Brilliant Corners d’Emanuel Gat
Brilliant Corners d’Emanuel Gat, par la Emanuel Gat Dance, au Théâtre de la Ville. Avec Hervé Chaussard, Amala Dianor, Andrea Hackl, Michael Löhr, Pansun Kim, Philippe Mesia, Geneviève Osborne, François Przybylski et Rindra Rasoaveloson. Mardi 2 avril 2013.
Il y a un poncif dans la danse contemporaine : faire courir en rond sur scène ses interprètes et justifier ce choix par une explication intellectualisante dans le programme. Brilliant Corners d’Emanuel Gat laisse penser qu’il démarre de la même façon. Sauf que, erreur, dans cette pièce, tout a un sens.
Un « organisme chorégraphique« , voilà comment le chorégraphe israélien définit sa pièce, et l’on ne pourrait trouver de meilleure expression. Sur scène, les dix danseurs et danseuses forment un tout, une masse vivante en constante évolution. Ils sont comme les cellules d’un être : des particules indépendantes mais soudées, se mouvant seules mais toujours reliées au groupe. Ce dernier se meut dans l’espace, s’écarte, se transforme, sans jamais se dissoudre. C’est un jeu constant avec le rapport à l’espace et au temps, une sorte de toile qui se construit et se déconstruit indéfiniment, au grès d’un solo, d’un mouvement de course, de l’occupation du plateau. C’est aussi l’efficacité des contraires qui s’attirent.
Brilliant Corners n’est pas une pièce facile d’accès, car elle est dans l’abstraction pure. Mais sa brillante construction, qui ne laisse rien au hasard malgré la sensation de liberté des interprètes, laisse l’esprit se laisser séduire. Il faut ainsi s’amuser à saisir ces formes dessinées dans l’espace et à voir les rencontres de gestes, sans que l’on ne tombe jamais dans un rapport de force violent. Et malgré une chorégraphie finalement assez austère, Brilliant Corners réussit tout de même à ne pas devenir une pièce froide, ne plaisant que par son intéressante étude. Y-a-til de l’émotion ? Oui, indéniablement. Quelque chose qui tient du mélange – qui fonctionne à tous les coups d’ailleurs – de la force et de la légèreté, donné par les interprètes. Certains ont l’air de se plaire dans cette organisme chorégraphique, d’autres essayent peut-être de gagner une liberté. Mais tous, au final, sont convaincus de l’importance d’être dans ce groupe, et de son individuelle importance pour le faire vivre. On en sort en tout cas curieusement apaisé.
Brilliant Corners d’Emanuel Gat, jusqu’au 6 avril au Théâtre de la Ville.