Flammes de Paris : épisode 1
Vendredi 6 mai. Flammes de Paris de Ratmansky par le Ballet du Théâtre du Bolchoï, au Palais Garnier. Natalia Ossipova (Jeanne), Ivan Vassiliev (Philippe), Viacheslav Lopatin (Jérôme), Nina Kaptsova (Adeline).
Whaouu…. Voilà le terme qui pourrait résumer au plus près l’impression générale laissée par cette découverte du BolchoÏ et du couple Nouvelle Star Ossipova/Vassiliev. Un grand vent d’enthousiasme qui emporte tout, une tornade survoltée, un homme-volant (ou alors ses chaussons sont sur ressorts, je n’ai pas encore résolu ce mystère). Quelque chose qui vous emporte sans que vous ne pouviez y laisser une once de résistance, et qui vous laisse un peu sonné-e sur le parvis de Garnier. Quelque chose que je n’avais en tout cas encore jamais vu.
Ce ne fut pas pourtant, et de loin, une soirée d’anthologie. Le principal fautif : le ballet en lui-même, sans aucun intérêt. L’histoire est creuse et mal construite. La chorégraphie est lisse, sans surprise, et sans grand inventivité niveau mise en scène. Décidément, je ne suis pas fan de Ratmansky, et j’ai du mal à saisir l’engouement qu’il provoque auprès de toutes les compagnies. Seule qualité de l’oeuvre, savoir parfaitement mettre en valeur cette compagnie, et surtout ses deux solistes. Argument non des moindres au vu du nom de ces derniers.
Flammes de Paris, c’est donc sur la Révolution française. Les drapeaux bleu-blanc-rouge flottent sur fond de Marseillaise, face à des aristos tous très très méchants. Ne surtout pas y aller en espérant y voir une fresque historique, pas même le point de vue des Russes face à cette époque de notre Histoire. Le second degré est indispensable pour ne pas partir en courant au milieu du deuxième acte.
Jeanne est une fille de paysan, malmenée par le Marquis du coin, ce qui plaît moyen à son frère Jérôme. Ce dernier est jeté en prison, et libéré par Adeline, la fille de l’aristocrate. Pendant ce temps, Jeanne a croisé Philippe, un jeune révolutionnaire. Un acte un peu brouillon, où les choses arrivent sans vraiment de raison, et sans beaucoup de danse : pas de variation ou pas de deux marquant-e. Le corps de ballet est plus mis à l’honneur, avec de belles danses de caractère, plus pures que celles que l’on voit à Paris. Ce sont de véritables danses folkloriques.
La deuxième partie est un long divertissement dans le château du Marquis. Passés les premiers sourires face à la danse coincée des aristocrates, on cherche quelque chose à se mettre sous la dent. Il y aura Mireille de Poitiers, et sa si jolie variation où elle ne semble pas vouloir descendre de ses pointes, ce qui ne fait pas grand chose sur 25 minutes de spectacles. L’entracte arrive, et la déception pointe. S’il n’y avait rien à attendre de spécial de ce ballet, il n’y a pas l’éblouissement tant attendu du couple Ossipiva/Vassiliev. Ne le cachons pas, je suis beaucoup venue pour eux. On ne les voit pas beaucoup, à leur décharge.
Le deuxième acte va enfin donner tout son sens à la soirée. Vaste scène de révolution, prétexte à grosses ficelles pour le pas de deux. Le fameux moment où les stars russes vont véritablement déployer leurs ailes. Et quelles ailes, je n’en suis toujours pas redescendue. Ivan Vassiliev, surtout, m’a laissée bouche-bée. Son personnage ? Pas grand chose à faire. Ce qui se passe autour de lui ? De vagues formes sans importante. Il est là pour faire le show, de façon totalement assumée. Un état d’esprit que je supporte mal, sauf ce soir-là.
Ce n’est pas qu’Ivan Vassiliev est un très bon danseur, ce n’est pas qu’il a charisme de fou. C’est que je n’ai jamais vu ça. Je n’ai jamais vu quelqu’un sauter aussi haut sans effort apparent. Je n’ai jamais vu des pas aussi compliqués, je ne pourrais même pas dire comment ils s’appellent. Je n’ai jamais vu quelqu’un bouffer la scène comme ça, attraper chaque grain de lumière, chaque parcelle du plateau pour se l’approprier. Je n’ai jamais vu une danse aussi généreuse. Car c’est de la danse, ne nous y trompons-là. Sous cette avalanche de technique se cache une véritable musicalité, un sens du mouvement qui n’appartiennent qu’aux artistes.
