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Le Casse-Noisette décoiffant de Kader Belarbi – Ballet du Capitole

Le Ballet du Capitole présente en cette période de fêtes de fin d’année la nouvelle création très attendue de Kader Belarbi. Le directeur de la compagnie a décidé cette fois encore de se défier à une œuvre majeure du répertoire, à savoir Casse-Noisette, troisième et dernier ballet composé par Piotr Ilitch Tchaïkovski pour Marius Petipa et créé en 1892 au théâtre Mariinsky. Voilà pour le Ballet du Capitole une production ambitieuse, débarrassée de son sapin de Noël tout en gardant intact l’esprit féérique de Casse-Noisette

Casse-Noisette de Kader Belarbi

Si Casse-Noisette est le ballet classique le plus représenté dans le monde, c’est en raison de l’engouement des compagnies et du public anglo-saxons. Chaque troupe aux États Unis et en Grande-Bretagne affiche en effet chaque fin d’année ce ballet gavé de sucreries, de friandises et de chocolats au risque de voir les balletomanes plonger dans un coma diabétique. La France a toujours été plus réservée – un peu trop ! – sur l’œuvre ultime de Marius Petipa qui en a écrit le livret s’inspirant d’Hoffman et d’Alexandre Dumas. Le maître marseillais de Saint-Pétersbourg, souffrant, laissa son assistant Lev Ivanov régler l’essentiel de la chorégraphie.

À moins que ce fût une maladie diplomatique, l’histoire ne le dit pas. Mais le directeur du théâtre Mariinsky et Tchaïkovski lui-même ne furent guère enthousiasmés par la construction du livret. À l’évidence, Casse-Noisette est un ballet mal articulé avec une action concentrée dans le premier acte où l’on danse très peu, et un second acte qui est un long divertissement truffé de danses de caractère s’achevant par le fameux Grand Pas.

Casse-Noisette de Kader Belarbi – Acte 1, la Bataille

Mais ce défaut de conception est aussi la chance de cette œuvre. Son péché originel a donné libre cours à la relecture de nombreux chorégraphes. Car à y regarder de plus près, Casse-Noisette regorge de thèmes et de détails passionnants sur l’enfance, son bonheur et ses drames, le rêve et les cauchemars qui nous ont tous habités à cet âge de la vie et l’imagination qui nous a fait inventé des mondes merveilleux parallèles. C’est ce que propose Kader Belarbi qui a imaginé ce spectacle « comme un grande barbe à papa colorée pour les enfants« . Dans cette entreprise un peu folle, il s’est entouré d’Antoine Fontaine pour les décors et Philippe Guillotel pour les costumes.

Et ce trio artistique décoiffe ! Dès le lever du rideau, avec le décor d’un pensionnat dont le directeur est Drosselmeyer et où les enfants vivent sous la férule sadique d’une surveillante générale. Kader Belarbi a quelque peu réécrit l’histoire, la débarrassant de son imagerie de Noël et de ses sapins géants qui souvent encombrent les productions. Dans ce Casse-Noisette, tous les enfants ne sont pas égaux : certains quittent le pensionnat avec leurs parents et les autres, orphelins se consolent avec les cadeaux offerts par Drosselmeyer, dont l’indispensable Casse-Noisette pour l’héroïne Marie. Comme dans la version originale, les jouets vont ensuite s’animer et vivre leur vie. Les enfants eux-mêmes vont se transformer en jouets animés pour passer de l’autre côté.

Casse-Noisette de Kader Belarbi – Acte 1, Natalia de Froberville (Marie) et Ramiro Gomez Samon (Casse-Noisette)

N’en disons pas plus pour préserver le plaisir de la découverte de cet univers singulier qui affiche des moyens spectaculaires mais jamais outranciers. Des costumes insensés d’étoffe et de couleurs, des boites à jeux géantes qui envahissent le plateau, des araignées qui font office de rats dans la version de Kader Belarbi. C’est tout autant un plaisir des yeux, ceux des petits ou des grands enfants que nous sommes toutes et tous. Et si l’histoire est quelque peu transformée, l’esprit de Casse-Noisette est intact. Kader Belarbi bouscule nos repères habituels mais il ne les supprime pas. Il y a bien dans ce Casse-Noisette des soldats de plombs, une Danse des Flocons dansée en fourrures et chapkas, les danses espagnole, arabe, chinoise, russe et italienne et le Grand Pas final.

