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Le San Francisco Ballet aux Étés de la Danse – Soirée Allegro Brillante/Maelstrom/Solo/Piano Concerto #1

Le San Francisco Ballet ravit le public parisien depuis le 10 juillet, avec en point de mire les ballets Black & White de George Balanchine, véritables trésors de style. Mais la troupe est venue avec bien d’autres chorégraphes, artistes contemporains jouant avec la technique classique dans la droite ligne du maître américain. Sauf qu’il est difficile de surpasser ledit maître. La soirée n’en fut pas moins agréable, mettant en valeur plusieurs personnalités. Mais j’en suis sortie moins bien rassasiée chorégraphiquement. Et si chacune des oeuvres avait des qualités, aucune n’est apparue comme un chef-d’oeuvre incontestable, contrairement aux autres programmes chroniqués.

Piano Concerto #1 d'Alexeï Ratmansky

Piano Concerto #1 d’Alexeï Ratmansky

L’affiche du soir commençait pourtant par un BalanchineAllegro Brillante. Pas de mains cassées ou trop de bassins en avant, il s’agit surtout d’un exercice de style classique. Balanchine reste Balanchine, l’oeuvre est brillante, enlevée, portée par une formidable musicalité. Le chorégraphe met en place une sorte de crescendo chorégraphique entre le couple de solistes et le corps de ballet, se répondant en canon. Chaque réponse semble pousser son voisin à aller plus loin, plus haut. C’est presque un suspens qui monte, mais jusqu’où tout cela va-t-il nous mener ? Mathilde Froustey, brillante comme jamais, mène le ballet d’une main de fer, bien accompagnée par Joseph Walsh. Le ton reste toutefois plutôt formel, et le tout apparaît plus comme une brillante entrée que comme un plat de résistance qui tient au corps. Allegro Brillante était de fait très justement placé au début. Le reste de la soirée fut aussi composé d’entrée, tout le problème.

Maelstrom de Mark Morris est pourtant plus intéressant que ce que la pièce laisse présager au départ. Un couple de solistes, des demi-solistes, du corps de ballet. Très bien, nous aurons donc des beaux mouvements de bras très lyrique avec des ensembles se répondant en concerto, du sous-Balanchine comme il en existe au kilomètre.

Maelstrom

Maelstrom

Sauf que Mark Morris ne tombe pas dans la facilité. Aux grandes envolées lyriques il préfère des changements de direction brusques et qui surprennent. Les jambes tricotent mais le haut du corps cherche une originalité et la trouve parfois, avec des bras tendus et décalés. Sa pièce tourne autour de quelques phrases chorégraphiques, suivant les phrases musicales, dont les danseurs et danseuses se passent le flambeau. Un mouvement commencé par une danseuse est complété par son voisin, un  autre change sans prévenir et part dans une toute autre direction. D’intéressants mouvements d’ensemble se mettent en place, évitant là encore les petits trucs de chorégraphes déjà tellement vus pour essayer de surprendre visuellement.

Maelstrom, ou tourbillon, change son ambiance selon les mouvements, vif au premier, sombre au deuxième, plus serein au troisième. Le crescendo dramatique reste cependant peu ressenti, le tourbillon apparaissant plus par les danseurs et danseuses disparaissant et réapparaissant inlassablement sur scène, en général par un chemin où on ne les attendait pas forcément.

Maelstrom

Maelstrom

Solo de Hans van Manen, comme son nom de l’indique pas, est un trio. Ou plutôt un même rôle, interprété par trois danseurs différents, se passant là encore le flambeau au rythme de l’écriture chorégraphique. Solo est la pièce de la virtuosité (sans en oublier la musique), un moment pour faire briller la danse et la joie de bondir sur scène. Un exercice de style, certes, mais qui n’en oublie pas l’humour et enlevé avec brio par Hansuke Yamamoto, Joseph Walsh et Gennadi Nedvigin. Un parfait trou normand pour reprendre de l’énergie pour la suite.

La suite, ce fut Piano Concert #1 d’Alexeï Ratmansky, un parfait dessert mais qui laissait presque sur sa fin. La pièce est en fait un extrait de Shostakovith Trilogy, oeuvre sur trois mouvements d’oeuvres différentes du compositeur, évoquant sa vie troublée. Inutile d’y chercher une quelconque dramaturgie ou un livret, plutôt des évocations dans une abstraction. « Il n’y a pas d’histoire, mais il y a du sens« , dit Alexeï RatmanskyPiano Concert #1, l’un des trois mouvements du ballet, évoque l’empire communiste et de comment il peut être vécu par la foule. Les références à la vie quotidienne se sont et se défont dans une chorégraphie riche, qui trouve parfaitement sa place avec les interprètes du San Francisco Ballet : une technique ultra précise et difficile emmenée par un haut du corps très libéré et expressif (ce qui ne fonctionne pas forcément avec l’Opéra de Paris). La foule est parfois comme un bon petit soldat, où l’individualisme s’oublie, parfois un groupe de gymnastes victorieuses à la gloire de l’empire.

Comment, en tant que personne, vivre dans cette foule codifiée ? Certaines y trouvent du bonheur en se fondant dans le moule. D’autres, au contraire, n’y trouvent pas leur place et se déconnectent petit à petit de la collectivité. Sofiane Sylve, toujours aussi magnétique (à tel point que je ne sais plus quel adjectif employer sur elle sans me répéter au fil des chroniques), cherche à s’intégrer avec un certain désespoir, comprenant dès le début que ce nouveau monde ne lui conviendra pas. L’émotion monte dans cette abstraction, mais il est déjà temps de baisser le rideau. Dommage que Shostakovith Trilogy ne soit pas présenté dans son entier durant cette tournée, Piano Concert #1 est une pièce séduisante qui ne donne pas envie de se contenter du teaser.

Piano Concerto #1

Piano Concerto #1

 

Le San Francisco Ballet aux Étés de la Danse, au Théâtre du Châtelet. Allegro Brillante de George Balanchine, avec Mathilde Froustey et Joseph Walsh ; Maelstrom de Mark Morris, avec Dores Andre, Pascal Molat, Simone Messmer, Gennadi Nedvigin, Jordan Hammond et Sean Bennett ; Solo de Hans van Manen, avec Hansuke Yamamoto, Joseph Walsh et Gennadi Nedvigin ; Concert #1 d’Alexeï Ratmansky, avec Sofiane Sylve, Tiit Helimets, Frances Chung et Vitor Luiz. Mardi 22 juillet 2014.

 

Comments (3)

  • nadège

    Que de muscles et d’acrobatismes dans la danse américaine! A la mode de l’air du temps où s’applaudissent des chorégraphies de piètre valeur entichées de scénographies et costumes racoleurs à rendre sa carte pour la simplicité des contemporains. Décidément la danse classique a ici perdu sa finesse poétique qui faisait son unique dans l’art corporel occidental pour s’enticher d’une sportivité qui n’a de bon public que l’avide des chocs comme il s’épatait hier devant les contortionistes de foire. Devant ces spectacles de la quantité pompeuse n’en est que plus admirable la finesse de ceux qui refusent de défaire l’art de la qualité à donner de la Beauté.

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  • Bonjour, je n’ai pu malheureusement y assister, mais j’en garde un bon souvenir du San Francisco Ballet. Maintenant c’est vrai que je n’ai pas qu’entendu de bons échos (identiques à ceux de Nadège). Vivement que je les revois sur scène.

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