Si l’on va voir un ballet, c’est souvent pour rechercher l’émotion. En général, on le prend comme quelque chose de romantique : verser sa petite larme, frémir, « avoir les poils » comme dirait un juré de la Nouvelle Star (RIP). Mais l’émotion peut aussi être celle de l’enthousiasme, cette impression d’être emporté-e à chaque saut, cette envie irrépressible de se lever et d’applaudir, tellement tout ce qu’on voit fait plaisir à voir. Ivan Vassiliev, c’est ça, à 100 %. De la pure joie de danser absolument communicative.
En bref, et sans que je m’y attende vraiment, je suis devenu dès que j’ai vu ce danseur comme une ado de 12 ans devant son premier concert de Justin Bieber. Des « Oh c’est pas vrai » à chacun de ses sauts et des applaudissements vigoureux toutes les trois secondes. Les petits cris hystériques venants des quatrièmes loges, c’était moi.
Natalia Ossipova m’a un peu moins impressionnée, mais elle n’en était pas moins époustouflante. je n’ai pas compté ses fouettés, mais les 50 ne devaient pas être loin, et je n’ai pas vu quelqu’un faire des ballonnés aussi rapidement. Cette danseuse ne représente pas vraiment le mythe de la danseuse élégante. Elle est trop maquillée, fait trop de grands gestes, elles est trop tout. Mais son personnage est une vraie Marianne, bien plus que Catherine Deneuve. Et sa paysane gouailleuse, sans manière et dévergondée ressemble beaucoup à la statue de l’Arc de Triomphe, criant à la révolution, débraillée et un sein à l’air.
Flammes de Paris reste clairement construit autour du couple Natalia Ossipova/Ivan Vassiliev, tant leurs incroyables qualités font oublier, en 1/4 d’heure, le reste ennuyeux du ballet. A souligner tout de même la belle prestation de Lopatin dans Jérôme, danseur élégant et le seul qui fait un minimum d’effort pour faire vivre son personnage. Il faut dire aussi qu’Il finit le ballet la tête ensanglantée de sa chérie entre les bras, il faut bien un minimum de tragédie.
genoveva
Moi non plus, je n’avais jamais vu ça ! c’est époustouflant !
Amélie
@genoveva: On ne s’en lasse pas !
christophe
Résumons,
ces russes ont prouvé par cette débauche de virtuosité et leur flamboyance, dont la technique n’est qu’un outil d’expression, que ce peuple a encore une âme, que les français ont perdu dans leur ensemble, s’abritant comme ils le peuvent derrière le » propre » l’ élégant »,
Bla bla bla…
Qu’ils sautent tournent et bougent aussi vite avec autant de caractère , qu’ils soient aussi sexy qu’Ossipova et Vassiliev, et alors seulement on comparera les jolies jolies 5ème.
D’ailleurs de quoi s’étonne-t-on? Les russes ont fournis presque tous les grands danseurs qui ont marqué l’histoire de l’art :Nourrev Baryshnikov, l’autre Vassiliev, , bien sûr, et tant d’autres méconnus, comme Soloviev, qui touchaient aux étoiles quand ils sautaient tournaient et interprétaient.
On a oublié, et ils ne faut pas compter sur la dernière génération des « produits opéras » pour le savoir, que TOUS les danseurs d’il y a une cinquantaine d’années qui ont relevés l’Opéra de ses décombres d’après guerre étaient russes, comme aleksandre Kalioujni dont il serait bon de faire lire la critique par un journaliste du Figaro de 1950, aux danseurs et responsables chorégraphiques de l’Opéra : » un danseur mâle »
C’est à dire de nos jours un facho réac suspect.
On a oublié que s’appeler patrick Dupond fut longtemps impossible : il fallait russifier son nom : il y avait des raisons…
C’est Noureev qui a permis à l’Opéra de se relever.
