Cités danse connexions #2 [Suresnes cités danse]
Le festival Suresnes cités danse réserve toujours deux programmes à de jeunes chorégraphes et interprètes hip hop, les Cités danse connexions. La deuxième série montrait un travail plus contemporain que véritablement hip hop, portée par la virtuosité spécialement en exergue des interprètes.
Etre soi, avancer, se libérer pourraient être les maîtres-mots de ces Cités danse connexions #2. La première pièce, P = mg de Jann Gallois, repose sur ce qui taraude tous les danseur-se-s : comment échapper à la gravité. L’interprète est clouée au sol, attirée inexorablement par la terre. Son seul but durant ce solo très physique est de s’en libérer. Le travail sur le poids du corps et sur le centre de gravité est fascinant. Chaque geste qui s’élève ne fait que retomber, que ce soit un saut, un mouvement de pied ou de tête. Mais petit à petit, le corps arrive à se libérer, à se décrocher, par les efforts physiques intenses et la volonté de pousser son corps toujours plus loin. Métaphore du travail de la danse ? Pas forcément. Contrairement à Érection de Pierre Rigal qui reposait sur la même idée, le travail est une souffrance dans P = mg, un long chemin. L’attrait du sol une torture dont il faut se libérer avec beaucoup de sueurs, mais il n’y a pas forcément de plaisir dans le mouvement. La pièce n’en reste pas moins forte et prenante, par l’engagement total de son interprète-chorégraphe.
Féroz Sahoulamide va chercher dans quelque chose de plus concret avec J’ai mal (?) : la blessure du danseur. Comment gérer les incidents ? Comment vivre avec la menace de la blessure ? Comment s’en remettre ? La pièce comporte quelques moments assez drôles quand le danseur s’amuse avec ses nombreux médicaments et tourne en dérision sa boîte à pharmacie bien trop remplie. Le geste est par contre plus confus, ne sachant pas vraiment où aller et brouillant un peu trop les pistes pour saisir le propos du chorégraphe.
C’est finalement le travail d’Amala Dianor, en tant que danseur ou chorégraphe, qui domine cette soirée. Dans Parallèle, il endosse sa deuxième casquette et laisse la scène à quatre interprètes. Comment le corps construit le rapport aux autres et à soi ? Comment se placer dans un groupe tout en arrivant à s’exprimer ? La danse est complexe, subtile et virtuose. Le geste est dans une veine contemporaine avec de nombreuses références au hip hop, dans la déstructuration du geste et la dissociation des membres. Les quatre danseuses remportent le pari, sachant à la fois faire naître une énergie collective tout en débordant de personnalité. Quatre femmes, qui ne correspondent pas forcément aux canons de la beauté de la danse, sans fard, qui n’en sont pas moins sublimes en scène et libérées. Un accent féministe pas déplaisant.
Cités danse connexions #2 se termine par une autre pièce d’Amala Dianor, Extension, où il danse en duo avec BBoy Junior. Place tout simplement à la joie de la danse et à la virtuosité explosive, dans un enthousiasmant jeu de questions-réponses entre les deux interprètes. La danse tire cette fois-ci beaucoup plus vers le hip hop pur, avec de nombreuses figures de break. Un feu d’artifice qui clôt cette soirée d’une très séduisante façon.
Cités danse connexions #2 au festival Suresnes cités danse, au Théâtre de Suresnes Jean Vilar . P = mg de et avec Jann Gallois ; Parallèle d’Amala Dianor, avec Marion Alzieu, Aude Arago, Johanna Faye et Fanny Rouyé ; J’ai mal (?) de et avec Féroz Sahoulamide ; Extension de et avec Amala Dianor et BBoy Junior. Lundi 27 janvier 2014.