West Side Story étouffe sur la Seine Musicale
West Side Story est de retour… dans l’ouest parisien, justement. Jean-Luc Choplin, qui a pris la direction de La Seine Musicale sur l’Ile Seguin à Boulogne-Billancourt, inaugure sa première saison avec ce qui lui tient particulièrement à cœur : la comédie musicale. Grâce à sa politique artistique déterminée au Théâtre du Châtelet, ce genre a enfin trouvé droit de cité à Paris. Et quoi de mieux pour apposer sa signature que de reprendre ce qui est sans aucun doute le chef-d’œuvre du genre ? 60 ans après sa création, West Side Story est décidément toujours aussi vivant… Mais reste bien mal servie par ce nouveau théâtre.
Les dieux s’étaient, il faut bien le dire penchés, dès le berceau de la création de West Side Story. La musique tout d’abord, composée par Leonard Bernstein qui dirigeait alors le New York Philharmonic. Puis Arthur Laurents au livret et Stephen Sondheim aux paroles, les stars du musical américain. Enfin la danse avec Jerome Robbins, chorégraphe et directeur artistique adjoint du New York City Balle à l’époque. Jamais on n’a pu reconstituer une affiche aussi luxueuse, affiche qui eut en point d’orgue le film de Robert Wise en 1961, qui rafla 10 oscars, assura le succès mondial de l’œuvre et installa définitivement West Side Story au répertoire des comédies musicales.
60 ans après sa création, West Side Story n’a pas pris une ride. Le thème revisité par les librettistes des amants de Vérone transposé dans le New York des années 1950 dans une guerre de gangs entre petits blancs (les Jets) et portoricains (les Sharks) fait toujours écho à l’histoire et à l’actualité du moment. C’est dire le plaisir que l’on a à chaque fois de revoir West Side Story, que ce soient aficionados ne manquant aucune reprise, ou nouveau public, plus jeune, mais qui a quelque part en tête l’un des tubes dont est parsemée la partition.
Hélas ! Cette reprise de la production montrée au Châtelet s’étouffe sur la Seine Musicale. La salle, immense, n’est pas en adéquation avec la scène qui paraît toute rétrécie. Entourée d’un cadre de rideau dont on ne comprend pas le sens et qui jure avec les décors, le tout est très loin de capter l’émotion que devraient susciter les amours contrariées de Tony et Maria. Les grands escaliers de fer immortalisés sur l’affiche depuis 1957, et qui représentent ces fameux escaliers de secours des immeubles new-yorkais, sont écrasés et n’évoquent que de très loin l’immensité de New York.
Les chanteur.se.s ne parviennent pas vraiment à sauver l’entreprise. Le ténor Kevin Hack qui assure toutes les dates, était quelque peu à la peine pour projeter ses aigus dans le rôle de Tony. Natalie Ballenger dans celui de Maria est plus à l’aise mais jamais le feu qui doit dévorer le couple ne passe la rampe. Seule Keely Beirne dans le rôle d’Anita parvient à enflammer la salle.
Évidemment, la danse est toujours superbe. Joey McKneely, à la tête de cette production pour la chorégraphie, a lui-même dansé West Side Story à Broadway sous la direction de Jerome Robbins. Il a depuis remonté plusieurs productions de la comédie musicale et il est aujourd’hui celui qui peut redonner la sève nouvelle. Les chorégraphies de Jerome Robbins sont magnifiquement réglées, cela reste clairement un moment fort de la représentation. Musicalement, Donald Chan mène l’orchestre avec précision mais la sonorisation et l’acoustique ne sont pas optimales.
Reste donc la question de savoir quels spectacles conviendront à la Seine Musicale. La danse n’y sera jamais confortable et la comédie musicale pas davantage. Jean-Luc Choplin va devoir redoubler d’idées pour faire que ce nouveau lieu puisse trouver sa place dans le parc des théâtres parisiens.
West Side Story de Leonard Bernstein (musique), Stephen Sondheim (paroles), Arthur Laurents (livret) et Jerome Robbins (chorégraphie, réglée par Joey McKneely) à la Seine musicale. Avec Kevin Hack (Tony), Nathalie Ballenger (Maria), Keely Beirne (Anita), Waldemar Quinones-Villanueva (Bernardo) et Lance Hayes (Riff). Direction musicale: Donald Chan. Samedi 14 octobre 2017 à 15 h. À voir jusqu’au 12 novembre.