Israel Galvan fait son cirque avec les Romanès
Privée de sa salle phare toujours en travaux, le Théâtre de la Ville n’en a pas moins ouvert sa saison en fanfare avec deux de ses artistes associés. Akram Khan d’abord pour un événement sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris avec 700 amateurs. Puis Israel Galván, qui a ouvert le bal à son tour du côté de la Porte Maillot, chez les Romanès. Le Cirque tzigane a réuni pour une collaboration et un spectacle à plusieurs mains la star du Flamenco et toute la tribu des Romanès, le père fondateur Alexandre, son épouse Delia, leurs enfants de la balle, sans oublier les chats (une demi-douzaine de chats viendront s’immiscer sur la piste), le tout accompagnés par le guitariste Caracafé. Gatomaquia o Israel Galvan bailando para cuatro gatos est le titre de sa dernière création. Une parenthèse dans la carrière du danseur, qui n’est pas son spectacle le plus abouti mais n’en reste pas moins une fête chaleureuse.
Le Théâtre de la Ville avait proposé à Israel Galván de reprendre son solo de 2007 qui le fit surgir tel un météore sur la scène du flamenco. Mais le danseur n’est pas de ces artistes qui aiment réchauffer les plats, même les plus savoureux. Sa productrice Carole Fierz avait repéré il y a quelques années ce cirque pas comme les autres, authentiquement tzigane. Israel Galván avait en tête ce projet, quitte disait-il à « danser pour quatre chats » (l’équivalent en espagnol de l’expression française « Il n’y a pas un chat »). Voila pour l’explication du titre et la genèse ce projet à part dans sa carrière. Plutôt que de danser une nouvelle fois ce solo in extenso se sont entremêlés au fil des répétitions des chants et des numéros de cirque. Israel Galván et son guitariste ont d’ailleurs rapidement quitté leur hôtel parisien pour s’installer dans une des caravanes qui jouxtent le chapiteau. Ainsi est né Gatomaquia, un spectacle qui permet de voir Israel Galván comme on ne l’a jamais vu. Le Cirque Romanès offre en effet une proximité inédite. Comme dans tous les cirques, le public entourent la piste sans frontière. Il n’y a pas de coulisses et s’installe très vite un dialogue entre les artistes et le public.
Premier tour de piste est pour Israel Galván, accueilli sous les applaudissements, juché sur de drôles de sabots comme des échasses miniatures. D’emblée il impose un magnétisme irrésistible, avec ce corps acéré, affuté à l’extrême que l’on découvre au plus près et sous tous les angles (c’est l’avantage du chapiteau). Puis vient l’instant ludique avec une chaise à bascule à qui Israel Galván en fait voir de toutes les couleurs. Première pause et le danseur s’installe parmi le public alors que le maitre des lieux Alexandre Romanès fait son entrée et joue les Monsieur Loyal. Et à l’occasion le dresseur de chats : allongé sur la piste, il les fait venir dans un bel ensemble grâce à un peu de nourriture.
Ainsi est construit Gatomaquia, comme une série de numéros… de cirque: Delia Romanès qui entonne un chant tzigane, Rose-Reine qui danse à la manière d’un derviche tourneur, Irina au Hola-hoop et Alexandra au tissus aériens et au trapèze. Durant ces intermèdes, Israel Galván reprend sou souffle pour venir danser son flamenco. On retrouve son génie intact, ce corps dont chaque once est maitrisé à l’extrême, cette musicalité hyperbolique qui lui permet de faire ce qu’il veut avec ses pieds. Pour varier les plaisirs et les sons, il change de chaussures et varient les matériaux sur lesquels il frappe.
Certes, Guatomaquia n’est pas le spectacle le plus abouti d’Israel Galván. C’est comme une parenthèse, une virgule dans son récit artistique. Sans la fermeture de la salle principale du Théâtre de la Ville, il est fort probable qu’il n’aurait jamais existé. Mais il ne faut pas bouder son plaisir. C’est un moment de fête chaleureux et une rencontre formidable entre les Romanès et Israel Galván qui fait vivre dans ce lieu magique et improbable aux porte de Paris sa part de sang tzigane et son « duende andalou« . Et la fête se prolonge avec bonheur autour d’un verre de bière et des fameux choux farcis maison. Une soirée qui est un régal, à tous points de vue !
Guatomaquia o Israel Galvan Bailando para Cuatro Gatos au Cirque Romanès, de et avec Israel Galván, la famille Romanès (Delia, Alexandre, Alexandra, Rose-Reine, Irina) et Caracafé (guitare). Mercredi 12 septembre 2018. À voir jusqu’au 22 septembre.