Le Temps d’aimer 2017 – Un final haut en couleur avec le Ballet de Lorraine
Décidément, il était dit que le dernier week-end de la 27e édition du Temps d’aimer la danse serait marqué par les caprices météorologiques. Seule rescapée des manifestations de plein air, toutes annulées les unes après les autres, l’incontournable Gigabarre. Quelques courageuses sont venues – certaines en doudoune ! – se prêter à l’exercice sous la houlette d’Elsa Raymond, danseuse du ballet de Lorraine. Une barre sur des rythmes brésiliens qui a le mérite de réchauffer un peu les participantes. Quand Yuri Buenaventura entonne sa reprise de Ne me quitte pas de Jacques Brel, chacune tire sa révérence au sens propre comme au sens figuré. Toutes aux abris !
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Pour cette dernière journée, selon une recette qui a fait ses preuves au Temps d’aimer, le programme mixe jeune compagnie et troupe confirmée. Au Colisée, Lasala, compagnie basque de danse contemporaine, débute la soirée avec Now, une pièce pour cinq danseur.se.s et trois figurant.e.s. Déjà invitée du festival en 2014, la chorégraphe Judith Argomaniz y avait présenté Hooked, un duo de rue. S’y lisait déjà son souci d’une danse incarnée avec une gestuelle guerrière.
La pièce commence sur les chapeaux de roues par un mouvement d’ensemble aux accents très marqués. Comme un écho à l’exhortation de vivre pleinement le moment présent qui sourd du titre Now. La vitalité des interprètes happe. Chaque fois, qu’ils se retrouvent, ils déploient une danse puissante et précise, jusqu’au bout des doigts, comme une langue des signes mystérieuse et captivante. Des duos plus intimistes, longs pour certains, cassent un peu cette belle dynamique. Deux personnages aux cheveux blancs et un enfant interviennent parfois. Des gardiens ou des sentinelles du temps qui passe ? Certaines évocations sont réussies comme ce face-à-face apaisé entre cet homme âgé et son reflet jeune. D’autres, plus opaques, comme la présente de cette baignoire en fond de scène. Je garde la réflexion sur le temps qui passe, entre frénésie et acceptation.
Si le temps passe sur les œuvres chorégraphiques, il n’en altère pas la saveur de certaines. Preuve en est avec les deux pièces de la chorégraphe américaine Twyla Tharp interprétées par le Ballet de Lorraine à qui il revient de clore les festivités du Temps d’aimer. Si The fugue, pièce pour trois danseur.se.s – ici trois femmes comme à la création en 1970 avec Twyla Tharp elle-même – se veut inspirée par L’Offrande musicale de Jean-Sébastien Bach, point de notes qui accompagnent la chorégraphie. Soit vingt micro-variations comme autant de combinaisons différentes qui composent un même ensemble d’une grande cohérence. Il appartient à chacune des trois interprètes de créer une partition à l’aide du son de leurs pas sur une scène amplifiée. Le résultat est une petite pépite de quatorze minutes bien plus sophistiquée que l’apparente simplicité qui en émane.
In the Upper room, la pièce qui suit, est un feu d’artifice chorégraphique à l’énergie inextinguible. Point d’argument dans ce chassé-croisé qui mêle phrasé moderne et vocabulaire classique. Les chaussons de pointes côtoient les baskets avec une décontraction qui n’est qu’apparente. Le maître-mot semble être « Amusez-vous !« , même si la chorégraphie exige une virtuosité qui ne souffre pas l’à peu-près. Si l’on perçoit un léger vacillement ou déséquilibre, le Ballet de Lorraine se tire avec beaucoup d’abattage des chausse-trappes qui jalonnent cette pièce. Il faut en avoir sous le chausson – ou la basket – pour s’approprier cette pièce, surtout en reprise de saison !
Rachid Ouramdane avait ouvert le bal du festival sur la plage du Port-Vieux avec sa pièce Tenir le temps. Le Temps d’aimer se referme sur Murmuration, la pièce qu’il a créée pour le Ballet de Lorraine en juin 2017. Semblables à une nuée d’oiseaux (en anglais « murmuration ») telle que l’on peut en voir parfois au crépuscule, les danseurs et danseuses se déploient sur la scène comme un ensemble incroyablement coordonné. Cette symphonie chorégraphique se joue en apparence sans chef d’orchestre. Chacun.e se jette dans le flot continu sans en perturber le courant. On ne sait ce qui les guide les uns vers les autres, ce qui les décide à saisir tel ou telle partenaire puis à la relâcher. Impossible d’en suivre un en particulier des yeux, entrainée par cette sarabande hypnotique. Il y a incontestablement un fil rouge invisible qui relie les deux pièces. Cette manière d’occuper l’espace scénique dans une anarchie très maîtrisée. Cette manière de chorégraphier pour un groupe d’individus comme si chacun était le satellite de soi-même et de l’autre.
Le Temps d’Aimer la Danse à Biarritz. Now de Judith Argomaniz par la compagnie Lasala, avec Urko Arakistain, Angela Arrieta, Carla Diego, Garazi Etxaburu, Sergio Moya, Huoplines, Jaiotz Osa, Jean-Baptiste Tolosana, Rafke Van ; The Fugue et In the Upper room de Twyla Tharp, Mumuration de Rachid Ouramdane par le CCN/Ballet de Lorraine. Dimanche 17 septembre 2017.