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Chaplin de Mario Schröder – Ballet du Rhin

Arrivé à la tête du Ballet du Rhin il y a quelques mois, Bruno Bouché montre dès sa première saison un intérêt pour un genre peu présent en France : le ballet néo-classique narratif d’aujourd’hui. Après un programme mixte dédié à Jirí Kylián, William Forsythe et Uwe Scholz, la compagnie propose donc une entrée au répertoire avec Chaplin de Mario Schröder, ballet créé en 2010 pour le Ballet de Leipzig, que dirige le chorégraphe. L’oeuvre n’évite pas certains clichés, et repose bien plus sur ses interprètes que sur un style chorégraphe bien défini. Mais le ballet reste d’une belle efficacité, avec notamment un séduisant travail autour du personnage de Charlot. Il réussit la pirouette d’évoquer la vie de ce génie du cinéma dans ses multiples facettes avec beaucoup d’idées, jouant des références tout en offrant une galerie de personnages bien servis par la troupe alsacienne. 

Chaplin de Mario Schröder – Ballet du Rhin

Choisir Charlie Chaplin comme sujet de ballet est à la fois chose facile et difficile. Facile car la vie du cinéaste est romanesque, truffée d’embûches et de succès, un livret idéal pour un beau ballet narratif. Difficile car le personnage de Charlot est si connu et déjà si utilisé qu’il peut vite tomber dans la caricature. Et que les films de ce génie peuvent presque sembler intouchables. Mario Schröder réussit dans ce qui semble le plus difficile, et inversement. Les premières scènes de Chaplin semblent ainsi longuettes. Les débuts difficiles du cinéaste n’évitent pas quelques lourdeurs et effets très appuyés, chorégraphiquement et musicalement. On peut d’ailleurs parfois reprocher une certaine facilité musicale dans les choix du chorégraphe (il n’y a aucune pétition en cours interdisant pour les dix prochaines années l’utilisation de l’Adagio pour cordes de Samuel Barber ?).

Mais dès que le personnage de Charlot apparaît, le ballet s’anime. Le chorégraphe en fait un véritable alter ego du cinéaste en scène, le faisant tour à tour spectateur amusé, bonne conscience à la Jiminy Cricket, regard critique sur les choix de Charlie Chaplin. C’est entre le cinéaste et son double un tendre duo créateurs qui se met en place, bousculant les idées et les genres, inventant des personnages qui prennent vie sur grand écran, ou s’interrogeant sur le monde du parlant qui pointe le bout de son nez (avec une scène assez savoureuse autour d’un micro géant). Sous le chapeau melon, la canne et les chaussures en-dehors, Céline Nunigé a tout compris de la finesse du personnage. La danseuse a chopé les tics et postures de Charlot de façon troublante, mais elle n’en fait jamais une caricature ou une simple copie. Elle insuffle aussi de la vie à ce personnage de fiction, une douce ironie, une naïveté aussi, quelque chose de très personnel dans le regard qui donne à cette ombre si connue quelque chose de neuf. Le ballet prend une autre tournure, Marin Delavaud, jeune soliste qui incarne Chaplin aussi. Si au début du spectacle il semble timide par rapport à sa responsabilité de meneur, il s’épanouit dans le dialogue avec son alter-go. 

Chaplin de Mario Schröder – Ballet du Rhin

C’est ainsi à deux que Chaplin suit le cours de sa vie. Les amours du cinéaste deviennent des sortes de ménage à trois entre le réalisateur, son double et sa compagne, le deuxième parfois jaloux de la troisième et inversement. Cela donne de drôles de pas de trois, où la canne vient parfois comme un quatrième personnage. C’est aussi à deux que Chaplin et Charlot inventent les nombreux personnages des films de Chaplin, dont la présence ponctue le ballet. Mario Schröder aime multiplier les clins d’oeil, souvent avec originalité. Le chorégraphe est rempli d’idées pour le jeu de la citation réinventée, quand il en manque pour les parties plus concrètement narratives, souvent des ensembles qui apparaissent ainsi parfois un peu fades. De fait, il apparaît de fait plus à l’aise pour dessiner un personnage. Comme ce Dictateur, rôle court mais percutant (et drôle !) dansé par Thomas Hinterberger.

Tout comme le début, la fin de Chaplin se traîne un peu en longueur et effets un peu trop appuyés. Le résultat est là cependant, avec 1h30 de danse sans entracte bien menée, hommage au cinéaste sans en perdre sa propre inventivité de créateur pour le chorégraphe. Et offrant au Ballet du Rhin une multitudes de rôles à la fois bien dessinés mais restant assez libres pour laisser une ouverture d »interprétation. Un pari réussi pour une troupe aux décidément multiples facettes. 

Chaplin de Mario Schröder – Ballet du Rhin

 

Chaplin de Mario Schröder par le Ballet du Rhin à l’Opéra de Strasbourg. Avec Marin Delavaud (Chaplin), Céline Nunigé (Charlot), Wendy Tadrous (Mutter), Jean-Philippe Rivière (Vater), Ana-Karina Enriquez Gonzalez (Mildred Harris), Monica Barbotte (Paulette Godard), Oona O’Neill (Dongting Xing) et Diktator (Thomas Hinterberger). Jeudi 11 janvier 2018. À voir du 2 au 4 février à la Filature de Mulhouse

 

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