Sur scène, la distribution de la première fut grand luxe. Honneur au couple vedette qui pour ainsi dire ne quitte jamais la scène, tout particulièrement Natalia de Froberville dans le rôle de Marie qui prend la tête du club des cinq jouets ! Son partenaire, Ramiro Gomez Samon endosse le double rôle de Casse-Noisette et du Prince. Ces deux-là ont l’habitude de danser ensemble et démontrent qu’ils sont d’excellents artistes et de remarquables techniciens. Leur interprétation du Grand Pas est quasiment sans failles malgré l’investissement physique qu’exige cette production.

Casse-Noisette de Kader Belarbi – Acte 2 – Natalia de Froberville (Marie- et Ramiro Gomez Samon (Casse-Noisette)

Alexandra Surodeeva est remarquable dans le double rôle de la Haute Surveillante du pensionnat et de la Reine des Arachnides. Son jeu de scène est drôle sans être caricatural. Elle est aussi au deuxième acte la Reine de Flocons. C’est la règle au Ballet du Capitole, qui ne compte que 38 danseur.se.s, d’endosser des rôles multiples lors d’une même représentation. Rouslan Savdenov joue pour sa part un Drosselmeyer drôle et tendre qui danse avec le souci du détail pour ce rôle central dans Casse-Noisette.

Il y avait évidemment un peu de nervosité pour ce soir de première. Casse-Noisette est la production la plus ambitieuse créée par Kader Belarbi depuis son arrivée à la tête du Ballet du Capitole. Il faut encore ici ou là ajuster les ensembles. Ce Casse-Noisette avec ses décors multiples aurait également été plus à l’aise dans sur une scène plus vaste. Tous les mouvements des danseur.se.s doivent être millimétrés et on sent qu’ils sont un peu à l’étroit. Mais c’est toujours une joie d’assister à un spectacle dans ce merveilleux Théâtre du Capitole. La présence de l’Orchestre maison dans la fosse n’y est pas pour rien : Koen Kessels, directeur musical du Royal Ballet, livre une version veloutée du chef-d’œuvre de Tchaïkovski. 

Casse-Noisette de Kader Belarbi – Acte 2 – Natalia de Froberville (Marie- et Ramiro Gomez Samon (Casse-Noisette)

Il faut souhaiter que ce Casse-Noisette voyage, à l’instar de Marie et de ses jouets enchantés. Voilà un spectacle joyeux, tendre et tout public, une parfaite initiation pour le jeune public où les adultes y trouvent aussi leur compte. Kader Belarbi poursuit donc cette belle aventure au Capitole. Il réussit cette fois encore à porter haut l’art fragile du ballet classique, montrant que ce vocabulaire est toujours bien vivant.

 

Casse-Noisette de Kader Belarbi par le Ballet du Capitole, au Théâtre du Capitole. Avec Natalia de Froberville (Marie), Ramiro Gomez Samon (Casse-Noisette), Alexandra Surodeeva (La Haute Surveillante, La Reine des Arachnides, La Reine des Flocons) et Rouslan Savdenov (Drosselmeyer). Jeudi 21 décembre 2017. À voir jusqu’au 31 décembre.

 

Commentaires (2)

  • Dupont Jeanne

    Irrégulier, parfois grotesque, quel spectacle décevant ! J’ai vu le ballet hier après-midi au Capitole et suis revenue chez moi peinée et en colère : 60 euros pour voir des araignées, de stupides grenouilles… Quel gâchis ! Kader Belarbi n’a pas revisité le ballet, il l’a tué quasiment en intégrant des éléments hors sujet ( les faux bras, le danseur spoutnik…) et en mettant en avant des mouvements qui s’apparentent plus à la gymnastique qu’à la danse classique. Heureusement quelques passages de la deuxième partie ont permis de voir quelques moments chorégraphiques assez aboutis mais sans réelle audace.

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    • Amélie Bertrand

      @ Jeanne : Merci de votre retour et vive les avis divergents !

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