L’un des seuls danseurs français a avoir eu cette âme magnifique fut Dupont, mais oui : regardez son don Quichotte à 20 ans, regarder cette rage de saut : sublime…et pas toujours propre , ben oui, mais on se souvient encore de lui et au japon par ex c’est une star : le peuple vote, et en démocratie c’est lui qui a raison.
Qui se souvient de Fernando Bujones et Erik Brün : qu’ils étaient propres!, surtout le 1er, mais qu’ils étaient chiants!, aussi chiants que propres!
Maintenant l’Opéra est dans les mains de B Lefèvre : le but est de muter l’Opéra en compagnie néo contempo : éradiqué le classique poussiéreux bourgeois et réac ( comme on vient de le voir! et comme la vulgate s’acharne à l’aimer ) vive le sérieux français, et sa b…intello.
Les pointes deviennent de pire en pire, les jambes des filles tendent vers le beau jambon Serrano ( du fait de la technique contempo ), les garçons ne savent plus ce qu’est une cabriole double, il faut des jumelles pour voir un chat 6 ( du bas du mollet! tellement bas qu’ils en deviennent invisibles : essayer du haut des cuisses vous verrez, ah oui mais j’oubliais : il faut mobiliser des watts des joules, c’est à dire tout ce que les kinésios rois ont dénoncé comme destructeurs dans les sphères pédagogistes du ministère français!) et toute fin de saut fait redouter que soit la scène soit la cheville va céder, tant est terrible le « boum « , incongru sur la musique.
Bientôt et comme tous les autres contempos subventionnés, ils finiront à poil sur scène, et rasés.
C’est tellement plus profond..et moins cher!
la France est vidée, décadente, et ça se voit dans son art. L’Opéra est chiantissime, mais mourra persuadé de détenir la sainte vérité.
Certains danseurs de cette maison ont boudé le Bolshoï : certain(e)s ont honte d’être loin derrière ces monstres, mais plein d’autres ont simplement la tête enflée.
Honte à eux.
A terme le mieux sera de fermer cette compagnie qui en voulant tout faire ne sait plus rien faire ( à très haut niveau la pluridisciplinarité est une chimère ), et avec les grasses économie ainsi faite ( notamment le salaire de B L), il sera possible d’inviter plus souvent et longtemps, bien sûr le Bolshoï, mais aussi le Kirov, Cuba, le San Francisco Ballet et tant d’autres qui savent encore ce qu’est la danse vraiment classique, la danse tout court, sans pour autant être » couvert de poussière », ou les filles belles sexy et fougueuses semblent être nées avec leurs chaussons, , et ou les garçons dansent comme des mecs : » un danseur mâle »! Rappelez vous! ( Figaro 1950 )
A ce propos, que ce tas de chlorophormés prozakés fonctionnaires aille voir ce qu’est danser grâce à la troupe de Moïsseiev en décembre : on a du mal à trouver les mots pour décrire une telle jubilation et technique
C’est pathétique.
christophe
A propos de pathétique , je viens de relire la critique ci dessus, sympathique au demeurant, mais pathétique par le degré d’ignorance qu’elle révèle :
« un homme-volant (ou alors ses chaussons sont sur ressorts, je n’ai pas encore résolu ce mystère). Quelque chose qui vous emporte sans que vous ne pouviez y laisser une once de résistance, et qui vous laisse un peu sonné-e sur le parvis de Garnier. Quelque chose que je n’avais en tout cas encore jamais vu »
Il n’y a pas de mystère, il y a
L’école russe est une école de puissance, les garçons ont des grosses cuisses, la vieille école comme on l’entend de certains « petits danseurs « , car pour sauter à une telle hauteur et atterrir sans se bousiller il faut une certaine quantité de watts, de joules, c’est parfaitement quantifiable, la danse ne peut pas échapper aux lois de la physique , à moins de concevoir un danseur au pourvoir chamane, le chi!, mais là c’est une autre histoire.
En France cette école a été éradiquée par les tarés pédagogistes de la nébuleuse DE ministère, qu’il faut avoir cotoyés pour se rendre compte jusqu’où peut aller le fanatisme idéologique, même dans l’art.
Tout effort est mauvais, voilà le résumé de ces « penseurs » au cerveau félé, mais surtout à l’ego bouffi et aux carrières inexistantes.
Et in fine, selon cette logique, la Vie est mauvaise, puisque la respiration est déjà un processus de destruction par oxydation.
