Decadance Paris – Batsheva Dance Company
Après Naharin’s Virus, c’est Decadance Paris que la Batsheva Dance Company propose de venir applaudir pour son cinquantième anniversaire au Théâtre National de Chaillot, jusqu’au 28 décembre.
Créée en 2000, à Tel-Aviv, pour fêter les dix ans d’Ohad Naharin à la tête de la compagnie, ce spectacle, qui regroupait à l’origine dix extraits emblématiques des pièces du célèbre chorégraphe, n’a cessé d’évoluer, rencontrant un vif succès à chacune de ses représentations. Le public lui fit d’ailleurs un triomphe la saison dernière dans ce même Théâtre de Chaillot. Mais c’est une toute nouvelle version, rebaptisée Decadance Paris pour l’occasion, que les amoureux de danse contemporaine peuvent découvrir en cette fin d’année.
Ce spectacle, compilant quelques meilleurs moments d’un large répertoire chorégraphique, est passionnant. En seulement une heure vingt, la pièce permet ainsi de se faire une juste idée de l’œuvre du talentueux Ohad Naharin et de ses influences. Ce style d’exercice, toujours plaisant puisque le zapping interdit l’ennui, s’avère souvent peu riche en émotions. Il est en effet difficile de créer un univers et d’inviter le public à s’en imprégner, de le toucher dans le peu de temps que dure une séquence. Mais la Batsheva Dance Company évite ce piège et réussit brillamment à émouvoir dans Decadance Paris.
Dès le lever du rideau, les danseurs et danseuses, tous vêtus des mêmes costumes et chapeaux noirs évoquant des religieux hassidiques, happent le regard de leur danse violente et répétitive, envoutante. Assis sur des chaises, en demi-cercle, leurs corps se tendent successivement dans des spasmes d’une rare énergie, formant une vague, une respiration qui laisse à chaque passage le dernier d’entre eux à terre.
Dans les séquences suivantes, la danse se fait plus lente, plus intime, d’un vocabulaire à l’élégance presque académique, précis, usant d’en-dehors, d’arabesques et de ports de bras. Ce qui, bien que plastiquement et techniquement très réussi laisse un peu plus froid.
Mais reviennent alors les costumes noirs, balayant la musique classique et se déchainant sur une version électro endiablée d’Over the rainbow. Avant de jouer, avec la complicité du public, une sorte de Kontakthof, version amateurs et Batsheva, tellement réussi qu’il est sûrement le plus beau moment de la pièce.
Dans Decadance Paris, Ohad Naharin présente aussi un Boléro raffiné, des pas de deux sensuels. La pièce fait voyager d’une heureuse villégiature à l’angoisse, de la violence à la gaité, grâce à des danseur-se-s d’une qualité remarquable. Comme dans Naharin’s virus, beaucoup de thèmes, intimes ou sociétaux, sont intelligemment et délicatement abordés.
S’asseoir dans le noir d’une salle de spectacle un 25 décembre après-midi, au sortir de deux repas de Noël et d’une nuit forcément trop courte est une expérience singulière qui invite plus volontiers à la torpeur qu’à une concentration enthousiaste. Il fallait tout le talent d’Ohad Naharin et de sa troupe pour en faire, finalement, une expérience délicieusement euphorisante !
Decadance Paris d’Ohad Naharin, par de la Batsheva Dance Company, au Théâtre National de Chaillot. Lumières d’Avi Yona Bueno (Bambi). Costumes de Rakefet Levy. Extraits des créations d’Ohad Naharin : Sadeh21 (2011), Zachacha (1998), Bolero (1983), Mabul (1992), Three (2005), Naharin’s Virus (2001) et Zina (1995). Avec William Barry, Mario Bermudez Gil, Omri Drumlevich, Bret Easterling, Iyar Elezra, Rani Lebzelter, Eri Nakamura, Rachael Osborne, Shamel Pitts, Oscar Ramos, Nitzan Ressler, Ian Robinson, Or Meir Schraiber, Maayan Sheinfeld, Bobbi Smith, Zina (Natalya) Zinchenko, Adi Zlatin. Jeudi 26 décembre 2014.
Decadance Paris est en tournée en France et à l’étranger durant le premier trimestre de l’année 2015.