La Fille mal gardée : épisode 1
Lundi 18 juin 2012. La Fille mal gardée de Frederick Ashton, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Avec Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt (Colas), Stéphane Phavorin (Mère Simone), Simon Valastro (Alain), Alexis Saramite (Thomas) et Pierre-Arthur Raveau (le joueur de flûte).
Cette représentation du 18 juin fut bien évidemment marquée par la nomination d’Etoile de Myriam Ould-Braham. Mais avant l’annonce au micro et les vagues d’applaudissements, il y a aussi eu une représentation avant, et qui mérite bien en soi d’être racontée.
La Fille mal gardée est un petit régal de danse classique, dont les pas se savourent comme des bulles de champagne. L’intrigue est bien mince, cela tient en trois points. Premier point : Lise veut se marier avec celui qu’elle aime, Colas. Deuxième point : la mère de Lise veut lui faire épouser Alain, le fils d’un riche paysan. Troisième point : tout est bien qui finit bien, ouf. Pour tenir deux heures, le ballet pioche dans la vie quotidienne d’un village. Allons nourrir les poules, barattons le beurre, vendangeons et prenons-nous un orage en pleine fête champêtre. Une foule de petite scène triviales, mais qui par la magie du spectacle revêtent un caractère capital pour le public, qui ne peut que s’attacher avec une désarmante facilité à la vie des ces héros et héroïnes.
La Fille mal gardée a été créé en France en 1789, mais il s’agit ici de la version de Frederick Ashton, un chorégraphe anglais. Qui n’a donc pu s’empêcher de distiller deci-delà quelques touches d’humour so british. Ne vous étonnez donc pas de voir la mère dansée par un homme travesti, encore moins de la voir chausser ses sabot pour imiter Fred Astair en pleine fête des vendanges, encore moins donner une fessée à sa fille Lise, 18 ans bien sonné à vue de nez. Ne soyez pas non plus surpris si le ballet démarre par l’arrivée de poules géantes et d’un coq pas moins fier à taille humaine, entonnant parfois une petite chorégraphie au milieux des villageois-e-s.
C’est ça La Fille mal gardée : un village en apparence normal, transposé dans la dimension spectacle à l’aide de pleins de détails burlesques et rigolos. Car le rire, il y en a dans ce ballet. Non pas le petit rire pincé et vite étouffé pour ne pas déranger. Non, le vrai rire franc, spontané, qu’on ne peut laisser échapper, qui résonne, qui fait même essuyer une petite larme à force. La salle s’esclaffe, et n’est pas loin de battre des mains en musique à la fin. Je parie même qu’elle le fera franchement lors de la dernière semaine de représentation, quand les rangs des sages seront partis en vacances.
La Fille mal gardée fait rire aussi grâce à sa distribution. Chacun sait apporter à son personnage suffisamment d’humour sans en faire des caisses, et en sachant, malgré les situations et pantomimes cocasses, garder toute la crédibilité de leur personnage. Myriam Ould-Braham était, comme la groupie qui sommeille en moi s’y attendait, délicieuse en Lise. Techniquement (car le rôle est difficile, avec plusieurs variations compliquées), la danseuse semblait légère comme une plume, sachant si bien se servir de son travail du haut du corps pour donner toute la poésie au rôle. Sa Lise n’est pas naïve, elle est amoureuse ! Et en pleine crise d’ado en plus, n’ayant pas peur d’affronter l’autorité maternelle ou de montrer clairement son ennui face aux activités de la ferme.
Josua Hoffalt s’est montré tout aussi so charming en Colas, peut-être même un peu trop. Son personnage semblait parfois un peu trop élégant, jouant plus dans la catégorie du prince, alors qu’il est un villageois désargenté tout feu tout flamme. Là-dessus, Mathias Heymann me semble insurpassable dans le souvenir qu’il m’a laissé il y a deux ans. N’empêche, le couple sur scène était adorable, complice et rempli de tendresse. Un moment à retenir ? Leur pas de deux des vendanges, moment si joli à vous accrocher un indécrottable sourire niais au visage pendant toute la soirée.
Le sel de ce couple mignon comme tout était apporté par Stéphane Phavorin, star de la soirée en Mère Simone. Toute peinturluré et travesti qu’il était, son personnage n’en était pas aussi caricatural que ça. Sa Simone n’est ainsi pas qu’une marâtre avare. C’est aussi une personne sachant s’amuser, au grand coeur au final, et une maman attentive, inquiète de voir sa fille prendre froid. Et aussi de s’envoyer en l’air avec le pauvre du coin, mais pour une maman du XVIIIe siècle, je la trouve plutôt en avance sur son temps. Stéphane Phavorin y apporte une grande richesse aux pantomimes, l’essentiel de son rôle, apportant une multitudes de petits détails. Sa Mère Simone est ainsi simplissime, mais aussi attachante, et finalement tout ce qu’il y a de plus humaine.
Même constat pour Simon Valastro en Alain. Son personnage n’est pas que le riche prétendant nigaud. C’est aussi un garçon qui fait de la peine, maltraité comme il est, timide, vite coureur de jupons quand son père n’est pas là, et infiniment rempli de poésie.
Le corps de ballet, très important dans La Fille mal gardée, mettait du cœur à l’ouvrage. Il reste toutefois encore un peu trop sage. Pour cette représentation, il était en grande partie composé de jeunes recru-e-s ou de surnuméraires, peut-être un peu trop concentrés sur l’idée de bien faire pour cette première. Parmi eux, Pierre-Arthur Raveau s’est par contre plutôt bien amusé en joueur de flûte. Bon présage en vue de sa prise de rôle de Colas dans quelques semaines.
Cams
Pierre-Arthur Raveau jouera Colas non?
En tout cas j’ai vraiment hâte de voir cette distribution! Josua Hoffalt est le seul que je n’ai jamais vu dans ce ballet donc je suis bien curieuse. Je suis sûre qu’il doit bien s’accorder avec Myriam Ould-Braham (bien mieux qu’avec Aurélie Dupont).
Lors de la dernière reprise je n’avais vu qu’une représentation (Heymann/Gilbert) aussi mes souvenirs de Myriam dans le rôle sont bien loins!!