[June Events] Parallèles – Raphaël Cottin et Jean Guizerix
Créée début juin au festival Tours d’Horizons, Parallèles était à l’affiche du festival June Events organisé par l’Atelier de Paris/ CDCN. Cette pièce réunit sur scène le danseur et chorégraphe Raphaël Cottin et le Danseur Étoile Jean Guizerix. Deux interprètes liés par une relation quasi filiale sur lesquels plane la douce présence-absence de Wilfride Piollet, disparue en 2015. Élève de ces deux grandes personnalités de la danse au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris dans les années 1990, Raphaël Cottin nourrissait depuis longtemps le désir de danser avec Jean Guizerix. Un duo envisagé comme « un simple moment de partage poétique où se rencontrent en même temps nos deux singularités et nos intuitions en mouvements, mon vocabulaire chorégraphique et celui, pédagogique et inspirant, de Wilfride Piollet. »
Dans une pénombre silencieuse, deux hommes bougent. Leurs mouvements sont à peine perceptibles. Peu à peu, on les découvre. Ils entament un dialogue complice. Ils se déplacent ensemble, sans que l’on sache bien qui des deux donnent la direction à l’autre. Parfois, ils cheminent de concert, parfois l’un prend des chemins de traverse. Par moment, à tour de rôle, les deux hommes prennent la parole. Raphaël Cottin égrène une sorte d’inventaire à la Prévert qui semble nous parler d’eux, de leur relation, de cette amitié que le temps a renforcé. Jean Guizerix, lui, évoque des souvenirs, ses collaborations avec Merce Cunningham et Jerome Robbins, ce solo Oiseau Triste, créé en 1972 au Théâtre des Champs-Élysées et transmis trente ans plus tard au jeune danseur. Wilfride Piollet est là, bien sûr, inspiratrice dont on a plaisir à retrouver la voix, troisième « interprète » de cette pièce qui évoque les formidables pédagogues qu’ils ont été avec Jean Guizerix. Le titre Parallèles faisant référence, à Parallèle, ouvrage publié en 1986, posant les fondations de leur méthode d’enseignement.
Avec des balles, ils s’amusent à créer un cercle et reconstituent l’espace circulaire, telle une piste de cirque où la pédagogie des Barres flexibles inventée par Wilfride Piollet peut se déployer. Rompus à cette pratique, tous deux semblent pourtant la découvrir, explorer avec étonnement et curiosité ces instants de suspension du mouvement. Une grande humilité se dégage de chacun d’eux, de cette danse toute en retenue qui puise à la source du mouvement, à la source de la connaissance de soi et de sa propre créativité.
Au-delà de ce cheminement parallèle, cette pièce est traversée aussi par la question du temps qui passe. Jusqu’à quel âge peut-on danser ? Quelle richesse prend le corps en vieillissant ? Est-on habité par le même désir et la même force créatrice à 39 ans comme à 72 ans ? Certes, les équilibres tiennent moins bien, les sauts sont plus difficiles à négocier, la dextérité fait parfois défaut (Jean Guizerix s’en amuse sur scène avec beaucoup de distance), mais la présence est là, intacte. Une autre virtuosité irrigue chaque mouvement. Les années de pratique permettent sans aucun doute une meilleure connaissance de ses propres limites, de sa propre vulnérabilité. On le savait. Le voir s’incarner sous nos yeux n’est en que plus précieux.
Parallèles de Raphaël Cottin et Jean Guizerix à Atelier de Paris/ CDCN dans le cadre de June Events. Jeudi 14 juin 2018. Le festival June Events continuent jusqu’au 22 juin.