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Le Détachement féminin rouge par le Ballet National de Chine

« Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Voilà la réflexion que s’est au moins posé trois fois le public découvrant Le Détachement féminin rouge, dansé par le Ballet National de Chine. La première fois en voyant les ouvreurs déguisés en soldats de l’armée populaire ; la deuxième en apercevant l’immense statut de Mao dans le foyer du Théâtre du Châtelet (pour un cocktail réservé au gratin de la salle, paradoxe quand tu nous tiens) ; la troisième en découvrant le premier tableau du ballet.

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Ce « truc », justement, c’est Le Détachement féminin rouge, ballet dans la plus pure tradition de propagande inventé lors de la Révolution culturelle. À l’époque, Mao déclare que seules huit oeuvres ont le droit d’être jouées, dont deux ballets. Le Détachement féminin rouge est l’un d’entre eux, copié-collé d’un film éponyme qui a envahi les écrans chinois dans les années 1960.

Les références n’y vont donc pas avec le dos de la cuillère, doublées d’une évocation féministe surprenante qui ne ferait pas de mal en passant aux ballets occidentaux (j’ai toujours rêvé que Giselle, au lieu de mourir d’amour, prenne les armes et aille se venger elle-même, ça aurait quand même plus de gueule). Wu Qionghua est une jeune femme retenue prisonnière de Nan Batian, seigneur local qui emprisonne tous ceux qui ne payent pas leurs impôts. Elle parvient à se libérer mais se fait rattraper par son tyran qui la bat et la laisse pour morte. L’héroïne est récupérée par Hong Changqing, le commissaire de l’Armée rouge du coin qui l’encourage à s’engager. Eh oui, dans l’île où se passe l’histoire, il y a une armée de femmes, qui ne plaisante pas avec le maniement du fusil et les marches militaires. Après moult combats, l’Armée parvient à l’emporter avec l’aide des paysans, portée par la victorieuse Wu Qionghua. Le tout avec drapeaux flottants, faucilles, marteaux et tous les symboles qu’il faut.

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Un ballet idéologique donc, mais dont pourtant on s’amuse à repérer toutes les influences du ballet occidental (ou russe du moins, ce qui est pardonnable). Des scènes dignes de Flammes de Paris à une héroïne aussi pure que Nikiya, Le Détachement féminin rouge respecte à la lettre les 10 trucs et astuces pour écrire le ballet parfait, danses de caractère, pas de deux et 32 fouettés inclus. La chorégraphie est du pur académisme, pas vraiment original et varié (une arabesque, un piqué, une pirouette et le tour est joué) mais efficace. La musique, pompeuse aux accents asiatiques, est peut-être la parfaite représentation de ce que peut être une symphonie chinoise pour une oreille occidentale. Le ballet de propagande n’en est pas à une absurdité près.

Et pourtant, au milieu de toutes ces bizarreries et de ces drapeaux rouges, on se prend tout de même à suivre l’histoire. Toutes les scènes sont ultra-calibrées, histoire que les interprètes ne prennent pas de liberté avec l’interprétation. Mais le ton sonne juste chez tous les danseurs et danseuses. Zhang Jian est une héroïne charismatique et Zhou Zhaohui un danseur brillant. Les danses du corps de ballet se laissent même regarder avec un certain plaisir. Car toute la troupe est visiblement à l’aise dans ce répertoire, bien plus peut-être que dans Le Lac des Cygnes vu précédemment. Leurs parents doivent connaître par coeur ce Détachement féminin rouge, c’est aussi une part importante de leur culture, aussi bizarre que le tout sonne à nos yeux. Il serait intéressant d’avoir le regard des danseurs et danseuses d’aujourd’hui sur ce répertoire, et l’intérêt qu’ils ont à le danser. La dictature et la propagande sont encore leur quotidien.

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Le Détachement féminin rouge de Wang Xixian, par le Ballet National de Chine, au Théâtre du Châtelet. Avec Zhang Jian (Wu Qionghua), Zhou Zhaohui (Hong Changqing), Li Jie (Le Commandant), Wang Qi (Xiao’e), Wang Hao (Xiao Pang), Zhu Yan (Camarade en armes), Jiang Wei (Lao Si), Li Ke (Nan Batian) et Xu Yan (Chef de danse des filles de la communauté Yi). Mardi 1er octobre 2013.

Commentaires (2)

  • Sissi

    Je me suis en effet posé cette question ! surtout en voyant les ouvreurs et le buste de Mao. Le Châtelet y est allé à fond, éclairage en rouge etc… Il n’est pas difficile de comprendre le ballet, le méchant a un maquillage qui lui donne un air très méchant et il a toujours son fouet, dans l’armée rouge tout le monde a le sourire, est gentil, aide etc… Ce ballet est intéressant à découvrir pour le côté historique et les danseurs y sont très à l’aise.

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  • Joelle

    Nous étions hier soir et avons bien aimé. C’était, comment dire, du dogmatisme rafraichissant !
    🙂
    Excellente Prima Ballerina et bons ensembles !
    Je n’aime pas être « dans la droite ligne du Parti », mais c’était un bon spectacle bien divertissant pour des yeux occidentaux.

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