Il faut avoir vu les cours en fixe du CND, par ex, le niveau des pauvres gamines à qui tout effort est interdit ( mauvais! ça use! et rester sur sa chaise , ça fait quoi? ) toute notion de transcendance écartée, et le comparer à n’importe quelle école de province en Russie, je l’ai fait, pour se rendre compte de l’abîme qui sépare ces deux mondes, qu’ici on ne peut récolter que ce qu’on sème.
J’ai entendu avec mes propres oreilles une vieille prof ratatinée expliquer qu’il faudrait peut-être aller promouvoir la danse classique dans les cours de gym ou d’art martiaux pour attirer les garçons qui ont disparu des cours…
mon Dieu…ne rien comprendre à ce point…
Pourquoi y a -t-il des danseurs hommes sans problèmes à l’Est? Pourquoi Les hommes ici se réfugient-ils dans le hip hop?
C’est si compliqué à comprendre?
Même moi j’hésiterais à confier mon fils à un enseignant de danse en France!
Donc voilà: non il n’y a pas de ressorts sous les pieds, il n’y a qu’une âme qui reçoit un outil efficace qui lui permet de s’extérioriser.
Cet outil existe, et le ministère français interdit son usage.Donc on n’obtient rien ici.
C’est mécanique, logique.
Enfin : « jamais vu »
Je ne sais pas qui a écrit ces lignes mais si c’est une critique pro c’est grave : les images sont innombrables à commencer par Barysh dans le Tournant de la vie et son Corsaire surnaturel ( le manège, avec un double saut, autour de la caméra )
Toujours un russe
Et Moïssiev
Encore des russes
Et Peter Chaufuss
Tiens un danois! et de l’école française!
Enfin la vieille, celle d’avant la révolution, donc suspecte, on entend les bruits de bottes…
Un hommage, pour finir, à un danseur méconnu, oublié, français : stéphane Prince
Magnifique, des cuisses qui le faisait sauter jusqu’au plafond, des lignes splendides, une giration qu’il avait eu de son passé de patineurs m’a -t-on dit.
Chez Franquetti à la Cité Véron, je regardais en 1980 cet aigle avec admiration, moi jeune danseur incapable.
J’ai pour toujours en mémoire sa suspension en l’air, son « move » de fauve.
Ce type n’a jamais dépassé 1er danseur. On n » aimait pas.
Quoi? trop masculin?
En Russie il aurait été adulé.
Il a été victime des prémisses du pédagogisme destructeur qui sortait de son antre : il était le danseur »suspect » : trop olympien, ( trop années 80 ), donc un peu réac, il pourrait mettre des bottes… ( le chat 6 en bottes pourrait cependant être intéressant )
Il est à la retraite depuis longtemps. Moi je ne l’ai pas oublié. On ne se connaît pas, et ça n’a aucune importance.
Si tu enseignes stéphane essaie d’en faire des comme toi : la danse a besoin de ça pour survivre ici, comme le fait Rudy Brians, le fauve des fauves, détesté de tant de danseuses étriquées au petit chignon.
Mais il faudra envoyer vos élèves à l’étranger : ici ils seront saqués : suspects…
La France crève de sa mesquinerie et de sa bêtise, en Art comme ailleurs, mais l’art est un microcosme qui fait office de prisme : très officiellement il y a un an ou deux la DRAC s’est émue de la baisse générale du niveau » malgré le DE »
Ces débiles ne comprennent pas que ce DE stalinien avec ses commissaires censeurs détenteurs de la référence absolue en terme de bon goût et du reste, qui ne supportent aucune controverse, ne peuvent être l’objet d’un contre pouvoir, est justement la cause de cette chute et la démo est à la portée d’un bonobo.
JAMAIS OSSIPOVA ET VASSILIEV N ‘AURAIT LEUR DE ICI.
Ceux là c’est bien…de loin! de passage! Mais pour nos conservatoires nous avons ce qu’il faut : 18 ans + plus école de formation ( genre AID : la pourvoyeuse en apprentis pas chers de tout le show biz parisien ) + pas de carrière+ gentil-n’ouvre-pas-sa-gueule-récite-bien-sa-leçon-pédagogiste !
C’est pathétique, ou c’est criminel ?