll, l’esthétique semble nous plonger tout droit dans un clip de Mozart, l’Opéra rock (vous-même vous savez). Mais Ed Wubbe, qui a déjà une cinquantaine de pièces à son actif, sait comment embarquer ses interprètes, qui s’amusent comme des petits fous sur scène… Au point de finir par séduire. Est-ce le cliché assumé, la certaine légèreté frivole bien mise en musique ou l’investissement des danseurs et danseuses ? Dans le ciel noir finit par faire son petit effet, et même par faire rire. Pari engagé assez lourdement, mais finalement gagné par quelques pirouettes.
Constellations par le Ballet de l’Opéra du Rhin à la Sinne de Mulhouse. Ophelia Madness and Death de Douglas Lee, Le Vaste Enclos des songes de Sébastien Perrault et Dans le ciel noir Ed Wubbe. Mercredi 31 mai 2017. À voir du 21 au 25 juin à l’Opéra de Strasbourg.